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Mandat du SÉUO ; objectifs atteints ou rêves lointains ?

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29 novembre 2020

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Entrevue réalisée par Miléna Frachebois – Cheffe du pupitre Actualités

Chargé de défendre les intérêts et d’améliorer la vie des étudiant.e.s de premier cycle, le Syndicat Étudiant de l’Université d’Ottawa (SÉUO) est composé de onze membres, dont sept qui siègent au comité exécutif. Tim Gulliver, qui y est commissaire à la revendication depuis le printemps 2020, fait aujourd’hui le bilan de son mandat et répond aux questions entourant l’organisation. 

En 2019, les accusations énoncées à l’encontre de la Fédération Étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO) ont mené à la résiliation de l’entente de l’Université avec celle-ci. Le SÉUO l’a alors remplacée, promettant un nouveau départ aux étudiant.e.s souhaitant être représenté.e.s.

La Rotonde (LR) : Quel est le mandat du Syndicat, et quel est son rôle à l’Université ?

Tim Gulliver (TG) : On est surtout là pour améliorer la vie et l’expérience étudiante, et cela se fait de plusieurs façons. D’abord, en luttant d’un point de vue politique pour des changements qui vont aider les étudiant.e.s. En respectant le principe de l’intersectionnalité, on vise l’équité […].

Il y a aussi l’amélioration d’un point de vue social. Événements, rassemblements ; c’est une autre façon d’améliorer la vie étudiante. Nous luttons aussi pour les droits des groupes minoritaires, afin qu’ils se sentent plus visibles. Nous avons par exemple un [poste de] commissaire à l’équité, une commissaire aux affaires francophones, et une commissaire aux services aux étudiant.e.s qui supervise nos treize services au SÉUO. On veut s’assurer que les gens qui ont besoin d’un groupe qui lutte pour eux.elles, ont un syndicat pour les représenter.

LR : Quelles sont vos fonctions au sein du SÉUO ? 

TG : Mon mandat porte principalement sur les affaires universitaires ainsi que les relations externes avec différents gouvernements et autres mouvements ou organismes communautaires, qui pourraient appuyer nos causes et auxquels on pourrait s’allier. Donc, c’est plus centré sur les affaires universitaires. C’est très politique. 

La COVID-19 a changé tous les projets et les priorités de l’année, ce qui a attiré beaucoup de notre attention. Au début, beaucoup d’inquiétudes sont survenues concernant l’accessibilité à l’enseignement virtuel ; ces craintes existent toujours aujourd’hui. On parle de la capacité des gens à avoir un portable avec une caméra pour qu’ils.elles puissent accéder à leurs cours et parvenir aux nécessités et obligations imposées par les professeurs.

On a parlé avec l’Université d’Ottawa pour améliorer l’expérience étudiante à ce sujet, mais il y a beaucoup de chemin à faire. On a aussi discuté de Respondus, le logiciel de surveillance mis en place pour les examens, car il y a quelques craintes concernant la confidentialité, l’équité [de la plateforme]. Il existe aussi des craintes concernant l’anxiété, car cela est différent de l’expérience normale ; dans une salle on ne te fixe pas pendant trois heures, on ne te flag pas, on te soupçonne pas constamment de triche. 

On travaille beaucoup à l’amélioration de l’apprentissage virtuel. On a déjà eu deux sessions de cours, et pourtant il y a encore beaucoup de problèmes. On suit le travail de l’Université, on veut voir ce qu’ils font, et on veut proposer un point de vue étudiant pour s’assurer que les projets reflètent réellement les étudiant.e.s.

Un autre dossier mené par Babacar avec l’aide de notre commissaire à l’équité, c’est l’enjeu du racisme sur le campus, surtout avec la controverse concernant l’emploi du mot en N dans un cours récemment. Ce débat concernant le rôle des protections sur le campus, sur la discrimination systémique auxquel.le.s les étudiant.e.s noir.e.s et autochtones font face, est le dossier qui tombe sous le parapluie des affaires universitaires. Mais c’est surtout le président et la commissaire à l’équité qui travaillent là-dessus. 

LR : Depuis ses débuts, quelles mesures concrètes le SÉUO a-t-il mises en place ?

