Les Canadiens Noirs (après Cooke), une nouvelle manière de réfléchir à notre histoire
Crédit visuel : Deanna Bowen, Les Canadiens noirs (après Cooke), 2023. © Deanna Bowen. Avec l’autorisation de l’artiste et MKG127.
Article rédigé par Jacob Hotte – Journaliste
Dans le cadre de la série Femmes en tête, le Musée des beaux-arts du Canada met en œuvre l’exposition de Deanna Bowen, Les Canadiens noirs (après Cooke). Cette série est organisée par le Musée avec l’intention de présenter des œuvres d’art qui existent au-delà de ses murs.
Le Musée des beaux-arts du Canada s’est engagé à mettre de l’avant trois artistes canadiennes chaque année dans la collection nationale sur une période de trois ans. Pour donner suite à l’exposition de Geneviève Cadieux, Barcelone, qui a été inaugurée en juin 2021, Bowen est maintenant la deuxième femme à être exhibée à l’occasion de l’événement. La présentation de son œuvre sera officiellement inaugurée le 1er août 2023 à l’occasion du Jour de l’émancipation et sera exposée jusqu’à la fin de l’automne 2024.
Mise en place de l’exposition
L’art de Bowen présente sa généalogie, de son arrière-arrière-arrière-grand-père maternel à la génération actuelle. Son œuvre a pour but d’illustrer le lien entre son histoire familiale et le passé colonial laissé par le Royaume-Uni au Canada, depuis le 19e siècle. Bowen essaye d’illustrer l’histoire canadienne du point de vue de groupes ayant été historiquement marginalisés. Elle note que leur histoire est souvent ignorée par la prédominance de la perspective coloniale.
Lors d’une rencontre organisée sur Zoom, Jonathan Shaughnessy, Directeur des initiatives muséales du Musée, indique qu’il peut apprendre à connaître l’art de Bowen tout au long de la dernière décennie. Il y a environ 3 ans, Shaughnessy raconte avoir suggéré que Les Canadiens noirs (après Cooke) soit considéré pour la seconde tranche de la série Femmes en tête.
Shaughnessy poursuit en présentant Bowen comme une artiste ayant de l’expérience dans le domaine public sous la forme de panneaux d’affichage. Selon lui, en incorporant des documents d’archives à l’intérieur de son art, Bowen réussit à combiner diverses expériences et histoires. Ce dernier observe que grâce à cette diversité de vécus, elle réussit à contribuer à l’expansion des connaissances du public au sujet de l’histoire canadienne, tout en les invitant à s’y pencher avec un esprit critique.
Shaughnessy confie aussi que le message contenu à l’intérieur des œuvres de l’artiste s’applique aussi au contexte du Musée des beaux-arts du Canada. Il ajoute que le Musée a longtemps contribué à l’exclusion des peuples marginalisés, ce que Bowen tente aussi de mettre en avant dans son travail.
Bowen, en entrevue avec Shaughnessy, atteste que sa source d’inspiration derrière l’ensemble de son œuvre repose sur l’histoire de son ascendance. Elle énonce s’être concentrée sur le voyage de sa famille lors de leur immigration au Canada. L’artiste indique que l’art créé pour cette exposition n’est qu’une prolongation d’une plus grande œuvre qu’elle produit depuis maintenant 25 ans.
Conversation à initier
Dans le cadre du processus de création, elle exprime qu’elle a voulu situer son histoire familiale à l’intérieur de plus grandes histoires, dont celle du Canada. Grâce à des recherches dans de multiples archives, Bowen a pu établir les difficultés et les obstacles auxquels ses ancêtres ont dû faire face. Elle est aussi parvenue, au travers de sa recherche, à en apprendre plus sur l’histoire de ceux.celles qui ont contribué à la vie laborieuse de sa famille. Cette dernière révèle qu’elle continue à essayer de positionner le Canada sur l’échelle mondiale afin d’aider le grand public à mieux comprendre le pays ainsi que son héritage politique.
En ce qui concerne les décisions esthétiques, l’artiste raconte que plusieurs de ses choix proviennent de son expérience lors de la création d’une ancienne œuvre. C’est en « inversant » la couleur des portraits qu’elle a pu découvrir le bleu qui parsème ses œuvres. C’est d’ailleurs rapidement devenu une de ses signatures en tant qu’artiste, confirme-t-elle.
Bowen poursuit que les considérations de composition ont été importantes lors de la constitution de ces œuvres. Elle souhaitait réaliser un contraste entre les œuvres, afin que certaines d’entre elles se distinguent des autres. En effet, Bowen a choisi de rendre moins visibles certains portraits qui représentaient des réalités et des expériences lourdes pour les communautés noires, dont le massacre de Tulsa.
En fin de compte, Bowen rapporte que le but ultime de son travail est de susciter des conversations au sujet des aspects sombres de l’histoire canadienne, souvent méconnue de la population générale. Selon elle, les expériences des personnes noires au Canada sont régulièrement minimisées. Elle déclare que les souvenirs traumatiques des communautés radicalisées ont aussi une importance capitale. En outre, plusieurs membres de ces communautés ne sont pas capables d’exprimer leur vécu. Bowen tente donc d’utiliser son art comme une opportunité de repenser à l’histoire du Canada sous plusieurs perspectives, surtout celles qui ont été ignorées.
Ce n’est toutefois qu’en observant le déroulement de l’événement qu’il sera possible de percevoir le réel impact qu’auront les œuvres de Bowen sur le public. Ses intentions parviendront-elles à attendre les spectateur.ice.s comme elle l’aura voulu ?