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L’Ontario français en deuil : Gisèle Lalonde n’est plus

Dawson Couture
5 août 2022

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Article rédigé par Dawson Couture – Journaliste

Gisèle Lalonde, ancienne mairesse de Vanier et figure de proue du mouvement S.O.S. Montfort, s’est éteinte le 27 juillet à l’âge de 89 ans. Le décès de cette militante de carrière a suscité une pluie d’éloges de politicien.ne.s, d’artistes et de concitoyen.ne.s à travers le pays. À l’occasion de ses funérailles le 4 août dernier, un drapeau franco-ontarien ornait le cercueil alors que ses proches faisaient leurs adieux à cet emblème de l’Ontario français. 

Mme Lalonde et son équipe ont pris en charge la lutte contre la fermeture de l’Hôpital Montfort, une institution bilingue renommée à Ottawa, il y a 25 ans cette année. Auparavant, elle avait déjà porté plusieurs chapeaux en tant qu’éducatrice, conseillère municipale, entrepreneure, politicienne et mère. 

Son caractère et sa richesse d’expérience ont fait d’elle une véritable pionnière au sein de la communauté franco-ontarienne, d’après Carol Jolin, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO). « Ce n’est pas du tout surprenant que lorsque la situation de Montfort s’est présentée, une femme d’action comme Mme Lalonde ait pris le leadership pour défendre les droits des franco-ontarien.ne.s », souligne-t-il.

Une femme engagée

Originaire de Eastview, aujourd’hui Vanier, Gisèle Lalonde a fait ses études à l’École normale de l’Université d’Ottawa (U d’O) afin de devenir éducatrice. Tout en occupant ce poste d’enseignante de 1951 à 1973, elle est devenue membre du Conseil des écoles catholiques d’Ottawa, présidente du Conseil scolaire et, plus tard, présidente de l’Association française des conseils scolaires de l’Ontario.

Michel Bock se rappelle être arrivé à Ottawa en plein milieu de la crise de l’Hôpital Montfort. Professeur d’histoire à l’U d’O, il souligne l’importance de la fondation du Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques en 1974 par Mme Lalonde et ses collègues. Selon lui, le centre est aujourd’hui la plus grosse petite ou moyenne entreprise de production de matériel pédagogique destiné aux écoles en Ontario français.

Gisèle Lalonde s’est ensuite lancée en politique provinciale, d’abord, en tant que présidente du Conseil des affaires franco-ontariennes où elle donnait son avis au Premier ministre de l’Ontario quant aux besoins de sa communauté. Elle était cependant davantage connue comme étant la première mairesse de Vanier de 1985 à 1991. Lors de son mandat, la fondation de l’Association française des municipalités de l’Ontario fut parmi ses plus grandes réalisations, selon Bock.

La bonne personne, au bon moment

Ce n’est que très tardivement dans sa carrière que la militante franco-ontarienne s’est lancée à la défense de l’Hôpital Montfort. Après cinq ans d’activisme politique et de batailles juridiques, la cause fut gagnée en 2002. « L’épisode marque un moment clé dans l’affirmation de l’identité franco-ontarienne et confirme les protections constitutionnelles dont bénéficie aujourd’hui la minorité linguistique francophone de l’Ontario », affirme le professeur d’histoire.

Ce qui a fait son succès et le succès du mouvement, toujours selon Bock, est une combinaison de réputation, charisme et éloquence. Le professeur et le président de l’AFO affirment que le slogan « Montfort fermé : jamais ! » n’est qu’un des coups de génie de cette excellente communicatrice. Elle avait avant tout un caractère familier, d’après Bock, auquel les gens pouvaient facilement s’identifier et qui les encourageait à la rejoindre dans ses combats. 

L’établissement a doublé de volume depuis la crise et est à présent l’hôpital universitaire francophone de l’Ontario. Il dessert, dans les deux langues officielles, plus de 1,2 million de personnes dans la région de l’Est ontarien. La bataille de Montfort s’inscrit aujourd’hui dans l’histoire franco-ontarienne, selon Jolin, tout comme la lutte contre le Règlement 17 et la crise de Penetanguishene. 

Prendre la relève

Bock explique que la crise de Montfort est venue après une période de croissance pour la communauté franco-ontarienne. L’annonce du gouvernement conservateur de Mike Harris « est venue comme un coup de foudre », constate-t-il. La crise a démontré, pour Bock et Jolin, qu’il n’y a aucune garantie et protection absolue pour les programmes en français dans la province.

À l’occasion du 25e anniversaire de S.O.S. Montfort, Bock a annoncé co-rédiger un livre collectif, destiné à être publié l’an prochain, sur l’histoire de cette institution. Il espère également qu’avec l’ouverture du Fonds d’archives de l’Hôpital Montfort, bientôt disponible au Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF), les étudiant.e.s pourront mener plus de thèses au sujet de Mme Lalonde et de ce mouvement.

Le président de l’AFO dit avoir été inspiré, comme tant d’autres, par le mouvement de Gisèle Lalonde dans le cadre de la résistance franco-ontarienne de 2018 et de la création d’une université francophone dans le Moyen Nord. « Je suis certain qu’elle serait entièrement d’accord avec notre direction quant à l’Université de Sudbury. L’Hôpital Montfort démontre que lorsqu’on gère nos propres dossiers, on les gère bien », affirme Jolin.

Mme Lalonde est aujourd’hui éteinte, mais Bock estime que sa mémoire ne risque pas de disparaître. Il soutient que Gisèle Lalonde figurera, si ce n’est pas déjà le cas, au « panthéon des grandes figures de l’histoire franco-ontarienne » pour les années à venir.

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