TG : Je pense que notre plus grande réalisation, c’est qu’on a rebâti un syndicat étudiant qui s’est effondré, et ça, ça prend plusieurs années. Je pense que c’est un accomplissement exceptionnel, peu importe le point de vue politique des différents membres du Syndicat, ou la manière dont les membres sont impliqué.e.s. Tout le monde a le bien du SÉUO à cœur et ça se voit. On a réussi à bâtir un syndicat sur les principes d’équité et de transparence. 

On a aussi réussi à provoquer des changements sur certains dossiers universitaires. L’Université nous a parfois écoutés, et quand elle ne nous a pas appuyés ou n’a pas implémenté nos suggestions, on a au moins réussi à sensibiliser beaucoup d’étudiant.e.s sur certains sujets. C’est important pour rendre la démocratie sur le campus meilleure et plus forte.

Les seules pressions qui vont affecter leurs décisions sont les gens qui ont de l’argent et qui font des dons. Notre rôle c’est d’être un contrepoids à cela. On a fait beaucoup de travail [concernant le] racisme ; on a réussi à démontrer les différents problèmes et formes d’oppressions auxquelles font face les étudiant.e.s noir.e.s et autochtones sur le campus. L’Université doit agir là-dessus, et sans un syndicat étudiant, je ne sais pas si les choses se passeraient de la même façon. Je pense qu’on a réussi à s’affilier aux syndicats d’autres universités, d’autres provinces, afin de lutter pour des changements à un niveau provincial, sachant que l’union fait la force. 

LR : Vous dites avoir réussi à faire des changements sur des dossiers universitaires, auriez-vous des exemples ?

TG : La dernière équipe exécutive, en collaboration avec d’autres groupes étudiants, a réussi à se faire une place sur la table du comité du recteur pour un campus antiraciste. Ils ont été en collaboration avec des représentants au Bureau des gouverneurs par exemple. On a réussi à transformer ce comité-là en un comité d’action. Pas juste aviseur, mais qui avec son propre mandat pour entraîner des changements sur le campus.

En ce qui concerne la santé mentale, on a fait beaucoup de consultations et on travaille sur un rapport de suggestions qui, on l’espère, sera pris en considération par l’Université. Pour Respondus, on a réussi à faire des changements tangibles, et grâce à nos efforts en collaboration avec le gouvernement étudiant reconnu, trois facultés ont décidé de ne pas l’utiliser dans leurs cours. Cette sensibilisation aux craintes soulevées par les étudiant.e.s a découragé beaucoup de professeur.e.s à s’en servir. Dans le cas où Respondus est tout de même utilisé, on s’assure que cela se fasse dans le respect des droits académiques et légaux des étudiant.e.s. 

LR : Quel est le plus gros projet sur lequel travaille le Syndicat en ce moment ?

TG : Le plus grand projet pour moi, c’est la campagne d’amélioration à l’enseignement virtuel. Mes collègues ont d’autres gros projets aussi, autour d’autres enjeux majeurs : la santé mentale et le racisme. Je ne veux pas qu’on priorise une chose par rapport à une autre, les projets sont tous importants.

Sur l’apprentissage virtuel, on a écouté les étudiant.e.s  qui ont soulevé ces derniers mois beaucoup de craintes et d’inquiétudes. Je suis conscient du fait que les étudiant.e.s paient les mêmes frais de scolarité pour une éducation de qualité inférieure pendant une crise économique. Je pense que cela en dit gros sur les priorités de l’Université et des gouvernements. 

Au moins, si on nous oblige à payer les mêmes frais de scolarité, faisons des changements, des améliorations. Nos recommandations se résument en trois volets. D’abord, une recommandation vise à implémenter un règlement académique qui oblige les professeur.e.s à terminer leur cours au temps normal pour que les étudiant.e.s ne sentent pas qu’il y a plus de travail [puisque] les professeur.e.s enseignent parfois au-delà du temps maximum, qu’il s’agisse de cours synchrones ou asynchrones, et cela n’est pas acceptable. Les étudiant.e.s nous ont dit que la charge de travail avait nettement augmenté pendant la COVID-19. Ils.Elles trouvent qu’il y a beaucoup plus d’évaluations […], et certain.e.s ont des quizz chaque semaine dans plusieurs cours. Nous encourageons les professeur.e.s à garder les choses flexibles.

