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Hello versus Bonjour : l’anglais vainc-t-il toujours ?

Malek Ben Amar
13 mars 2022

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Chronique rédigée par Malek Ben Amar – Journaliste

Ottawa est une ville considérée bilingue, qui accueille chaque année des milliers de francophones. Cependant, une balade en plein centre-ville suffit pour remarquer l’absence totale du français. Ce bilinguisme se limite vraisemblablement à être une simple déclaration sur papier.

La Ville d’Ottawa comporte une grande communauté francophone, soit 13,7 % de la population de la capitale en 2016. Les étudiant.e.s spécifiquement sont nombreux.ses à venir y étudier, notamment en raison des bourses d’accès aux études en français et des bourses d’exonération partielle des droits de scolarité de l’Université d’Ottawa. Néanmoins, malgré la proclamation du bilinguisme, l’anglais est toujours autant omniprésent. 

Bilinguisme, est-ce pour de vrai ?

Bien que de nombreux services administratifs soient offerts en français, la langue de Molière reste totalement absente de l’espace public dans la Ville d’Ottawa. L’anglonormativité demeure dominante, et l’on présume généralement que la langue de l’interlocuteur.ice est l’anglais.

En tant qu’étudiante internationale qui vient tout juste d’immigrer au Canada, j’ai pensé atterrir dans une capitale parfaitement bilingue. Mais je me suis vite aperçue que les Ottavien.ne.s n’étaient pas aussi francophones que je le pensais. Mis à part les services universitaires, les services en français sont rarement disponibles ailleurs.

Cette dévalorisation de la langue française a créé une sorte d’assimilation linguistique, de telle façon que même les francophones, pour discuter entre eux.elles, se réfèrent directement et inconsciemment à l’anglais. Ainsi, ceux.celles-ci sont plus certain.e.s d’avoir une réponse régulière et ne risquent pas d’entendre « Sorry, can you say it in English? ».

Anglophonie exigée…

Le fait que les deux langues officielles cohabitent d’une manière égale dans cette ville demeure un rêve irréalisable. Règle générale, même pour faire des épiceries, on ne peut pas s’empêcher de parler en anglais avec les vendeur.se.s. Dans mon cas, l’équation est simple : si « hello » est la réponse à mon « bonjour », la langue est imposée, et je dois impérativement poursuivre en anglais.

Désormais, je n’essaie même plus de m’adresser aux gens en français dans les centres commerciaux ou dans les restaurants. Cette prédominance de l’anglais a créé une difficulté pour oser parler en français.

Il faut ainsi admettre que clairement, les deux langues ne sont pas au même niveau. L’anglais occupe une place privilégiée et demeure invincible face aux autres langues, même dans cette ville qui se considère théoriquement bilingue. Ce n’est pas seulement ma perception, c’est évident pour tout le monde. Alors, pourquoi se voile-t-on la face ?

…même si l’on est francophone

La rareté du français nous heurte en tant qu’immigrant.e.s francophones. Parfois, pour exprimer une idée, défendre une cause ou expliquer une situation quelconque, on ne trouve pas les mots convenables, dans une langue qu’on ne connaît que superficiellement. Cette incapacité à nous exprimer comme voulu marque une certaine injustice, comparativement aux anglophones, expert.e.s dans leur langue. Nous sommes nettement désavantagé.e.s, dans une communauté qui nous accueille pourtant dans des proportions notables. 

Apprendre l’anglais pour se débrouiller n’est plus un choix mais une obligation. Bien que l’anglais soit une langue simple et rapide à assimiler, sans conjugaison ni grammaire compliquée, une question reste en suspens : qu’en est-il du français ? Uniquement pratiqué dans les services municipaux et provinciaux, il semble en Ontario sur le point de se dissiper. On se sait plus si on devrait l’abandonner une fois pour toutes, ou militer activement et malgré tout pour lutter contre son extinction infernale. Le vrai bilinguisme au Canada reste un mythe, mais dans l’espoir de le mettre en exécution, on se demande : verra-t-il réellement un jour le jour ?

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