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Éditorial

Pour une francophonie à l’image de la diversité linguistique

Rédaction
4 décembre 2023

Crédit visuel : Nisrine Abou Abdellah — Directrice artistique

Éditorial rédigé par le comité de rédaction de La Rotonde

À La Rotonde, l’une de nos missions principales est de défendre les francophones et la francophonie sous toutes ses formes. Un objectif partagé par le commissaire aux affaires francophones du Syndicat des étudiant.e.s de l’Université d’Ottawa, qui inclut dans ses missions depuis la récente Assemblée générale une reconnaissance de la diversité de la francophonie. Dans un contexte national où le français est en constant déclin, il est nécessaire de trouver une manière que tous.tes les francophones trouvent leur place dans ce combat.

Pour la majorité d’entre nous, être francophone est une identité évolutive, qui se crée dans un milieu où le français côtoie plusieurs langues. Cependant, parler français au Canada, c’est aussi faire face à une hiérarchisation des façons de parler français et à une volonté de protéger la langue qui semble tendre parfois vers la glottophobie.

Selon Philippe Blanchet dans le balado « Y’a-t-il une seule façon de “bien parler” le français », la glottophobie désigne « cette attitude qui consiste à discriminer les personnes en prenant pour prétexte arbitraire, et donc injuste la langue qu’elles parlent ou la façon dont elles parlent cette langue ». Soyez donc vigilant.e.s : si vous recevez de nombreuses critiques sur votre manière de vous exprimer en français, ou encore que vous entendez des politicien.ne.s lutter pour l’intégration et non l’inclusion des nouveaux.elles arrivant.e.s francophones, cela pourrait constituer de la glottophobie.

Standardiser : une forme d’exclusion ?

La langue est le fruit d’une institutionnalisation, mais aussi d’une transformation liée aux divers usages de ses locuteur.rice.s en fonction de leur lieu d’habitation et de leur environnement. Étant une langue vivante, le français doit donc être reconnu et accepté sous ses diverses formes d’expression.

La question vient néanmoins se poser : qui évalue ce qui est ou n’est pas du « bon français » ? L’uniformisation de la langue vient exclure tous.tes ceux.celles qui ne satisfont pas les critères d’un français « standard ». Cela marque un paradoxe, car l’on peut être francophone, et avoir parlé le français toute sa vie, mais tout de même recevoir des commentaires qui portent sur nos tournures de phrases, notre accent, ou les mots que l’on emploie.

Pour aggraver encore plus la situation, la standardisation nous force souvent à devoir rejeter une partie de notre identité. Le français que l’on parle provient de notre histoire, de nos relations et fait aussi partie de notre culture.

Cette exclusion peut aussi venir renforcer l’insécurité linguistique. On peut ne plus vouloir parler notre langue par peur de critiques, de commentaires ou de représailles. Dans une telle situation, pourquoi les francophones voudraient-ils.elles défendre une langue dont ils.elles se sentent exclu.e.s ?

Perdre l’essence de la langue ?

Pour plusieurs politicien.ne.s québécois.e.s, standardiser le français, soit s’assurer qu’il existe des règles très strictes qui encadrent nos manières de nous exprimer, permet de protéger l’essence de la langue. Cette perspective à tendance à se concentrer que sur l’aspect politique du combat pour protéger la francophonie, ce qui peut mener à un rejet du caractère évolutif de notre langue.

C’est aussi oublier, comme il est mentionné dans le balado « La langue française est-elle compliquée ? », que même des figures emblématiques comme Molière parlent plusieurs dialectes, sans que cela empêche de propager la langue. Il est donc tout à fait possible de reconnaître les dialectes francophones dans tout le pays, sans prendre le risque de perdre le français. En outre, reconnaître cette diversité dans notre expression permettrait justement de mettre en évidence la nature vivante de notre langue.

Nous ne pouvons pas non plus discuter de la peur de perdre l’essence de la langue dans le contexte canadien sans parler de l’influence de l’anglais. En effet, la langue de Shakespeare est le grand vilain dans de nombreuses conversations entre francophones. On nous dit de toujours faire attention aux anglicismes, à certaines expressions, et on craint que toute flexibilité contribue au déclin que vit la population francophone au Canada.

Cette insistance crée non seulement le contraire de l’effet escompté, mais elle nous éloigne de ce qui devrait nous rassembler : la construction d’une nouvelle francophonie canadienne.

À quoi ressemble l’inclusion ?

La communauté franco-canadienne devrait mettre l’accent sur l’inclusion des francophones et francophiles provenant de toutes les provinces et de tous les pays du monde. Il faut donc s’éloigner d’une standardisation qui a pour but d’uniformiser le français, et plutôt aller vers une véritable inclusion.

Plutôt que de demander un changement drastique des normes de grammaires, ou des règles autour de la syntaxe, on devrait se concentrer sur l’augmentation de la présence en salles de classe d’enseignant.e.s et de professeur.e.s qui parlent tous styles de français et de dialectes. Il faut permettre aux élèves et ensuite aux étudiant.e.s universitaires de voir leur manière de parler représentée. Cela inclut aussi une plus grande représentation dans les médias, à la télévision, au sein de balados ou de livres.

Pour une membre de notre équipe, lire le livre de Michel Tremblay Les belles-sœurs écrit en joual, lui a permis d’accepter les différentes tournures du québécois à l’oral et de se défaire de la pression de changer son français. Cette représentation pourrait donc permettre d’éviter une dévalorisation des différentes formes d’expressions du français, et de participer à une construction de la francophonie au Canada par chacun.e de ses membres.

Il est peut-être temps de se battre pour une reconnaissance institutionnelle de certains mots qui font partie intégrante des différents dialectes francophones canadiens, afin de les inclure dans le dictionnaire.

Finalement, vouloir lutter contre le déclin du français passe obligatoirement par cette remise en question de la standardisation. Nous devons reconnaître que le futur de la francophonie au Canada passe, avant tout, par une co-construction de la langue française !

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