Ensuite, les étudiant.e.s qui ne vivent pas à Ottawa, ou internationaux.ales, ont de la misère à suivre des cours synchrones. Nous voulons donc que ces cours soient enregistrés […]. Chaque cours devrait être accessible aux étudiant.e.s qui vivent en France, en Arabie saoudite ou en Australie. On veut aussi que les étudiant.e.s puissent voir d’avance sur uOzone si les cours sont synchrones ou non pour le semestre prochain.

En reconnaissance de la difficulté de ce semestre et des lacunes de l’enseignement virtuel, nous demandons un système de notation optionnel satisfaisant ou non satisfaisant. Nous voulons le même système que Carleton a reçu, qui est selon nous très pragmatique. Cela montrerait que l’Université est sensible aux problèmes et aux défis auxquels les étudiant.e.s font face en ce moment. 

LR : Le syndicat semble être assez impopulaire en ce moment. D’après vous pourquoi ? Et comment comptez-vous y remédier ?

TG : C’est difficile d’avoir un aperçu de ce que tout le monde pense. On a récemment fait un sondage pour avoir une idée de ce que les étudiant.e.s veulent […]. On nous a attribué des scores, et soumis des propositions sur ce qu’on pourrait faire. On va utiliser ce data pour avoir une idée de ce que les étudiant.e.s veulent de notre part.

J’essaie de préparer un rapport sur ces résultats pour le prochain conseil d’administration. On va avoir une discussion franche sur ce qu’il se fait de bien, et sur ce qu’il faut améliorer. Je veux travailler pour les étudiant.e.s sans cesse, et on va travailler pour avoir leur confiance. 

Il y a deux groupes avec lesquels on doit travailler en ce qui concerne la communication. D’abord les premières années, car ces nouveaux.elles étudiant.e.s dont la majorité n’ont jamais été sur le campus, doivent savoir que nous existons et que nous les représentons. Ensuite, on doit continuer à travailler à impliquer davantage les étudiant.e.s internationaux, qui se sentent très isolé.e.s. Ils.Elles ne connaissent souvent pas les processus, et ne savent pas comment naviguer dans le système de l’Université.

Aussi, les clubs sont déjà organisés. Avec leurs président.e.s, ils sont déjà organisés en communautés. Je veux qu’on s’allie avec toutes ces mini-communautés pour former une grande communauté. Nous avons fait beaucoup de progrès en ce qui concerne la communication cette année, et on doit continuer. 

LR : Lors de l’assemblée générale (AG), pourquoi le sujet de la différenciation entre FÉUO et SÉUO a-t-il été amené ? 

TG : Je pense qu’il y beaucoup d’étudiant.e.s qui ont été déçu.e.s de ce qu’il s’est passé avec la Fédération étudiante. Les allégations concernant la fraude, le manque d’éthique et de transparence [du FÉUO] ont terni l’image du gouvernement étudiant […].

Je pense que ce que nous voulions faire de façon explicite, c’est être différent. Nous sommes une organisation plus intègre, plus éthique, plus transparente, et on va suivre les règles. Quand les étudiant.e.s nous donnent leurs cotisations, ils.elles vont savoir où va aller l’argent, et vont avoir confiance en nous pour que l’argent soit bien géré. Ce n’est pas pour dire que la FÉUO était un désastre complet, il y a eu de bonnes initiatives. N’oublions pas que beaucoup de nos services sont pareils que ceux de la Fédération : on veut rouvrir Pivik et Café Alt bientôt par exemple. Nous devons continuer les choses qui se sont bien déroulées dans la FÉUO tout en expliquant aux étudiant.e.s que nous sommes un nouveau syndicat, et que nous allons faire les choses différemment. 

LR : Avez-vous une idée de quand vont ouvrir Pivik et Café Alt ? 

TG : Café Alt, cela ne sera pas avant la fin de la COVID-19, car il n’y aurait pas assez de clientèle. Pour Pivik, nous faisons de notre mieux pour l’ouvrir.

Il y a beaucoup de barrières, mais nous allons bientôt embaucher une directrice des entreprises qui va dédier son temps là-dessus. Nous ne pensons pas pouvoir ouvrir en janvier 2021 comme nous l’avions planifié parce qu’iil y a eu des délais hors de notre contrôle. Mais nous faisons de notre mieux pour ouvrir avant la fin de notre mandat. 

