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Diplomatie scientifique
Actualités

La diplomatie scientifique, une priorité pour la francophonie ?

Hai Huong Le Vu
7 février 2024

Crédit visuel : Nisrine Abou Abdellah — Directrice Artistique

Article rédigé par Hai Huong Le Vu — Journaliste

Le 9 janvier dernier, l’Université d’Ottawa (U d’O) a publié un article annonçant son projet collaboratif avec l’ambassade de France au Canada : la Chaire de recherche en diplomatie scientifique. Cette nouvelle a incité La Rotonde à s’intéresser aux contributions de la francosphère à ce champ d’expertise.

Selon Michel Audet, chercheur invité au Centre d’études et de recherche en relations internationales à l’Université de Montréal (CÉRIUM), la diplomatie scientifique renvoie à l’usage de la science au service d’un agenda diplomatique. Les érudit.e.s ne peuvent pas mener des analyses sans appréhender les enjeux dans différentes régions du monde, croit Paul Dufour, chercheur affilié à l’Institut de recherche sur la science, la société et la politique publique (ISSP) de l’U d’O.

Un domaine dominé par l’anglais

« La diplomatie scientifique a toujours été l’apanage des milieux scientifiques et diplomatiques anglo-saxons, de sorte que les pays francophones ont toujours été un peu laissés de côté », laisse savoir Audet. Il indique que les écoles d’été en diplomatie scientifique offrent notamment des programmes qui se font en anglais, comme celles à Genève, à Sao Paulo, à Barcelone et à New Delhi.

Au sein du gouvernement canadien, la science est renforcée par le.la conseiller.ère scientifique en chef.fe. Le chercheur du CÉRIUM avance que ce poste est peu présent dans les communautés francophones, bien que celui-ci existe « systématiquement » dans les États anglo-saxons, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, et les États-Unis.

D’après Audet, « beaucoup de scientifiques francophones ont décidé de faire leur carrière en anglais ». Il précise que ceux.celles-ci écrivent pour des revues, donnent des conférences, participent à ces dernières et font partie d’organisations multilatérales tout en pratiquant la langue la plus parlée dans le monde.

Les enjeux à affronter

Le chercheur du CÉRIUM est d’avis que le réseau scientifique des nations francophones est « désorganisé » comparativement à celui des pays anglophones. En prenant l’exemple de la pandémie COVID-19, Audet indique que les membres du monde francophone ne se sont pas impliqué.e.s dans les rassemblements mondiaux, dont la langue principale employée est l’anglais. Selon lui, plusieurs zones pratiquant le français en Afrique ne se trouvent pas dans ces regroupements, malgré leurs contributions « importantes » dans le champ des sciences.

Pour Dufour, le Canada fait face à un manque de subventions pour la diplomatie scientifique. « Souvent, on n’a pas de l’argent qui répond aux ententes [de ce dernier] », témoigne le spécialiste de l’IPSS. Par contre, le financement, à son avis, joue un rôle « crucial » dans le transfert des savoirs et l’échange des étudiant.e.s entre régions.

L’expert de l’IPSS constate aussi un manque de stratégies au niveau provincial et fédéral dans ce domaine. La France, par exemple, dispose d’une politique pour promouvoir la recherche avec d’autres pays, remarque-t-il. Cette approche, selon lui, permettra au Canada de « mieux » gérer ses objectifs scientifiques dans ses relations bilatérales et multilatérales.

Les initiatives mises en action

Au forum international La science en français, qui s’est déroulé à Montréal du 26 au 27 avril 2023, le scientifique en chef québécois Rémi Quirion a affirmé que le but de la diplomatie scientifique francophone ne correspond pas à lutter contre celle qui est anglophone, mais à améliorer le domaine scientifique francophone. Il poursuit en proposant aux membres de la communauté francophone de collaborer sur cette question.

« On a une entente avec la France dans le domaine de la science et de la technologie. Ça date depuis les années soixante, et c’est très bien développé : il y a des échanges d’étudiant.e.s et de chercheur.euse.s [entre les deux pays] », établit Dufour. En lien avec la mobilité étudiante, Audet renchérit que l’Agence universitaire de la francophonie regroupe plus de mille écoles dans le monde en organisant des rencontres, des conférences et des symposiums.

Audet raconte que le gouvernement du Québec a des politiques de coopération en matière de diplomatie scientifique, par le biais de ses fonds de recherche et du scientifique en chef. Il informe que ce dernier a créé une division francophone (RIFCS) dans le Réseau international en conseil scientifique gouvernemental, dont le but est d’établir un rassemblement d’acteur.rice.s francophones dans ce domaine. En reconnaissance des publications en français liées aux sciences, le scientifique en chef annonce le maintien de la remise des prix mensuels du RIFCS le 18 janvier dernier.

« Il y a quand même tout un terrain fertile pour faire de la science en français, pour développer davantage des activités de réseautage et la production de connaissances », encourage le spécialiste du CÉRIUM. Cet été, du 3 au 8 juin, Audet et l’Université de Montréal organiseront une série d’activités abordant des questions associées à la diplomatie scientifique dans la francophonie, y compris la suivante : peut-on parler d’une approche francophone de la diplomatie scientifique ?

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