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Éditorial

Instrumentaliser la culture du viol

Web-Rotonde
10 novembre 2014

– Par le Comité Éditorial de La Rotonde – 

Les étudiants auront peut-être à se battre de nouveau contre la mise sur pied d’un code de conduite par la gouvernance de l’Université d’Ottawa (U d’O). Alors que le Groupe de travail sur l’égalité et le respect déposera ses recommandations dans les prochaines semaines, l’idée qu’elles soient destinées à mettre sur pied un code de conduite, ou qu’elles soient utilisées à cet effet, a de quoi faire craindre. Sachant que ce dernier est présentement discuté par les membres du Groupe de travail, il vaut mieux s’y préparer plus tôt que tard.

Alors qu’Allan Rock évite le sujet, comme il l’explique dans son entrevue, pour ne pas gêner les travaux du Groupe de travail, La Rotonde ne s’empêchera pas d’étayer les arguments en défaveur de cette mesure disciplinaire insensée.

Un arrière-goût de déjà-vu

Il est fondamental de rappeler que le projet de code de conduite n’est pas nouveau. Une ébauche, vivement contestée, avait été proposée aux associations étudiantes en 2008. Elle prévoyait des sanctions, telles que la suspension d’un étudiant, pour tous ceux nuisant à l’image de l’institution. Autrement dit, le code permettait de punir un étudiant sans procès équitable et sans réflexion critique.

Mélanger l’académique et le non-académique comme l’ébauche de code que l’U d’O a tenté d’apporter est une sérieuse limite à la liberté d’expression des étudiants. Nous ne sommes pas d’avis qu’un étudiant qui manifeste pour une cause particulière devrait être empêché de suivre ses cours. Cela s’est notamment vu à l’Université McGill, qui a adopté un code de conduite.

S’appuyer sur le Groupe de travail

Les recommandations du Groupe de travail seront déposées dans les prochaines semaines. Souhaitons que les membres du groupe endosseront une approche basée sur la sensibilisation plutôt que sur la répression.

Plusieurs campagnes, telles que la Semaine du consentement enthousiaste qu’organise la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO) de lundi à vendredi, mettent de l’avant qu’une approche inclusive et préventive a sa place sur le campus.

N’oublions pas que les Gee-Gees possèdent leurs propres lignes de conduite. Bien que les événements qui ont mené à la création du Groupe de travail touchent l’entièreté de la communauté universitaire, il existe des moyens d’encadrement plus appropriés que des mesures disciplinaires pour l’ensemble.

Les ressources doivent être, avant tout, orientées vers l’approche éducative. La récente démission de l’ancien vice-président de l’Association étudiante des études internationales et politiques, Yanéric Bisaillon, suite à des accusations de harcèlement sexuel, met en lumière l’impropriété d’un code de conduite pour traiter des enjeux à caractère sexuel. Affliger des conséquences après coup est loin des besoins réels. Comment l’Université délibérera-t-elle dans des situations ambiguës?

Justifications à prévoir

Il est fondamental de se pencher tout de suite sur les sophismes que présentera la gouvernance de l’U d’O pour justifier la nécessité d’un code de conduite. On nous dira sans doute que d’autres campus sont dotés d’un code de conduite. On nous dira, avec un peu de chance, que les étudiants seront consultés pour l’élaboration du code.

Or, comme les consultations jamais considérées que l’U d’O avait mises en branle pour son budget, on voit que celles- ci tentent surtout de faire belle figure. Elles peuvent très bien être ignorées par les décideurs. Souhaitons qu’ils n’utiliseront pas de ce que nous avons appelé la culture du viol pour justifier un projet qu’ils convoitent depuis longtemps.

Le code de conduite ira bien au-delà d’actes criminels perpétrés par des étudiants, et pourrait très facilement toucher la simple liberté d’expression. Qui donc va assurer l’impartialité et la neutralité de l’U d’O dans ce qu’elle considère comme « nuisant » à son image? Finalement, il s’agirait d’un moyen en plus de garder silencieux ceux qui désirent changer le campus.

Ne nous laissons pas berner par un paternalisme qui veillera à nous convaincre que ce qui ressort de l’administration universitaire est pour notre bien. L’histoire de l’U d’O indique bien que les étudiants peuvent s’exprimer civilement. Les étudiants n’ont pas besoin qu’une poignée de décideurs choisissent arbitrairement de ce que nous avons le droit et ce que nous n’avons pas le droit de faire.

Le code proposé avait poussé 500 étudiants à occuper Tabaret en avril 2008 en exigeant le retrait du code. La mobilisation avait alors poussé Allan Rock à créer le Bureau de l’Ombudsman.

Espérons que si les recommandations donnent raison à nos craintes, la même résistance épargnera la liberté d’expression étudiante.

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