Par Clémence Roy-Darisse – Cheffe de section Arts & culture
La semaine de la fierté gaie tirait à sa fin il n’y pas très longtemps. Le Centre Rideau affichait alors fièrement les couleurs du drapeau arc-en-ciel. Est-il lucratif aujourd’hui de prôner «l’égalité»? Qu’en pense les artistes?
J’ai récemment visionné la vidéo de l’artiste Ryan Conrad. Artiste particulièrement impliqué dans la promotion des droits de la communauté LGBTQ+2, ce dernier présentait dans le quartier gai d’Ottawa, du 16 au 25 août 2019, sa vidéo « Don’t Believe the Hype! ». Cette vidéo muette mettait en scène des échanges amoureux entre hommes gais, le tout superposé de messages politiques.
Il faut dire que cette année, le Canada fêtait le 50e anniversaire de la décriminalisation de l’homosexualité. Dans ce contexte, Conrad s’est donc attaqué au mythe étatique de « l’égalité » qui a découlé de cet événement. Que signifie-t-il aujourd’hui?
« This ain’t no golden jubilee!»
Les messages surperposant la vidéo; « Reject state mythologies! », « Celebrate resistance! », « Don’t believe the hype! », « This ain’t no golden jubilee! », m’ont fait réfléchir. Ils cherchaient à déconstruire le discours étatique de l’époque. Discours auquel plusieurs se sont accrochés comme une flamme d’espoir. La loi de 1969 aurait-elle vraiment profité à la communauté LGBTQ+2 ou le discours de l’état était mensonger?
Petit rappel que le ministre de la justice, à l’époque Pier Elliot Trudeau, avait énoncé que l’État n’avait pas sa place dans la chambre à coucher. «Nous n’autorisons pas l’homosexualité. Nous disons simplement que nous n’allons pas la punir […]. Nous sortons l’idée de péché du Code criminel » a-t-il déclaré 1968, lors d’un débat des chefs à Radio-Canada. La dite décriminalisation eut lieu un an plus tard.
En se fiant au discours de Trudeau, l’homosexualité n’était alors pas respectée, mais au plus, tolérée dans les chambres privées.
Le mythe étatique de la loi de 1969
Même si l’histoire rapportée par l’état canadien laisse croire un long fleuve tranquille pour les minorités sexuelles suite à la loi, les faits sont loin de confirmer cette illusion. L’équité des droits est loin d’être le résultat d’un cadeau bienveillant de dirigeants politiques.
L’artiste Conrad s’oppose lui aussi à cette version; «les arrestations après 1969, pour cause d’homosexualité, ont en effet augmentées et plusieurs milliers de gays et lesbiennes ont souffert énormément de violences étatiques». Ces arrestations ont en effet disparues de la conscience publique pour laisser place au mythe de l’état « sauveur ».
Illusion de l’acceptation
Il semble profitable pour les politiciens de jouer la carte de la diversité aujourd’hui, surtout à l’approche des élections.
Pour Conrad, les politiciens profitent aujourd’hui de cette trame narrative, plus particulièrement « la dynastie Trudeau et le parti Libéral ». Il affirme que le mythe leur permet de faire bonne figure.
À cela je réponds: qui profite la vente d’objets au couleur arc-en-ciel? La communauté LGBTQ+2 ou les multinationales qui redôrent leur image des couleurs progressistes?
« L’égalité »
Je suis d’avis que les communautés elles-même devraient faire la promotion de leurs droits et la lutte est encore à faire. « N’importe qui ayant une connaissance des mouvement sociaux comprend que le changement se fait uniquement lorsque nous mettons pression sur le gouvernement » relève l’artiste de la vidéo.
Il est essentiel aussi de questionner le cadre hétéronormatif qui n’est pas et ne peut agir comme symbole d’équité. Selon lui, « l’égalité est une notion abstraite supposant que ce que les hétérosexuels ont et font est ce que nous souhaitons tous ». Alors que Conrad aborde l’égalité sous un angle moins illusoire et superficiel.
La vidéo de l’artiste dénonce l’hypocrisie du gouvernement. La décriminalisation ne mène peut-être pas, en effet, à l’acceptation.