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Francophonie en Ontario à bout de corde
Éditorial

Ce 25 septembre, semer les graines de la fierté, pas de l’épuisement

Rédaction
25 septembre 2023

Crédit visuel : Nisrine Abou Abdellah — Directrice Artistique

Éditorial rédigé par le comité éditorial de La Rotonde

Après plus de 250 années de lutte, la fin n’est toujours pas en vue. De Sudbury à Toronto, les militant.e.s franco-ontarien.ne.s sont épuisé.e.s, tant aujourd’hui qu’en 1913. Malgré cela, le français en Ontario est plus que jamais en déclin. En cette journée du drapeau franco-ontarien, nous nous donnons le droit de prendre une pause pour réfléchir à notre culture, à son futur et à si cette cause vaut toujours la peine d’être défendue.

Être Franco-Ontarien, c’est une souffrance

La vie du.de la Franco-Ontarien.ne est une vie de lutte. Cela résonne certainement avec certain.e.s plus que d’autres. Le sentiment de déception causé par le manque de services en français se fait ressentir tant lors des conférences universitaires « bilingues », que pendant la période de choix de cours, qu’à l’épicerie. Nous envoyons nos courriels, nous nous laissons entendre dans les rues, et nous réclamons, parfois timidement, d’être servis dans la langue de notre choix. C’est, en un mot, exaspérant.

Tout groupe dans un contexte minoritaire est confronté au fait que la lutte pour ses droits est perpétuelle. Ce cercle vicieux existe ici depuis qu’il y a des Franco-Ontarien.ne.s : on nous enlève un service, on en réclame plus. On reçoit partiellement ou pas du tout ce qu’on a demandé, et on nous enlève un autre service…

Lorsque les francophones revendiquent leurs droits, ces demandes sont souvent dépeintes par la majorité comme étant illégitimes ou insignifiantes. On peut prendre l’exemple partagée par une de nos journalistes d’une travailleuse sociale franco-ontarienne qui dénonçait à une conférence le manque d’accessibilité pour les survivantes d’agression sexuelle en français. Elle a reçu des autres panélistes la réponse suivante : « There are worst problems than the accessibility to french services. [Il y a des problèmes plus graves que l’accessibilité aux services en français.] » 

Et voilà où le bât blesse. Les francophones sont souvent victimes de « gaslighting » lorsqu’ils.elles revendiquent leurs droits. Iels sont présenté.e.s comme ceux.celles qui créent le problème, alors que le français est une langue officielle et que la communauté franco-ontarienne existe depuis des siècles. Nous n’aurons pas de repos tant que les anglophones ne s’efforceront de comprendre et même de soutenir nos droits, comme ils l’ont fait avec l’Hôpital Montfort.

Temps pour l’introspection

Les Franco-Ontarien.ne.s sont pris.e.s dans une quête identitaire perpétuelle, alors que le paysage démographique autour d’eux ne cesse de changer. Ils.elles ne peuvent pas se définir uniquement par leur volonté de lutter, surtout s’ils.elles essayent de recruter des gens qui n’ont aucun sens d’appartenance au combat afin de survivre.

La culture franco-ontarienne n’est plus celle de nos arrière-arrière-grands-parents. Aujourd’hui, cette culture est diversifiée et internationale. Les expressions, les accents et la prononciation —  comme la manière de dire « soccer » —  changent de communauté en communauté, d’individu en individu. L’insécurité linguistique que nous ressentons n’existerait pas si nous étions moins critiques les un des autres.

Mais, c’est aussi la manière dont on voit le français qui varie. Quand on pense à l’histoire de la langue française dans le monde, les Franco-Ontarien.ne.s sont assez uniques dans leur volonté de conserver la langue plutôt que de se la voir imposer. Les nouveaux.lles arrivant.e.s qui sont appelé.e.s à préserver la culture franco-ontarienne se trouvent désorienté.e.s et aliéné.e.s par rapport à cette même culture. N’est-il pas le temps qu’on revoie et qu’on adapte notre vision de la francophonie en Ontario pour pouvoir ajouter à notre récit toutes les histoires qui la concernent ?

Nouveaux.lles au combat ?

Plusieurs étudiant.e.s hors-province ou internationaux.les, y compris plusieurs membres de notre équipe, sont arrivé.e.s à l’Université d’Ottawa méconnaissant le déséquilibre du bilinguisme dans la Capitale nationale. Et qui pourrait les blâmer ? L’Université se fait passer pour une institution entièrement bilingue depuis longtemps. Pendant ce temps, plusieurs Québécois.e.s n’apprennent pas l’existence de groupes francophones minoritaires à l’extérieur de leur province.

Une fois arrivé.e.s, ces étudiant.e.s sont sensibilisé.e.s d’un seul coup à la réalité des francophones en position minoritaire en Ontario. On leur dit de ramasser leurs enseignes et leurs cornemuses afin de résister à l’assimilation, alors qu’iels ont vu dans leur venue à Ottawa une occasion d’apprendre l’anglais et d’élargir leurs horizons.

Pour ceux.celles qui ont grandi Franco-Ontarien.ne, « élargir ses horizons » était synonyme de céder à la tentation de l’assimilation. Leurs parents, leurs enseignant.e.s, leurs curés, avaient internalisé le combat et l’imposaient aux nouvelles générations par peur de perdre leur culture et leur langue. La fatigue des Franco-Ontarien.ne.s est ensuite transmise aux nouveaux arrivant.e.s qui ne peuvent pas s’empêcher d’être accablé.e.s face à cette réalité. Si le militantisme est un cycle vicieux, l’épuisement de la communauté franco-ontarienne s’immisce partout comme une mauvaise herbe.  

Pour « recruter » et garantir la survie du français en Ontario, il faut une nouvelle stratégie. Il est temps pour nous de planter une fleur, comme celle sur notre drapeau, de fierté pour notre langue et pour nos origines multiples. Les gens doivent être en mesure d’arroser et de nourrir volontairement et de la manière qu’iels désirent ce projet de culture commune.

Telle une maladie, nous ne pouvons pas laisser la peur dicter la manière dont nous diffusons notre culture. Il faut faire un acte de foi que les gens continueront à voir la valeur de la floraison de notre langue en Ontario.



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