Inscrire un terme

Retour
une main portant un téléphone sur lequel est ouvert un logiciel d'intelligence artifcielle
Éditorial

Intelligence artificielle : l’évaluation universitaire à la croisée des chemins

Rédaction
16 janvier 2023

Crédit visuel : Nicholas Monette – Directeur artistique  

Éditorial rédigé par le comité de rédaction de La Rotonde

L’arrivée des outils d’intelligence artificielle (IA) dans les milieux d’enseignement postsecondaire engendrera des conséquences multiples. Capable de rédiger certains types de travaux de manière quasi-autonome, elle poussera certainement les professeur.e.s à revoir leurs méthodes d’évaluation et les étudiant.e.s à questionner sur la dimension éthique de son utilisation. 

Sommes-nous arrivé.e.s au moment où le produit de la recherche va venir supplanter la recherche elle-même ? Peut-être pas encore, étant donné que l’IA semble loin d’avoir atteint son plein potentiel. Il ne s’agit toutefois que d’une question de temps, le développement de cette technologie se réalisant à une vitesse fulgurante.

Incertitude également concernant l’impact réel de cette technologie en fonction des champs d’études. Si l’IA est imbattable dans la compilation et la reformulation des idées, l’aspect critique reste encore propriété exclusive de l’étudiant.e, tout du moins de l’étudiant.e honnête.

Cela dit, la question n’est pas de savoir jusqu’où peut aller l’IA. Bien malin.gne d’ailleurs celui ou celle qui sera en mesure de le prédire. L’enjeu est plutôt d’envisager la manière dont les professeur.e.s vont pouvoir adapter l’évaluation des connaissances, afin que le diplôme universitaire garde un minimum de sa valeur.

Du côté étudiant, il s’agirait de s’interroger quant aux raisons d’entreprendre des études supérieures. À l’image de la société actuelle, où le paraître devance l’être, la ligne « baccalauréat » sur le curriculum vitae semble désormais avoir plus de valeur que l’acquisition d’une véritable expertise dans un champ d’études donné. La faute peut-être à un système davantage basé sur l’administratif que sur l’humain.

L’IA révélatrice d’un système d’évaluation archaïque ?

Pour certain.e.s, l’arrivée de l’IA est synonyme de la fin de l’apprentissage « par cœur », méthode consistant à se bourrer le crâne dans le but de recracher l’information dans un devoir, pour avoir la meilleure note possible.

Si le fameux « devoir sur table » demeure, pour les professeur.e.s, le moyen le plus efficace pour éviter la triche, son utilisation dans certains domaines d’études relève toutefois de l’hérésie. En sciences sociales par exemple, où l’objectif est d’analyser les phénomènes sociaux dans le but d’élaborer des théories, apprendre des notions sans nécessairement les comprendre pour les réécrire ensuite n’a aucun sens. Cela peut effectivement être accompli par une machine. 

Mais justement, le recours à l’IA ne favoriserait-il pas plutôt l’augmentation des évaluations en classe, sans accès à la technologie ? Comme mentionné précédemment, l’IA performe sans commune mesure dans la compilation et la mise en relation de données, compétence essentielle pour la réalisation de travaux de recherche, qui bien souvent se réalisent à la maison.

On pourrait en effet aisément se servir de cette technologie pour faire une revue de littérature dans le cadre d’un projet de recherche. Pour le.la professeur.e, quel serait alors le moyen d’évaluer les étudiant.e.s en s’assurant, ou du moins en essayant, d’éviter la triche ? Probablement le bon vieil examen en classe.

Nous sommes donc arrivé.e.s devant un dilemme nécessitant de repenser fondamentalement le système d’évaluation, puisque visiblement, le tant valorisé A+ ne vaudra probablement plus grand-chose d’ici quelques années, ou même quelques mois.

Un apprentissage davantage collaboratif entre l’étudiant.e et le.la professeur.e, se basant sur l’appréciation des compétences par ce.tte dernier.e, aurait alors peut-être plus de pertinence que la traditionnelle sanction alphanumérique. Déjà aujourd’hui, certain.e.s étudiant.e.s arrivent à obtenir des notes tout à fait convenables sans même assister au cours, ce qui traduit un manque de rapport entre la note et le travail. 

Une réflexion individuelle à mener

Mais, si l’émergence de l’IA aura nécessairement des conséquences sur le système d’évaluation universitaire, une certaine responsabilisation de l’étudiant.e doit également survenir. Quelle que soit l’interprétation de l’utilisation de cette technologie, s’attribuer les mérites du travail d’autrui, que ce soit une personne ou une machine, revient purement et simplement à tricher.

On peut cependant envisager de manière certaine que l’IA servira dans un futur proche de support pour faciliter certaines tâches. L’enjeu est donc de réussir à intégrer cette technologie dans le processus d’apprentissage universitaire, en l’utilisant comme un outil et non pas comme un substitut intellectuel.

De manière plus individuelle, il s’agit aussi de se questionner sur la raison de notre présence à l’université, établissement se situant au sommet de la hiérarchie de la transmission du savoir.

Et même si certain.e.s assument tout à fait de réaliser un baccalauréat dans l’unique but de prétendre à un salaire plus élevé par la suite, étudier aux cycles supérieurs comporte aussi une dimension préparatoire au marché du travail. S’il y a fort à penser que l’IA sera aussi de plus en plus présente dans les différents secteurs professionnels, l’expertise humaine demeure aujourd’hui indispensable.

Quelle serait alors la valeur d’un diplôme obtenu en partie par délégation du processus intellectuel à un logiciel ? D’autant plus qu’il est évident que les employeur.se.s finiront également par s’adapter à cette nouvelle réalité et que les processus d’embauches et les tâches, à l’image des évaluations, seront aussi repensé.e.s.

Finalement, dans l’état actuel des choses, il revient à chacun.e de se questionner sur sa propre valeur. Tricher à un examen est un aveu d’incompétence ou de manque d’investissement, et cela demeure vrai avec l’IA.

L’obtention d’un diplôme ne constitue absolument pas une fin en soi, l’enrichissement intellectuel découlant d’un parcours universitaire investi a en effet bien plus de valeur que ce couronnement ultime. Si l’IA a donc tout à nous apporter, elle a aussi potentiellement tout à nous faire perdre.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire