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Éditorial

Sorry, I didn’t understand, can you repeat in English ?

Aïcha Ducharme Leblanc et Miléna Frachebois
6 décembre 2021

Crédit visuel : Istockphoto – Courtoisie

Un éditorial rédigé par Aïcha Ducharme-LeBlanc et Miléna Frachebois – Co-rédactrices en chef

The Fulcrum publiait son quatrième éditorial de la session lundi dernier. Dans celui-ci, le comité éditorial dénonçait un bilinguisme inopérant lors de la réunion du Sénat. On reprochait à l’Université d’Ottawa (U d’O) d’avoir relayé des messages différents en ce qui concerne le rapport du Comité sur la liberté académique. Les idées et arguments véhiculés dans cet éditorial laissent à désirer.

Les membres du comité éditorial de La Rotonde ont été incité.e.s à lire l’éditorial de notre homologue anglophone, The Fulcrum. Le mot « bilinguisme » nous a attiré.e.s et nous étions intrigué.e.s de savoir quelle serait leur réflexion collective à ce sujet. Bien entendu, nous avons été choqué.e.s et déçu.e.s par son contenu.

Nous pensons que nous devons prendre le temps de discuter et d’expliquer pourquoi certains des points évoqués par The Fulcrum dans leur éditorial sont problématiques.

Incompréhension du bilinguisme

Pour ceux et celles d’entre-vous qui n’ont pas eu l’occasion de poser les yeux sur cet éditorial, permettez-nous de vous le résumer. Le comité éditorial du Fulcrum déplore que le bilinguisme soit utilisé comme un outil pour maintenir les personnes unilingues – vraisemblablement anglophones puisque le comité fait référence à leur propre personnel unilingue – dans l’ignorance.

Plus précisément, se référant à une récente réunion du sénat à l’U d’O, The Fulcrum estime qu’il est injuste que les messages livrés en français lors de cette réunion ne soient pas traduits exactement en anglais.

L’éditorial aborde la question importante de l’utilisation des langues pour exclure des communautés, mais il ne saisit pas ce qu’est réellement le bilinguisme. Celui-ci n’est pas, comme semble le définir The Fulcrum, la répétition exhaustive de chaque fait dans deux langues. C’est plutôt la coexistence et la communication des deux langues, dans notre cas, le français et l’anglais. 

L’U d’O est une université bilingue, qui milite pour que ses membres soient bilingues. Elle n’a pas le devoir de tout dire en anglais pour que les unilingues anglophones comprennent tout ce qui est dit. Sans le dire clairement, The Fulcrum demande essentiellement un traitement spécial pour ses employé.e.s, pour la plupart unilingues.

Comme l’affirme Marc-François Bernier, professeur en communication à l’U d’O, dans un tweet, « dans une université bilingue, ceux [et celles] qui aspirent à participer à la gestion ou encore à l’information ont le devoir d’être bilingues et de comprendre ce qui se dit dans les deux langues ».

Une réalité qui échappe

The Fulcrum défend donc l’unilinguisme, probablement parce qu’il n’a pas souvent besoin de s’attacher au bilinguisme pour espérer avoir une petite place dans la sphère uottavienne. Cependant, quelque chose d’encore plus dérangeant nous appelle : l’ignorance et l’illusion du Fulcrum.

Welcome to our world, on a envie de vous dire. Le journal anglophone défend l’unilinguisme et critique le bilinguisme à l’U d’O parce qu’il est soudainement concerné et « victime » de celui-ci. Nous comprenons que cela dérange de se sentir exclu.e. Le journal considère qu’utiliser le français est une façon d’exclure les personnes qui ne parlent pas la langue, comme l’écrit le comité à la fin de son éditorial : “Bilingualism should never be used as a tool to keep unilingual students in the dark ”. Pourtant, la question n’est pas là.

Au lieu de voir cela comme un moyen de communiquer clairement aux communautés francophones minoritaires, The Fulcrum se contente simplement de le voir dans sa perspective de martyr. Les francophones doivent constamment se plier et respecter le bilinguisme. Non, le bilinguisme n’est pas respecté à l’Université. La différence dans ce bilinguisme réside dans le statut privilégié des anglophones et le statut minoritaire des francophones.

Dans cet éditorial, il est dit que les francophones “believe there is a lack of Francophone services at the University”. Nous ne croyons pas, nous constatons. Il est étonnant de la part du Fulcrum, un des deux journaux étudiants de l’Université, d’utiliser ce langage. On dirait qu’il ne sait même pas ce qu’il se passe au sein du campus. Ou bien est-il aveugle car cela ne l’intéresse pas ?

Malheureusement, cette idée de bilinguisme et de chialage ne se cantonne pas qu’à l’Université. Combien de fois entendra-t-on des gens se plaindre des « contraintes » du bilinguisme parce qu’ils sont unilingues ? Combien de fois entendra-t-on cette idée que ce sont les francophones qui doivent assumer la tâche du bilinguisme ? 

Unilinguisme à préconiser ?

The Fulcrum plaide un unilinguisme que nous considérons dangereux pour le futur d’une institution bilingue comme l’U d’O, qui a déjà du souci à se faire concernant la place de la francophonie sur son campus.

Le pire, c’est que The Fulcrum tente de nous placer, nous, La Rotonde, dans le même panier qu’eux. Le comité pose la question suivante : « Comment une rédaction en chef unilingue, qu’elle soit au Fulcrum ou à La Rotonde, est-elle censé demander des comptes au Sénat et à l’administration de l’U d’O si elle ne comprend pas que le message transmis est totalement différent dans l’autre langue ? »

Soyons clair.e.s. La Rotonde ne prône pas l’unilinguisme français. Nous défendons la juste place du français au sein du bilinguisme et nous critiquons ceux et celles qui portent atteinte aux droits linguistiques des francophones. Tou.te.s nos employé.e.s ont au moins une compréhension passive de l’anglais et peuvent tenir une conversation dans ladite langue. La raison de cela se cache dans la triste réalité des minorités francophones, qui doivent sans cesse se plier.

Au lieu de se plaindre, The Fulcrum ne devrait-il pas plutôt chercher à promouvoir le bilinguisme parmi son personnel ?

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