Inscrire un terme

Retour
Actualités

En RDC, les balles crépitent dans l’indifférence internationale

Emily Zaragoza
22 novembre 2023

Crédit visuel : Nisrine Abou Abdellah — Directrice Artistique

Article rédigé par Emily Zaragoza — Journaliste

Le 30 octobre 2023, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) diffusait un communiqué sur la situation en République Démocratique du Congo (RDC). En plus d’une crise migratoire à l’ampleur de près de sept millions de personnes déplacées internes, l’agence intergouvernementale souligne l’urgence humanitaire dans laquelle se trouvent les civils depuis l’intensification des combats. Quelles sont les conséquences de ce conflit ? Quelles sont les issues à la guerre ?

Les origines du conflit

Christian Mushagalusa Nkunzi, étudiant en doctorat à l’Université d’Ottawa (l’U d’O) et originaire de l’Est de la RDC, rappelle que les tensions remontent au siècle dernier. Tout a commencé en 1994 au Rwanda, pays voisin composé de deux ethnies, lors du génocide des Tutsis par les Hutus, poursuit-il. L’étudiant explique que grâce à l’aide de la communauté internationale, les Tutsis — dont un million venaient d’être massacrés — ont pris le pouvoir. S’en est suivi un exode de plus d’un million de personnes, des Hutus vers le Kivu, une région dans l’Est du Congo. Cette crise migratoire, en plus de provoquer une catastrophe humanitaire, a profondément déstabilisé le Congo, précise-t-il.

En 1996, les Tutsis congolais, avec le soutien du Rwanda et une partie de la population congolaise exténuée par la dictature, se sont unis pour se rebeller contre le président Mobutu, raconte l’étudiant. Une fois au pouvoir en 1997, continue-t-il, le rebelle Laurent-Désiré Kabila, qui avait changé le nom du pays en République démocratique du Congo, a ordonné le départ des populations étrangères. Cette décision a provoqué la formation de groupes armés qui ont combattu les forces officielles, une situation qui perdure encore à ce jour, conclut Mushagalusa Nkunzi.

Les répercussions

Ce conflit, le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale, assure Mushagalusa Nkunzi, a causé plus de six millions de morts de 1996 à aujourd’hui. D’après lui, au-delà des décès, la guerre a des « conséquences dramatiques » sur les civils. Les déplacé.e.s vivent dans des camps où les conditions sont extrêmement précaires, ajoute-t-il, et de nombreux enfants souffrent de malnutrition aiguë sévère.

Alors que les « balles crépitent depuis près de trente ans » aux oreilles des civils, le doctorant affirme que beaucoup sont victimes d’exactions, notamment de viols. Des enfants rejoignent les groupes armés et deviennent enfants-soldats : sans accès à l’école ni à l’emploi, c’est la seule voie qui leur reste pour survivre, raconte-t-il.

Les étudiant.e.s congolais.e.s de l’U d’O craignent pour leurs proches, au point d’en perdre le sommeil, selon l’Association des étudiants congolais (AECUO). Arsène Batundi, étudiant en finance et vice-président aux affaires internes de l’AECUO, explique qu’il est d’autant plus inquiet que les réseaux sociaux lui permettent d’être témoin des conditions de vie des réfugié.e.s. Il dit se sentir angoissé et impuissant loin de sa patrie « en feu », d’autant qu’aucune solution ne semble se profiler à l’horizon.

Quelles issues à trente ans de conflit ?

Mushagalusa Nkunzi, titulaire d’une maîtrise en administration publique, affirme que le gouvernement congolais a perdu le contrôle et que dans les territoires à l’Est, les groupes armés font la loi en « l’absence totale d’autorité de l’État ». L’impasse dans laquelle se trouve le pays est, à son avis, en grande partie économique, car le pouvoir n’a pas les moyens financiers de rétablir l’ordre. Il est convaincu que le conflit empêche la bonne gestion de l’exploitation des ressources afin de servir la population congolaise, au profit de grands groupes privés occidentaux qui accaparent les minerais. Des groupes qui nourrissent le conflit, déclare-t-il, au point que certains emploient le terme de « Génocost » — le génocide causé par des raisons économiques — pour décrire la situation.

L’issue doit, selon lui, venir de l’engagement de la communauté internationale au côté de l’État congolais afin de financer la lutte contre les groupes armés. Si la cause ukrainienne a réussi à mobiliser hors de ses frontières, Batundi a l’impression que la situation en RDC se heurte à l’indifférence du reste du monde. Un constat que partage Mushagalusa Nkunzi. Il dénonce l’attitude du premier ministre Justin Trudeau qui semble soutenir le président rwandais Paul Kagame, alors que celui-ci est pointé du doigt par un rapport de l’Organisation des Nations unies comme étant l’un des responsables du conflit en RDC.

La solution est, d’après Batundi, à trouver également sur le plan politique interne. Il est convaincu que seul un « leadership congolais » réellement au service de la population et incarnant une force sur la scène internationale peut mettre fin à la crise. Il ne place cependant que peu d’espoir dans les élections à venir le mois prochain, faisant remarquer que les dirigeants des dernières décennies se sont davantage préoccupés de conserver le pouvoir que de trouver des solutions au conflit. 

Afin de résoudre à terme le conflit, Mushagalusa Nkunzi mise sur l’éducation, notamment la pratique du vote, alors que le clientélisme et la fraude sont monnaie courante, dénonce-t-il. Une fois son diplôme en poche, Batundi compte retourner en RDC afin de mettre à profit ses ambitions entrepreneuriales pour améliorer les conditions de la population. D’ici là, il continuera de promouvoir au sein de l’AECUO des programmes de mentorat afin de favoriser « l’excellence congolaise » à l’U d’O.

L’Association souhaite insuffler une vision positive de la RDC, et partager la culture congolaise à travers des évènements socioculturels, en organisant par exemple des soirées culturelles, des brunchs, et des activités de bénévolat.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire