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Identités noires au pluriel, pas au singulier

Mabinty Toure
21 février 2023

Crédit visuel : Archives

Article rédigé par Mabinty Touré – Journaliste 

Février représente le Mois de l’histoire des Noir.e.s au Canada depuis 1995. Comme le rappellent des éducateur.ice.s comme Afua Cooper, l’histoire des Noir.e.s au Canada a presque 400 ans. Pourtant, elle reste méconnue. Aujourd’hui, la population noire au Canada représente 3,5 % de la population totale. Qu’est-ce qui caractérise l’identité noire au Canada ? Pourquoi est-ce que l’histoire des Noir.e.s est toujours méconnue dans le pays ?

L’histoire des Noir.e.s au Canada est riche

En 2022, une édition spéciale du magazine canadien d’histoire pour enfants intitulée Black History in Canada partage environ 50 pages de faits historiques clés. À travers ces pages, l’historienne et rédactrice invitée, Natasha Henry, écrit ces mots : « Les Noirs ont vécu dans ce que nous appelons aujourd’hui le Canada depuis les années 1600. » Elle mentionne les personnes noires issues de l’esclavage, et après l’abolition de l’esclavage en 1834, celles issues de l’immigration des États-Unis, des Caraïbes et d’Afrique.

Cependant, comme le mentionne l’historienne canadienne Afua Cooper, l’histoire des Noir.e.s au Canada reste largement méconnue. Pour Karine Coen-Sanchez, candidate au doctorat à l’Université d’Ottawa (U d’O), « le problème est que lorsque nous reconnaissons que les Canadiens noirs ont existé ici, cela demande aussi une reconnaissance de l’esclavage, et c’est ce que les Canadiens essaient d’éviter ». Les Noir.e.s au Canada ont une histoire riche, rappelle-t-elle.

Une identité hétérogène

Coen-Sanchez est une immigrante haïtienne de deuxième génération. Elle évoque que « quand vous êtes au Canada et que vos parents sont d’Haïti, le concept de blackness ne fait pas partie de votre conscience collective ». Selon la candidate au doctorat en sociologie, au Canada, le discours autour du concept de blackness est caractérisé par l’omission. Elle ajoute que ce concept se fonde aussi sur l’invisibilisation de l’histoire des Noir.e.s dans le pays : « il n’y a pas de discussion autour de la notion de blackness dans la littérature, il n’y a pas de discussion dans les livres ».

À ce sujet, Benazir Tom Erdimi, étudiante originaire du Tchad, en troisième année du programme d’études de conflits et droits humains à l’U d’O, déplore la volonté nationale d’assimilation des immigrant.e.s par la société, sans pour autant les accepter. Pour Coen-Sanchez, il y a aujourd’hui un phénomène de « re-reckoning » des identités raciales : on fait « comme si nous étions devenus noirs soudainement, [alors que] les Noir.e.s existent au Canada depuis un certain temps ».

L’omission de l’information a le pouvoir de déterminer la réalité des Noir.e.s dans ce contexte, poursuit-elle. Pour Coen-Sanchez, le fait de retirer les érudit.e.s noir.e.s du système éducatif limite les personnes noires dans la vision de leur identité. En critique de ces paramètres, Tom Erdimi transmet le message suivant à travers son militantisme : « nous [les personnes noires] sommes plus que ce que vous pensez que nous sommes, et nous pouvons nous donner nos propres opportunités ». Comme sa collègue, elle est consciente que la structure de la société et la suprématie blanche peuvent créer une réalité dans laquelle les Noir.e.s se sentent limité.e.s.

Les deux membres de la communauté uottavienne soulignent que le concept de blackness n’est pas homogène. Pour Coen-Sanchez, il y a de nombreuses couches de réalités à prendre en compte : l’identité noire rassemble diverses communautés d’ascendance africaine d’origines différentes. La tentative d’englober cette multitude de personnes dans un seul cadre entraîne un effacement de la richesse de chacun.e au sein de cette communauté.

Promouvoir l’excellence noire 

Selon l’activiste, Coen-Sanchez, il est primordial de détruire les paramètres réducteurs de la notion de blackness. Cela peut se faire de différentes manières, mais commence selon elle « par la reconnaissance des Afro-Canadiens, la reconnaissance de leur contribution dans l’histoire du Canada ». Il existe, selon Coen-Sanchez, une image et une idée selon laquelle les communautés noires ont besoin d’aide ou d’être sauvées.

Coen-Sanchez et Tom Erdimi, toutes deux militantes, souhaitent promouvoir l’excellence noire à travers différentes instances. Pour Tom Erdimi, il existe une beauté au fait de voir la diversité de la communauté réunie dans un endroit qui n’est pas nécessairement négatif. Selon l’étudiante, participer et créer ce genre d’événements lui permet d’apprécier la diversité de la communauté noire, ainsi que d’apprendre de leurs expériences. À travers son association The People of Tomorrow, elle crée une plateforme de représentation de l’excellence de la jeunesse noire canadienne. Elle s’implique également dans différentes actions communautaires à l’U d’O à travers son travail au centre ÉERA et hors campus.

En plus de mener des ateliers avec le Groupe de recherche d’intérêt public de l’Ontario (GRIPO), Coen-Sanchez a également fondé le Anti-Racism Student Association (ARSA) à l’U d’O, qui s’adresse aux étudiant.e.s racisés.e.s qui veulent venir discuter de leurs projets, de leurs préoccupations, et bien d’autres sujets.

Le Mois de l’histoire des Noir.e.s permet de mettre en valeur les racines profondes et l’importance de la communauté noire, clôture Tom Erdimi. Les deux participantes rappellent que l’apprentissage de l’histoire des Noir.e.s ne s’arrête pas en février, mais doit se faire toute l’année.

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