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Arts et culture

Retour sur la table ronde « Francophonie excentrique : un chassé-croisé artistique »

Emmanuelle Gauvreau
22 mars 2024

Crédit visuel : Jürgen Hoth — Photographe

Article réalisé par Emmanuelle Gauvreau — Cheffe du pupitre arts et culture

Le 18 mars dernier s’est déroulé, à la Faculté des sciences sociales, l’évènement Francophonie excentrique : un chassé-croisé artistique. La conférence a mis en vedette quatre artistes de la région, soit Makhena Rankin-Guérin, Amélie Trottier, Adriana The Bombshell et Emmanuelle Lambert-Lemoine, pour discuter de la corrélation entre leurs carrières artistiques et leur francophonie. 

La table ronde, qui a débuté par une danse médicinale de cerceaux fluorescents par Rankin-Guérin, et qui s’est conclue par une performance de la Drag Queen Adriana, se voulait une mise en lumière d’artistes issu.e.s de divers horizons dans le cadre du Mois de la francophonie.

S’ouvrir à plus

Rachelle Robillard, coordinatrice d’opération de l’Institut des langues officielles et bilingues de l’Université d’Ottawa (U d’O), était la médiatrice de la discussion se déroulant sur un peu plus d’une heure. La première question lancée par cette dernière aux panélistes a été : « Comment votre identité francophone [a-t-elle] façonné la façon dont vous travaillez et votre processus artistique ? ».

Trottier, comédienne récemment vue dans les émissions El Toro, Eaux Turbulentes et Padre, puis étudiante à la maîtrise en théâtre à l’U d’O, a affirmé que ce n’était « pas simple ». Cette dernière a expliqué qu’initialement, elle « souhaitait être comédienne pour travailler exclusivement en français », mais s’être plus tard ouverte à ne pas se limiter qu’à une langue.

La cheffe d’orchestre, altiste et pédagogue Lambert-Lemoine a expliqué de son côté que son statut doublement minoritaire de franco-ontarienne et de franco-manitobaine l’a poussée à s’intéresser à d’autres réalités. Cette dernière estime que cela lui a permis une ouverture d’esprit et une curiosité d’« apprendre le plus que possible sur les gens autour d’[elle], comme ceux de l’Amérique Latine, de l’Europe, l’Afrique, et de la francophonie mondiale ».

Les revers de la francophonie comme moteur créatif

La danseuse de cerceau Rankin Guérin s’est livrée sur son rapport complexe à la francophonie. Cette dernière a expliqué avoir eu beaucoup de difficultés avec sa double identité autochtone et franco-ontarienne. « Ma grand-mère a été forcée à apprendre le français dans les pensionnats. Pendant longtemps, je sentais que si j’honorais mon côté franco-ontarien, j’étais pour décevoir l’autre côté de mes racines », a-t-elle partagé. Elle a affirmé avoir récemment trouvé une certaine paix intérieure avec le fait d’être une minorité dans une minorité, bien que cela vient avec ses « avantages et difficultés ». Elle souhaite être un modèle positif pour ceux.celles qui pourraient s’identifier à sa situation, a-t-elle révélé.

Robillard a enchaîné en demandant si les panélistes trouvaient que de percer dans le milieu anglophone était nécessaire au niveau de la démarche ou du parcours. Trottier a rapidement pris le micro, pour faire la remarque que : « C’est toujours une question de politique quand [on] est franco-ontarien. » Elle considère que cela est important, mais qu’en tant qu’artiste, il faut s’en sortir par moments, a-t-elle constaté.

« En tant qu’humain, on peut se connecter sur d’autres niveaux que ça », a continué Trottier. Sortir du carcan du milieu francophone permettrait, d’après elle, de sensibiliser plus de gens à la francophonie hors Québec. « Avec un nom comme le mien, les gens vont le savoir ! », a-t-elle soufflé en rigolant.

Adriana a, de son côté, expliqué que la francophonie canadienne, plus précisément au Québec, lui semblait de plus en plus ouverte. « De la drag, maintenant, je peux vivre de ça, sans nécessairement avoir [un deuxième emploi] », s’est-elle réjouie.

Créer avec et sans le français

Robillard a rebondi sur les propos des panélistes pour rappeler qu’il s’agit d’un « défi quand on parle de langue, parce qu’on veut la préserver, la vivre, mais on est des êtres avec des dualités ». Celle qui se dit aussi artiste a continué : « On est des artistes francophones à la souche, mais on est aussi artistes, point. Donc on veut faire connaître qui on est, notre travail. »

Elle s’est ensuite directement adressée à Lambert-Lemoine, pour qui « la langue n’est pas un véhicule », et lui a demandé comment elle envisageait de rendre les arts musicaux plus accessibles et inclusifs. « C’est sûr que pour moi, en Ontario, si je veux diriger des orchestres en français exclusivement, c’est impossible dans mon expérience. Ça prend environ 40 à 75 musicien.ne.s dans un orchestre », a répondu Lambert-Lemoine. La cheffe d’orchestre a ensuite remarqué que les questions d’accessibilité passaient par l’éducation.

C’est aussi la perspective de Rankin-Guérin, pour qui la langue n’a pas vraiment de corrélation avec sa démarche de danseuse de cerceau, qu’elle perçoit comme « un langage sans paroles ». Cette approche repose sur « une des traditions des Anichinabés de la région, utilisée pour accueillir de nouvelles personnes », a-t-elle remarqué. Celle-ci a mentionné apprécier son universalité.

La discussion s’est conclue par une période de questions et réponses avec les membres du public qui se sont intéressé.e.s à la question de la francophonie canadienne indépendante des provinces ainsi que sur l’inclusivité et l’apprentissage du français dans un contexte immersif.

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