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Illustration de l'Université Laurentienne, faisant face à une personne de loi en toge noire
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Une infraction par l’Université Laurentienne dévoilée par l’Ombudsman

Dawson Couture
13 avril 2022

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Article rédigé par Dawson Couture – Journaliste

L’Université Laurentienne (UL) a enfreint la Loi sur les services en français (LSF), selon un nouveau rapport de l’Ombudsman de l’Ontario publié à la fin mars. Deux ministères ont également été accusés de laxisme lors du processus de restructuration financière de l’Université. 

Le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), Carol Jolin, accueille les conclusions de l’Ombudsman adjointe à bras ouvert. D’après lui, ce rapport « très factuel » ne vient qu’appuyer ce que l’AFO et la communauté franco-ontarienne soupçonnaient déjà. Le 12 avril dernier, l’UL a annoncé la coupure de près de 60 % de ses programmes en français, et ce, sans consulter les ministères concernés, selon le rapport. 

Une université qui sait tout, mais ne dit rien

Pour Jolin et son équipe, le rapport de l’Ombudsman est un résultat attendu d’une vingtaine d’années de mauvaise gestion et de mépris pour la communauté franco-ontarienne de la part de l’UL. Il explique que cette enquête est une initiative directe de la part de Kelly Burke, Ombudsman adjointe et Commissaire aux services en français, suite à la réception de 60 plaintes de la part d’étudiant.e.s, de professeur.e.s et de Franco-Ontarien.ne.s au cours de la dernière année.

François Larocque est professeur et titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie canadienne en droits et enjeux linguistiques à l’Université d’Ottawa. Le rapport confirme ce qu’il jugeait depuis déjà un an, soit que l’UL a bafoué sa désignation en vertu de la LSF lors de sa restructuration.

Il explique que l’UL et le gouvernement de l’Ontario n’ont pas tenté de démontrer en quoi les coupures des services en français étaient la seule avenue possible, malgré leurs obligations en vertu de la décision de la Cour d’appel de l’Ontario en 2001 dans le cas de S.O.S. Montfort. La Commissaire a également découvert, poursuit-il, que l’UL a supprimé deux grades désignés par la LSF qui auraient dû être protégés.

Pour ce qui est des autres programmes désignés, supprimés en avril 2021, Larocque constate que l’interprétation de l’UL est « contraire à l’esprit de la Loi ». D’après l’avocat, l’UL soutenait que seuls ses diplômes étaient protégés, et qu’elle pouvait donc éliminer les programmes menant à l’obtention des diplômes. Puisque la LSF est conçue, selon lui, pour protéger et promouvoir la francophonie en Ontario, il soutient que les règlements de désignation des institutions francophones et bilingues doivent être compris de manière « large et libérale ».

Des ministères qui se tournent les pouces

L’UL est davantage coupable, selon Larocque, de ne pas avoir remis de rapports tous les trois ans assurant sa conformité continue aux exigences de leur désignation au ministère des Collèges et des Universités (MCU). Il considère que le MCU et le ministère des Affaires francophones de l’Ontario (MAFO) avaient cependant le devoir d’être plus proactifs dans la surveillance et l’appui de l’UL au cours de sa restructuration.

Le professeur titulaire de droit déplore surtout le laxisme du.de la coordonnateur.ice des services en français du MCU, qui n’avait aucun rôle auprès de l’UL depuis 2014, même durant la restructuration.

Le rapport de l’Ombudsman révèle que les deux ministères avaient connaissance des problèmes financiers de l’UL bien avant la restructuration. La Commissaire estime pourtant que le MCU a échoué dans son obligation de consulter le MAFO. Elle souligne ainsi qu’« il y a un manque systématique de planification pour la prestation des services en français de la part des ministères ontariens ». 

Jolin considère que le laxisme des deux ministres n’a pas beaucoup changé, puisque la Loi ne prévoit aucune répercussion lorsqu’elle est enfreinte. Le rapport de l’Ombudsman offre 19 recommandations qui œuvrent, entre autres, à clarifier la LSF par rapport aux institutions et aux programmes désignés, selon Jolin. Ce dernier atteste du fait que le MAFO a déjà accepté de mettre en œuvre les 12 recommandations qui lui concerne et le MCU s’est engagé à élaborer un plan pour actualiser les cinq recommandations correspondantes.

Un temps de réflexion et de changement

Larocque affirme qu’en 2014, l’UL avait exprimé une vraie volonté de se conformer à la LSF lorsqu’elle a pris la décision de désigner ses programmes de langue française. « La Loi offre une réelle protection aux services de langue française dans la province », confirme-t-il. Malgré la capacité des institutions désignées à restreindre le champ d’application de la désignation, poursuit-il, l’UL a quand même négligé ses propres obligations ainsi que les droits des Franco-Ontarien.ne.s dans le processus.

« C’est une leçon que les règlements concernant nos droits doivent être bien rédigés, interprétés et appliqués », conclut le professeur titulaire. Les révélations du rapport démontrent aussi, selon lui, la nécessité pour la communication, la transparence et la collaboration entre les ministères, les institutions désignées et la communauté francophone en Ontario pour assurer la pérennité des services en français.

Pour Jolin, le rapport démontre que l’UL ne mérite plus d’héberger les programmes de langue française au Moyen-Nord. Il cite notamment la baisse d’inscriptions de 52 % pour la prochaine année scolaire comme preuve que l’UL a perdu la confiance de la communauté franco-ontarienne. 

Le président de l’AFO soutient une transition graduelle des programmes de langue française de l’UL à l’Université de Sudbury, pour que les deux institutions « en sortent avec leurs propres programmations unilingues solides ». Jolin affirme qu’une solution doit être négociée le plus tôt possible, car « pour chaque cohorte qui ne débute pas un programme universitaire en français, la communauté franco-ontarienne perd un ensemble de travailleur.se.s francophones qualifié.e.s ».

Avec une élection provinciale prévue le 2 juin 2022, Jolin implore les gens à poser des questions aux candidat.e.s et à véhiculer leur point de vue quant au caractère des services de langue française offerts dans la province.

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