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Stopper le déclin du français en Ontario : les faits d’abord !

Mabinty Toure
1 octobre 2022

Crédit visuel : Courtoisie – Université d’Ottawa

Article rédigé par Mabinty Touré – Journaliste 

Le 26 septembre dernier, la Faculté des arts de l’Université d’Ottawa (U d’O) réunissait expert.e.s et participant.e.s autour d’une table ronde. Le but de l’événement était de discuter de l’avenir des communautés francophones, en réponse à la publication des données linguistiques du précédent recensement de Statistique Canada (SC), annonçant un déclin du français en Ontario.

Joël Beddows, professeur de théâtre à l’U d’O et conseiller spécial sur la francophonie au décanat de la Faculté des arts, a proposé cet événement commémoratif pour la Journée franco-ontarienne, dont le but est selon lui de permettre aux membres du groupe de « sortir de l’aspect émotionnel de la situation ». Il indique avoir souhaité traiter clairement des faits et des mesures pour remédier à ce déclin.

Population francophone en déclin

La discussion a commencé par les présentations des quatre conférencier.e.s spécialistes de ces enjeux. Beddows, qui a assuré l’animation, a donné la parole à Éric Caron-Malenfant, directeur adjoint du Centre démographique de SC. Ce dernier a exposé un bilan de la situation linguistique du pays, à travers les résultats du dernier recensement de l’agence du gouvernement fédéral, publiés le 17 août 2022.

Selon ces données, 21,4 % de la population canadienne a le français comme langue maternelle en 2021, contre 22,2% en 2016. Quant au poids démographique des Franco-Ontarien.ne.s, il est passé de 3,8% à 3,4% entre 2016 à 2021. Le taux de locuteur.ice.s diminue donc dans la région, continue-t-il.

Le directeur adjoint du Centre démographique présente deux raisons, parmi d’autres, de cette diminution : l’accroissement naturel (la différence entre naissance et décès), et la question du transfert de la langue. La population francophone est effectivement plus âgée en Ontario : les cas de décès sont donc plus souvent rencontrés, atteste-t-il. Il ajoute qu’« il existe également un historique de la transmission incomplète du français, notamment au sein des couples exogames qui présentent deux différentes premières langues officielles parlées ».

Quelques pistes de solutions

Geneviève Tellier, professeur à l’École d’études politiques à l’U d’O, a utilisé son livre Législature en transformation, publié récemment, afin de démontrer les critères de réussite des politiques publiques sur une période de 10 ans. Ces critères sont ceux de la programmatique (soit la capacité à trouver la réponse à un problème), du processus (détenir le savoir-faire nécessaire pour sa mise en œuvre), et de l’aspect politique (existence d’un consensus de la population à l’élaboration de la politique). Selon elle, l’application de ces critères au cas de la Loi sur les langues officielles démontre que ces conditions ne sont pas respectées. Elle remarque cependant que « le fait de réviser la loi périodiquement permet une certaine transparence ». D’après elle, cela met aussi en place un dispositif automatique qui évite aux personnes de toujours revendiquer .

Alain Dupuis, directeur de la Fédération des communautés francophones et acadiennes du Canada (FCFA), se dirige sur la piste de l’immigration francophone comme solution. Comme l’avait mentionné Caron-Malenfant, 80 % de la croissance démographique au Canada passe par l’immigration. En 2003, une cible de 4,4 % d’immigration francophone avait été placée. N’ayant pas été atteinte, la FCFA recommande une nouvelle cible de 12% d’immigration francophone en 2024, qui permettrait l’immigration de 48 000 nouveaux.elles francophones.

Le directeur explique toutefois qu’il faudrait se doter « d’un programme d’immigration économique taillé sur les besoins des communautés ». Il fournit des voies d’amélioration, telles que l’augmentation du nombre des bureaux de l’IRCC (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ministère de l’Immigration) en Afrique subsaharienne, le bureau de Dakar traitant par exemple à lui seul les demandes de 16 pays. Luisa Veronis, professeure et titulaire de la Chaire de recherche sur l’immigration et les communautés franco-ontariennes à l’U d’O, propose d’autres pistes, telles que la mise en place des services pré-départs, où les employeur.se.s iraient chercher des travailleur.se.s qualifié.e.s provenant d’autres pays.

Parler une langue est une richesse

D’après Tellier, le déclin du français demeure une question critique qui devrait toucher toute la société canadienne. Dans une entrevue avec La Rotonde, elle déclare que « la langue est plus qu’un outil de communication, c’est une culture, une expérience enrichissante ». En participant à l’évènement, Dominique Palier, étudiante en 2e année de maîtrise en théâtre l’U d’O, souhaite trouver des pistes pour « encourager les gens à s’identifier en tant que francophone en Ontario ».

Martin Meunier, directeur du Collège des chaires de recherches sur le monde francophone de l’U d’O, explique qu’il serait intéressant que l’Université réintroduise des initiatives comme le diplôme avec mention bilinguisme, présent il y a une dizaine d’années. Face au contexte minoritaire du français, il poursuit en affirmant que l’Université devrait valoriser davantage son caractère bilingue. Beddows renchérit qu’il est essentiel de s’assurer de parler français sur le campus, afin de rééquilibrer le rapport de domination avec l’anglais.

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