
Nous en avons fini avec la COVID-19, mais la COVID-19 n’en a pas fini avec nous
Crédit visuel : Archives
Article rédigé par Mabinty Touré – Journaliste
Le début de l’année 2023 marque la troisième année consécutive depuis que la COVID-19 est présente dans nos sociétés. Alors que l’Organisation mondiale de la santé a annoncé le 30 janvier dernier qu’elle estime que la COVID-19 représente toujours une « urgence sanitaire mondiale », Santé publique Ontario annonce que le nouveau variant XBB.1.5 représentait 22,2 % des cas dans la province la semaine du 18 janvier. On peut donc se demander : est-ce que la COVID-19 est toujours d’actualité ?
Quelques observations après trois ans
Earl Brown est un professeur de neuroscience et de virologie à l’Université d’Ottawa (U d’O). Il rappelle que la COVID-19 possède la particularité d’évoluer rapidement, car ses gènes sont constitués d’ARN (acide ribonucléique). Ce type de gènes effectue des mutations plus rapides que les virus à ADN. Ainsi, lorsqu’une personne est infectée par deux variants de coronavirus, ceux-ci possèdent la capacité d’échanger leurs gènes en les cassant, et de créer de nouvelles combinaisons entre eux, énonce-t-il. Il rappelle qu’aujourd’hui, la majorité des personnes sont partiellement immunisées de graves complications, par les vaccins et les infections. Avec le nouveau variant XBB 1.5, le spécialiste s’attend néanmoins à une nouvelle vague d’infections.
En trois ans, on observe plusieurs séquelles de la pandémie, déclare Nafissa Ismail, professeure titulaire à l’École de psychologie de l’U d’O. Elle indique qu’il y a eu de nombreux impacts sur la santé physique et mentale de la population en raison de la présence d’un stress chronique sur de longues périodes. Le stress chronique peut entraîner une inflammation du cerveau appelée neuro-inflammation. Ce type d’inflammation peut être responsable de problèmes de santé, tels que des ulcères d’estomac, ou encore le développement de maladies auto-immunes. En ce qui concerne la santé mentale, cette inflammation peut entraîner la diminution de l’hippocampe, menant à des troubles de concentration, d’apprentissage et de mémorisation.
Le professeur au Département de biochimie, microbiologie et immunologie discute de l’évolution des comportements face à la COVID-19 : « Au départ, les citoyens étaient très préoccupés. Beaucoup d’entre eux étaient infectés ». Brown trouve que depuis lors, les personnes vaccinées et non immunodéficientes ont développé une certaine complaisance à l’égard de l’infection.
Changements en matière de communication
Luc Bonneville, professeur titulaire au Département de communication à l’U d’O, discute de la question de la communication en temps de pandémie. Il remarque une transition entre une communication de crise et une communication du risque : « les efforts ont au départ été mis sur la nécessité d’opter pour le port du masque, de pratiquer la distanciation et de se faire vacciner ». Le professeur explique que le grand public a repéré des contradictions ou confusions dans les grands discours du gouvernement fédéral, ce qui l’a poussé à progressivement se désengager avec lui. Il qualifie cette situation de « fatigue pandémique ».
Ces dernières années ont permis de se rendre compte que « la gestion de la pandémie devait passer par la gestion des communications », ajoute Bonneville. Dans les médias, il repère des reproches envers le gouvernement pour son silence relatif quant à l’évolution de la pandémie. En effet, l’enjeu réside dans la communication efficace afin que la population développe des comportements sains. Cependant, si pour Bonneville, les citoyen.ne.s sont mieux informé.e.s des risques sanitaires, cela ne veut pas dire qu’ils.elles changeront leur comportement.
Et maintenant ?
Brown rappelle qu’historiquement, les pandémies ont toujours existé, en plus de la multitude de virus que nous ingérons quotidiennement. Pour lui, il est complexe de « prévenir ou de prédire » d’autres pandémies. Il observe qu’il y a de plus en plus de gens sur la planète qui vivent avec des systèmes immunitaires affaiblis. Ainsi, une population sensible, en plus de nouvelles manières d’élever les animaux, augmentent selon lui les risques de transferts de virus.
Selon le professeur de communication, il est normal que la population doute des phénomènes, fasse de la comparaison et questionne les autorités. Cependant, pour lui, le discours officiel de santé publique doit pouvoir convaincre la population à l’aide d’arguments « rationnels et clairement énoncés ». Il poursuit sur le rôle des institutions académiques. Celles-ci sont responsables, pour Bonneville, du développement de l’esprit critique des étudiant.e.s et ainsi des citoyen.ne.s de la société.
Pour Ismail, il faut également investir dans la recherche et dans les services de santé mentale pour la population. Afin de minimiser les effets du stress chronique, il faut essayer de diminuer l’activation de notre axe de stress, informe-t-elle. Elle mentionne des activités telles que la méditation, le yoga ou encore des techniques de respiration, pour aider à diminuer le cortisol, très présent durant des périodes de stress chronique.