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Études travail
Éditorial

Études, boulot, peu de dodo

Rédaction
10 octobre 2023

Crédit visuel : Nisrine Abou Abdellah — Directrice Artistique

Éditorial rédigé par le comité éditorial de La Rotonde

D’après l’Université d’Ottawa (l’U d’O), suite à cette longue fin de semaine, les étudiant.e.s sont reposé.e.s, dynamisé.e.s et prêt.e.s à affronter leurs cours ! En réalité, plusieurs d’entre-eux.elles ont encaissé des heures supplémentaires au travail, et d’autres ont dû se rattraper dans leurs études après s’être dépensé.e toute la semaine d’avant. C’est une perspective illusoire de penser que tout le monde ait pu profiter de l’Action de grâce pour bien manger et se détendre sous la gouvernance actuelle de l’Université.

Dans une société capitaliste, où le labeur est autant valorisé, devrait-on être supris.e.s que les étudiant.e.s universitaires travaillent 15 à 30 heures par semaine pour payer leurs frais de scolarité, leurs loyers et leurs épiceries ? Dès le début du secondaire, les jeunes sont propulsés dans le marché du travail pour satisfaire à leurs besoins, mais aussi pour apaiser les pressions sociétales ou acquérir une indépendance financière. L’U d’O ne fait qu’exacerber la tendance sociétale.

Cercle vicieux

Malgré le privilège socio-économique qui existe ici au Canada, rappelons-nous que cette réalité — de devoir travailler pendant ses études — n’est pas universelle. Les prix excessifs que payent les étudiant.e.s à l’U d’O pour accéder à l’éducation post-secondaire contrastent fortement avec les études gratuites dans de nombreux pays européens, ainsi qu’avec la situation de ceux.celles qui étudient juste de l’autre côté de la rivière. Notre besoin de balancer le travail, les études et la vie personnelle n’est pas la norme à travers le monde.

Afin de pouvoir poursuivre leurs études sous de telles contraintes, les étudiant.e.s se tournent vers le marché du travail et les bourses d’étude. Ces deux sources de revenus peuvent se nuire mutuellement s’ils.elles veulent une marge de manœuvre pour le sommeil, le bien-être et la santé mentale.

Lorsqu’ils.elles postulent pour un emploi à l’Université, on leur demande souvent de soumettre leurs relevés de notes, créant ainsi une impérieuse nécessité d’exceller. Ce dilemme est encore plus prégnant pour ceux.celles qui envisagent des études supérieures. La course aux bonnes notes s’accompagne de la nécessité d’acquérir de l’expérience. Ce cycle exigeant peut restreindre certains débouchés simplement parce qu’elles ne s’inscrivent pas dans le schéma du succès académique et professionnel. Bref, l’étudiant.e travaille pour étudier, et étudie pour travailler. Quel concept !

Alors que les études universitaires sont généralement censées permettre aux étudiant.e.s d’explorer et d’approfondir leur passion pour un sujet ou un domaine, la structure sociétale actuelle est propice à l’inverse. La relation toxique que plusieurs étudiant.e.s forment avec le travail ne fait que brimer la passion qu’ils.elles avaient autrefois pour leur programme d’études.

Cette réalité affecte de manière disproportionnée les étudiant.e.s de groupes désavantagés et marginalisés. La nécessité de travailler influence leur choix de programme, notamment lorsqu’ils.elles sont confronté.e.s à l’obligation de faire des stages non-rénumérés et d’avoir à étudier outre-mer pour se démarquer.

Partager la part de responsabilité

En tant qu’institution disposant de fonds et fière d’éduquer la prochaine génération, l’U d’O est particulièrement bien placée pour contribuer à alléger ce fardeau. En revanche, cette institution que nous payons a décidé d’exploiter davantage ses étudiant.e.s au cours des dernières années. Une réforme est nécessaire.

Poursuivre sur l’élan post-pandémique des cours en ligne et améliorer l’accès aux bourses aurait permis de réduire les difficultés d’accès aggravées par le besoin de jongler les études et le travail. L’U d’O a plutôt décidé d’augmenter les frais de scolarité et de couper les bourses d’admission.

La complexité de la navigation sur les plateformes universitaires décourage de nombreux.ses étudiant.e.s à la recherche de bourses, mais aussi d’emplois. Au même moment, ceux.celles qui ont réussi à se faufiler à travers le système, se retrouvent maintenant avec des paies souvent manquantes ou en retard.

L’attribution des postes d’assistanat est également devenue opaque et frustrante. Le manque de transparence force de nombreux.ses étudiant.e.s à chercher des emplois sous-payés hors campus. Et, ne commençons pas à parler des stages co-op où les étudiant.e.s doivent payer près de 1000 dollars par semestre pour la possibilité de trouver un emploi dans leur domaine !

Tout cela est compilé par la crise du logement et la montée des coûts de vie qui, ensemble, rendent le travail inévitable pour la plupart….

Les étudiant.e.s sont ainsi vidé.e.s de toute l’énergie et volé.e.s du temps qu’ils.elles pourraient consacrer à la lutte pour de meilleures conditions et un meilleur traitement. Il n’est pas surprenant que ces dernier.ère.s soient alors tenté.e.s par la possibilité de faire des gains financiers faciles en coupant le financement à des services lors des élections. Et pourtant, les services comme la radio étudiante CHUO et le Groupe de recherche d’intérêt public de l’Ontario (GRIPO) sont parmi les seuls à leur donner une voix. Le cercle vicieux continue.

Comment y mettre fin ? Malgré les défis, la population étudiante doit tenir son institution responsable. Les étudiant.e.s doivent partager leurs expériences avec les journaux étudiant.e.s, sur les médias sociaux et avec leurs facultés, mais aussi, bien choisir leurs représentant.e.s au syndicat étudiant pour avoir des personnes capables d’apporter des changements significatifs.

Nous devons croire que notre implication mènera à des changements progressifs, qui deviendront des changements plus substantiels et, à terme, des changements sociétaux.

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