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Arts et culture

Comprendre et célébrer le mois de l’histoire des Noir.e.s

Culture
17 février 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Article rédigé par Aïcha Ducharme-LeBlanc – Cheffe du pupitre Arts et culture

En 1995, la motion de Jean Augustine, première femme noire députée du Canada, est adoptée par le Sénat. Celle-ci vise à faire du mois de février un moment de commémoration annuel de l’histoire et de la culture noires dans tout le territoire. Entre racisme, éducation, et évolution des mentalités, les enjeux qui y sont abordés sont nombreux. 

Pour Abdi Bileh, fondateur de l’Association canadienne pour la promotion des héritages africains, cette initiative est essentielle puisqu’elle « permet de connaître les contributions et la culture des personnes d’ascendance africaine [au Canada] ». Boulou Ebanda de B’béri, professeur à l’Université d’Ottawa (U d’O) et président du Comité d’action antiracisme et inclusion de cette dernière, partage cette vision du mois de février, et la décrit comme une mise en lumière de la diversité du pays.

Il insiste cependant sur l’importance de la « reconnaissance de l’histoire de la fondation du Canada, et [du fait] que les Noir.e.s aient été au centre de cette fondation. » Marina Touré, directrice de l’engagement communautaire de l’Association des leaders étudiant.e.s noir.e.s (ALÉN) de l’U d’O, souligne que cette célébration permet aussi de se rassembler et de faire la promotion de ces communautés minoritaires. 

Réflexion collective

La directrice de l’ALÉN remarque que ces conversations semblent être plus d’intérêt public cette année, étant donné la récente résurgence du mouvement #Laviedesnoirscompte et les mouvements de révolte qui en ont découlé après la mort de George Floyd aux États-Unis.

Pour elle, la participation significative aux festivités commence par la recherche d’initiatives et de ressources locales. Son Association, le Syndicat Étudiant de l’Université d’Ottawa, ou encore Wellness World, proposent des événements et ateliers virtuels durant le mois de février, et offrent un ensemble de ressources éducatives mises en place pour la communauté uottavienne.

D’après les trois intervenant.e.s, la meilleure façon de participer à cette célébration de l’histoire et de la culture afro-canadienne est de dialoguer avec les autres, et de faire un effort pour mieux comprendre les enjeux abordés. « C’est vraiment important de se poser les bonnes questions et d’être prêt.e à réapprendre beaucoup de choses », estime Touré. 

Repenser l’éducation 

Le mois de l’histoire des Noir.e.s fournit, selon les trois intervenant.e.s, un espace où les gens peuvent échanger et s’informer. Touré met toutefois en garde contre le fait de questionner abondamment les personnes noir.e.s sur le racisme, rappelant que celles-ci peuvent raviver les traumatismes de la communauté, et supposent que les Noir.e.s ont le devoir d’éduquer les autres sur le sujet, alors que ce n’est pas le cas. 

Bileh explique que de nombreuses contributions des Afro-Canadien.ne.s ne sont soulignées ni dans le système éducatif ni dans les livres d’histoire, mais qu’il est important d’insister sur l’éducation et la sensibilisation contre le racisme. « Il faut commencer à réfléchir à comment on peut intégrer l’enseignement de l’histoire des personnes d’ascendance africaine dans les programmes des écoles », ajoute-t-il.

Cette absence notable est due, selon lui, à des préjugés et des discours ignorants dont la population a hérité. Ebanda de B’béri évoque plutôt un effacement délibéré de l’histoire des Noir.e.s au Canada, et insiste sur la nécessité de l’étudier et d’en discuter. Touré décrit elle aussi ce phénomène comme faisant partie du racisme systémique omniscient dans la société du pays. 

Évolution des mentalités

Après 25 ans de célébration du mois l’histoire des Noir.e.s, Touré, Ebanda de B’béri et Bileh soulignent que l’initiative a encouragé un certain progrès dans la société canadienne, notamment en termes de reconnaissance des discriminations subies par les communautés minoritaires. Le fondateur de l’Association canadienne pour la promotion des héritages africains relève qu’à l’époque de l’acceptation de la motion, il aurait été inconcevable de faire suivre des formations sur l’antiracisme aux enseignant.e.s, ou encore de parler d’éducation inclusive. 

« [Depuis 1995,] il y a eu de grandes recherches sur la présence des Noir.e.s au Canada tout particulièrement dans les institutions universitaires […]. Je pense que de plus en plus, les institutions universitaires se sont ouvertes à financer de la recherche centrée sur la présence des Noir.e.s au Canada », observe Ebanda de B’béri.

Cependant, tou.te.s s’entendent à dire que le racisme systémique, notamment le profilage racial et la dévalorisation générale de la communauté noire, subsiste. Si un grand travail de conscientisation général demeure selon elles.eux nécessaire, le mois de l’histoire des Noir.e.s est aujourd’hui plus pertinent que jamais. 

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