LR : Pensez-vous qu’il y a une réelle différence entre les deux syndicats et en quoi ? 

TG : En ce qui concerne le SÉUO, son objectif est d’être plus éthique, intègre, transparent. Ce sont les étudiant.e.s qui vont devoir surveiller notre progrès et s’assurer que ça se réalise.

En ce qui concerne nos services et nos luttes, je pense que c’est juste une continuation du mouvement étudiant […]. Je ne veux pas trop parler des différences car c’est risqué. 

LR : Considérez-vous que vos objectifs personnels et ceux du Syndicat ont été atteints ? 

TG : Je suis une personne impatiente. Bien que je sois content du travail accompli et des changements réalisés, je veux continuer à changer les choses. L’apprentissage virtuel est une bonne opportunité pour l’Université de démontrer qu’ils ne sont pas simplement prêts à nous écouter, mais aussi à nous entendre et à agir. 

On s’en va dans la bonne direction même s’il y a des choses qu’on peut faire mieux. En général, l’objectif c’est d’avoir un syndicat étudiant qui fonctionne pour les étudiant.e.s, et qui a la confiance de tou.te.s […]. Beaucoup de syndicats ont ce problème-là, et sont perçus comme corrompus, ou qui n’en font pas assez pour les étudiant.e.s.  

On continue la progression : on a eu un peu plus de 300 personnes à notre AG, il y a beaucoup plus d’engagements [avec la communauté universitaire], et plus d’étudiant.e.s se sentent représenté.e.s. On a commencé à amorcer le travail de regagner la confiance des étudiant.e.s et j’en suis fier. Tout ne se passe pas comme on le veut, mais nous sommes des êtres humains, on apprend de nos erreurs et on essaie de s’améliorer. 

Au niveau universitaire, pour Respondus, il y a eu quelques victoires, mais on n’a pas eu tout ce que nous voulions car on voulait que l’Université n’utilise pas du tout le logiciel. On doit continuer là-dessus. Niveau santé mentale, nous sommes en crise ; il faut implémenter des solutions. Exclu.e.s du comité de la santé mentale, on a été déçu.e.s, car en tant que porte-paroles des étudiant.e.s du premier cycle, on pensait mériter notre place à cette table. On prépare donc notre rapport alternatif avec nos recommandations ; on a trouvé une solution plus créative pour représenter les étudiant.e.s. 

LR : Qu’est-ce que le SÉUO pourrait faire de plus ? 

TG : Je pense qu’il faut toujours trouver plus de façons de communiquer avec le corps étudiant pour qu’il sache qui nous sommes. Nous devons continuer à tisser ou à bâtir des liens avec les clubs, puisque souvent les étudiant.e.s qui ne participent pas au syndicat étudiant mais veulent quand même s’engager dans la communauté, le font en participant à un club. Il faut continuer à utiliser les ressources et la créativité des étudiant.e.s pour créer des mouvements pour certains enjeux et pousser pour plus de changements. 

J’aimerais personnellement dans mon mandat qu’on continue à avoir une forte loi au sein des groupes pancanadiens auxquels nous sommes affilié.e.s. Les changements en ce qui concerne l’aide financière ou la qualité de l’éducation se font au niveau provincial ou fédéral. Le Syndicat doit donc commencer par être respecté au sein de ces groupes, pour avoir de l’influence sur les décisions faites par les gouvernements […]. Il faut savoir comment travailler avec eux de façon constructive car au final des changements à moitié, c’est mieux que rien. J’aimerais ça, je veux qu’on soit très actifs sur le campus. Mais je veux aussi qu’on soit très pragmatiques quand nous parlons à des représentant.e.s gouvernementaux, et des progrès doivent être faits là-dessus. 

LR : Auriez-vous quelque chose à rajouter ? 

TG : Je demanderai juste que les étudiant.e.s continuent à s’impliquer dans le Syndicat. J’aimerais qu’ils.elles reconnaissent qu’on ne s’implique pas dans nos rôles pour l’argent. On travaille fort pour eux.elles, et on a des bonnes intentions.

Si des choses peuvent être améliorées, les gens doivent nous le dire et nous le prendrons en considération. Je fais un appel à plus d’implication, d’engagement pour un syndicat plus fort et plus organisé.

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