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Entrevue avec Lucie Hotte, une femme marquante pour l’Ontario français

Daphnée-Maude Larose
6 novembre 2023

Crédit visuel : Mélanie Provencher — Photographe

Entrevue réalisée par Daphnée-Maude Larose — Journaliste

Le prix Paulette-Gagnon de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario cherche à reconnaître les impacts positifs et exemplaires d’une personne sur la communauté francophone. Cette récompense, créée en 2013, est attribuée à l’individu ayant le plus participé au rayonnement de la francophonie ontarienne. Cette année, Lucie Hotte, professeure titulaire au département de français à l’Université d’Ottawa (l’U d’O), est celle qui a eu l’honneur de se voir attribuer ce prix.

Hotte a complété un doctorat en lettres françaises à l’U d’O, elle a ensuite été vice-doyenne à la recherche à la Faculté des arts de 2011 à 2014. Elle est aussi auteure, activiste et directrice du Centre de recherche sur les francophonies canadiennes (CRCCF). De plus, elle a remporté plusieurs prix, dont le prix du meilleur livre de l’Association des professeurs de français des universités et des collèges canadiens.

La Rotonde (LR) : Vous avez récemment reçu le prix Paulette-Gagnon. Comment vous sentez-vous par rapport à cela ?

LH : Je ne m’y attendais pas du tout. L’Université a soumis ma candidature sans me le dire. Quand je l’ai appris, j’étais très flattée. J’étais très contente d’être mise en nomination, mais c’est un prix qui récompense une carrière exceptionnelle dans la promotion de la francophonie ontarienne. Il y a beaucoup de gens qui ont fait des choses extraordinaires, donc j’avais un peu de doute. Je ne pensais pas que ma candidature serait retenue. C’était un grand plaisir de voir que j’étais la lauréate.

LR : Pourquoi pensez-vous avoir gagné ce prix ? Qu’est-ce qui vous distingue des autres candidat.e.s ?

LH : Cela fait une trentaine d’années que je travaille sur l’Ontario français, et je pense qu’il y a quelques éléments dans ma carrière qui ont été innovateurs. J’ai organisé un colloque avec François Ouellette en 1996 qui portait exclusivement sur la littérature franco-ontarienne. On a lancé l’invitation en disant qu’il fallait renouveler les études littéraires franco-ontariennes parce que tout le monde qui parle de celles-ci mentionne seulement l’identité et l’enjeu de survivance. Alors que c’est une littérature comme toutes les autres, on peut l’aborder et l’étudier selon toutes sortes de points de vue. Notre colloque s’appelait : « La littérature franco-ontarienne : enjeux esthétiques ». On voulait laisser de côté les enjeux identitaires, ce qui était très novateur à l’époque. Je pense que c’était déterminant en soi.

LR : Vous avez écrit plusieurs livres, donné plusieurs cours et gagné plusieurs prix. Quel est la réussite dont vous êtes la plus fière ?

LH : Je dirais que ce qui me rend le plus fière, ce sont mes ancien.ne.s étudiant.e.s de doctorat. J’aime beaucoup diriger des thèses de maîtrise et de doctorat, mais les doctorant.e.s, c’est spécial, parce qu’on travaille avec eux.elles pendant cinq ans. Parmi mes étudiant.e.s de doctorat, il y en a plusieurs qui enseignent à l’Université. Il y en a qui sont à la fonction publique, qui travaillent dans des postes importants, au Commissariat aux langues officielles et à des bibliothèques comme archivistes. C’est aussi une des raisons pour lesquelles j’ai eu le prix : j’ai formé une relève dans les études franco-ontariennes. Ce sont eux.elles qui vont prendre le témoin comme dans une course à relais pour continuer le travail que j’ai commencé. Je suis très fière de mes ancien.ne.s étudiant.e.s et d’avoir pu travailler avec ceux.celles-ci.

LR : Selon vous, qu’est-ce qui est le plus important à retenir de vos cours ?

LH : Il importe de reconnaître, en abordant les littératures francophones en contexte minoritaire au Canada, que ces dernières ne se limitent pas exclusivement aux témoignages d’une communauté. Il ne faut pas réduire la littérature à un outil de survie, c’est de minorer davantage les francophones. Ils.elles ont droit à leur propre littérature. On a souvent tendance à vouloir faire de la littérature un outil pour contrer l’assimilation, mais quand on fait cela, on décourage les jeunes qui s’intéressent à celle-ci.

LR : Le pourcentage des locuteur.rice.s francophones au Canada est à la baisse. Qu’est-ce que les étudiant.e.s francophones peuvent faire pour protéger leur langue et contribuer à leurs communautés ?

LH : Des études internationales en alphabétisation ont montré que les francophones au Canada en contexte minoritaire et les francophones du Québec choisissent de passer des examens en anglais parce qu’ils.elles croient qu’ils.elles vont mieux réussir ainsi. Ces dernier.ère.s pensent mieux maîtriser l’anglais que le français, alors que c’est faux. Une des premières choses à faire est de déconstruire ces multiples idées préconçues ; apprendre une langue ne se fait pas au détriment d’une autre langue. Parler plusieurs langues est un avantage : plus on en apprend, plus elles sont faciles à apprendre. Il est important de trouver des façons intéressantes d’effectuer des activités en français. Par exemple, si les jeunes sont très intéressé.e.s par les changements climatiques et l’écologie, il y a plusieurs romans en français qui traitent de cela.

J’aimerais aussi souligner l’importance des jeunes et de la relève pour qu’une culture et une communauté existent. J’espère que ceux.celles-ci vont trouver que la communauté franco-ontarienne est accueillante, et qu’ils.elles vont trouver dans l’art franco-ontarien des œuvres qui leur parlent pour que cette aventure continue.

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