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Sports et bien-être

Quand l’inclusion vaut moins qu’un chandail

Dawson Couture
3 avril 2023

Crédit visuel : Marie-Ève Duguay – Rédactrice en chef 

Chronique rédigée par Dawson Couture – Chef du pupitre Sports et bien-être

Depuis plusieurs mois maintenant, la Ligue nationale de hockey (LNH) est secouée par un scandale auquel elle n’a jamais été confrontée. Il paraît que toutes les semaines, un nouveau joueur pique une crise d’avoir à porter un chandail arc-en-ciel lors d’un avant-match par saison. Quelle horreur ! Et bien, s’il s’agit toujours d’une minorité de joueurs, la LNH semble prête à privilégier le confort de certains au détriment de l’inclusion de tou.te.s.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Pendant plusieurs années, certains joueurs de la LNH scotchaient leurs bâtons avec du ruban multicolore afin de démontrer leur soutien à la communauté LGBTQ+. C’est toutefois en 2021 que les Pingouins de Pittsburgh et les Sabres de Buffalo ont donné le ton au reste de la ligne en introduisant des chandails arc-en-ciel. Tous les patineurs ont défilé devant la foule de spectateur.ice.s pour l’échauffement en affichant un symbole sans ambiguïté… ou c’est du moins de ce qu’on aurait pu croire.

Depuis ce premier « match de la fierté », presque toutes les équipes de la LNH ont organisé leur propre célébration annuelle. La LNH et ses équipes partagent dans ces instants un message similaire : « Le hockey est pour tout le monde ». Et pourtant, d’une manière ou d’une autre, cette nouvelle campagne semble avoir suscité les acclamations de certains et les huées des autres.

Alors que la majorité des joueurs dissidents se sont cachés derrière leurs organisations, le gardien des Sharks de San Jose, James Reimer, s’est montré plus ouvert aux médias. Reimer a cité ses croyances religieuses, une excuse récurrente à travers la ligue. Pour conclure, le gardien a partagé un message qui aurait pu tout aussi bien venir de ceux qui décident de porter le chandail : « [L]a communauté LGBTQIA+, comme toutes les autres, devrait être accueillie dans tous les aspects du hockey. »

Les couleurs que décident d’afficher les joueurs en ne portant pas ces chandails laissent transparaître leur homophobie et leur inconfort face aux personnes LGBTQ+. La religion catholique défend pourtant le fait de ne pas « jeter la première pierre » et « d’aimer son prochain ». L’interprétation que font ces joueurs des textes religieux est personnelle : la religion n’est plus une excuse valide. En décidant de ne pas porter certains maillots, ces derniers ne font que diviser davantage les gens en équipes, ce qui perpétue cette mentalité du « nous » contre « eux ».

La question russe

Mais, qu’en est-il des athlètes russes qui font face à la persécution de leur gouvernement s’ils décident de porter un symbole de solidarité avec les personnes LGBTQ+ ? Les législateur.ice.s russes ont fait passer une loi rendant illégale la diffusion de « propagande » sur les « relations sexuelles non traditionnelles » dans les médias. Ainsi, pour des raisons de sécurité, les Rangers de New York et le Wild du Minnesota ont tous les deux annulé leurs célébrations.

Encore une fois, cette excuse est aussi utile qu’un parapluie dans un ouragan. Pensons-nous sérieusement que Evgeni Malkin, une des stars russes de la LNH, sera menacé car il a porté le même chandail d’échauffement que tous ses coéquipiers ? La LNH a d’ailleurs informé The Athletic le 24 mars qu’elle n’avait « aucune information qui suggérerait qu’il existe une menace matérielle (en Russie ou à l’extérieur) liée aux joueurs russes qui participent aux activités de la fierté des équipes ». Encore, la seule explication est l’homophobie et la transphobie.

Les partisan.e.s de ces joueurs citent souvent la notion de « choix personnel ». « C’est leur droit ! », s’écrient-ils.elles.

Si vous connaissez un peu la culture du hockey, vous savez qu’elle laisse très peu de place à la dissidence. Comme dans l’armée, les joueurs sont des « frères d’armes » qui suivent leur entraîneur au combat avec ordre et dévouement. John Tortorella, l’entraîneur-chef des Flyers de Philadelphie, avait d’ailleurs insisté il y a quelques mois que les joueurs qui ne se levaient pas pour l’hymne national ne joueraient pas. Pourtant, lorsqu’on lui a questionné au sujet d’un de ses joueurs russes, Ivan Provorov, qui a refusé de porter le maillot arc-en-ciel, Tortorella a répondu qu’ « [u]ne chose que je respecte à propos de Provy, c’est qu’il est toujours fidèle à lui-même ».

Vertu ostentatoire

Nous arrivons finalement au nœud du problème : très peu de personnes haut placées dans la LNH et ses équipes se soucient réellement de l’inclusion des personnes LGBTQ+. À chaque acte de défiance, la ligue et les 32 équipes ne font que répéter la même rengaine. Tout le monde, des deux côtés de ce débat, reconnaît que les initiatives pour célébrer la fierté ne sont que du signalement moral (virtue signalling) né d’une avidité capitaliste.

Cette réalité a été mise en évidence lors de la « visite de courtoisie » du président de la LNH, Gary Bettman, à Ottawa le 27 mars dernier. Bettman, qui avait publiquement défendu Provorov en janvier, a souligné que la LNH aura à ré-évaluer le port des chandails arc-en-ciel, citant le fait que « c’est devenu une distraction » et que certains joueurs « ne sentent pas à l’aise en portant l’uniforme comme une forme d’approbation ». En d’autres mots, « nous en tirons trop de publicité négative en essayant d’être inclusifs ».

En 2018, Statistique Canada a recensé que 4 % de la population canadienne appartenait à la communauté LGBTQ+, un chiffre sans doute sous-estimé. Et pourtant, dans l’histoire du hockey, seulement un joueur sous contrat dans la LNH s’est déclaré homosexuel : Luke Prokop. Espoir des Prédateurs de Nashville, il a d’ailleurs partagé « sa déception de qui semble un recul pour l’inclusion dans la LNH ». « Chacun est doté de son ensemble de croyances, mais je pense qu’il importe de reconnaître la différence entre accepter une communauté et respecter les gens à l’intérieur de celle-ci. », a-t-il ajouté.

En décidant de prendre un pas en arrière, la LNH démontre que ce plaidoyer a apparemment ses limites. Tout comme pour le mois de l’histoire des Noir.e.s et pour les peuples autochtones, la communauté LGBTQ+ mérite d’être représentée adéquatement et avec respect. Le moins que les joueurs puissent faire est de porter un maillot pendant quelques minutes pour faire savoir à tout le monde que les personnes LGBTQ+ sont les bienvenues.

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