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La pluri-francophonie canadienne

Marina Toure
24 mars 2023

Crédit visuel : Raphaelle Legault – Contributrice 

Article rédigé par Marina Touré — Cheffe du pupitre Actualités

Le Mois de la Francophonie, qui célèbre la francophonie ainsi que l’héritage des francophones, bat présentement son plein au Canada. Cependant, la réalité reste que le nombre de francophones est en déclin depuis maintenant de nombreuses années, d’où la mise en place de plusieurs stratégies pour augmenter ces chiffres. Sur le terrain, quelles sont les multiples identités que portent les francophones?

Pour Luisa Veronis, professeure au département de géographie de l’Université d’Ottawa (U d’O) et titulaire de la chaire de recherche sur l’immigration et les communautés franco-ontariennes, il faut se détacher d’une vision monolithe de la francophonie. La professeure mentionne l’importance d’actualiser la vision de la francophonie canadienne, une francophonie bien plus diverse que l’on peut croire, déclare-t-elle.

Identité stratégique

L’histoire de la francophonie au Canada s’inscrit dans un contexte minoritaire. En effet, bien que le français soit l’une des langues officielles du Canada, seulement 12,7 % de la population était francophone en 2021. La francophonie est au Canada un «vecteur important dans la construction identitaire des communautés francophones canadiennes», souligne Sanni Yaya, Vice-recteur, International et Francophonie à l’U d’O. Le français est donc devenu un outil pour les francophones, qui est souvent utilisé dans les joutes politiques, dénonce Veronis.

Cette identité stratégique n’est pas toujours partagée par la génération actuelle de francophones au Canada. On assiste selon Yaya, qui reprend les recherches de la professeure Monica Haller, à la remise en question d’un Canada français «cloisonné», qui est causé par le contact avec une population francophone issue de l’immigration. Il s’agit d’une autre réalité de la francophonie au Canada, soit une francophonie multiculturelle et multi-identitaire, poursuit-il.

C’est une expérience partagée par Landry Wamba et Mariama Seck, respectivement étudiant en 4e année en gestion des technologies d’affaires et étudiante en 3e année en sciences biomédicales avec une option en neuroscience. Pour tou.te.s les deux, leur arrivée au Canada a été une réalisation du contexte minoritaire de la langue. Wamba note qu’il s’est aussi agi d’une découverte de la diversité des populations francophones qui existaient au Canada, que ce soit au Nouveau-Brunswick ou même dans le Nord de l’Ontario. Une observation que fait aussi Veronis, qui affirme que «les francophones sont plurielles en soi, un mélange d’autres langues et d’autres cultures».

Place de la francophonie internationale

Le Vice-recteur met en avant la place importante que le Canada joue dans le financement des institutions francophones, ce qui en fait «le deuxième bailleur de fonds dans ce domaine après la France». C’est donc le signe, ajoute Yaya, que le Canada est conscient de «l’universalité des valeurs de la langue française».

Cela ne semble pas pour autant être représenté sur le terrain, remarque Veronis. La professeure prend comme exemple les stratégies mises en place par le gouvernement pour augmenter le nombre de francophones. Si le Canada semble avoir une place importante dans le maintien de la francophonie internationale, les stratégies utilisées ne sont pas les bonnes d’après la professeure.

En prenant l’exemple du haut taux de refus des permis d’études pour les étudiant.e.s internationaux.les francophones originaires de l’Afrique, Veronis souligne une contradiction dans les propos du gouvernement. Ce dernier maintient selon la professeure la «logique coloniale anglophone». Il faudrait donc revoir les stratégies autour de l’immigration francophone, ajoute-t-elle.

Représenter tou.te.s les francophones

D’après Wamba et Seck, qui ont tou.te.s deux vécu la différence culturelle en tant qu’immigrant.e.s francophones, cette différence culturelle entre francophones peut être un facteur d’exclusion.

En revanche, il ne s’agit pas d’après Seck d’une situation sans solutions. Au contraire, celle-ci observe qu’il serait possible d’inclure les francophones internationaux.les vivant au Canada, en mettant en avant la francophonie venant d’ailleurs. C’est une idée partagée par Wamba, qui aimerait voir plus de célébrations représentant la francophonie internationale ; «cela pourrait être quelque chose de marquant», confie-t-il.

Pour se détacher de l’image monolithe de la francophonie et ainsi pour la rendre plus inclusive, il faudrait selon Yaya «créer des projets porteurs d’une francophonie qui mise sur la richesse et la complémentarité de la diversité culturelle». Cela invite selon Veronis à se demander ce que l’on a commun lorsque l’on discute de la diversité dans la francophonie.

Il est essentiel, poursuit la professeure, de remettre en perspective la francophonie canadienne afin qu’elle représente la francophonie que l’on peut rencontrer dans les communautés.

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