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Comment se porte la politique municipale en Ontario ?

Jessica Malutama
27 mars 2024

Crédit visuel : Sergey Nivens

Article rédigé par Jessica Malutama — Journaliste

Survenue le 22 février dernier, la démission de la mairesse de Gatineau, France Bélisle, a provoqué une onde de réflexions dans le monde de la politique municipale. En quittant ses fonctions, Bélisle a dénoncé un climat nocif et des conditions de travail responsables de l’épuisement professionnel de plusieurs élu.e.s municipaux.ales. Son départ appelle la classe politique municipale ontarienne à s’adonner à la même introspection.

Un récent sondage émis par la Fédération québécoise des municipalités (FQM) a répertorié différents enjeux touchant le milieu de la politique municipale. Parmi les centaines de politicien.ne.s municipaux.ales interrogé.e.s, près de 39 % ont rapporté avoir subi du harcèlement psychologique et de l’intimidation au cours de leur parcours politique. La même enquête informe que sur les 8000 élu.e.s municipaux.ales qui étaient actif.ve.s au Québec, environ 10 % ont quitté leur poste depuis 2021.

Regards sur la situation à Ottawa

Nour El Kadri est professeur à temps partiel à l’École de gestion de Telfer de l’Université d’Ottawa. Candidat à la mairie d’Ottawa en 2022, il reconnaît que la vie politique peut s’avérer brutale. « La politique est impitoyable. […] Ce qui est arrivé à France Bélisle est malheureux. […] En 2007, un député libéral m’avait prévenu que lorsque l’on entre en politique, il faut avoir une bonne carapace [thick skin] », résume-t-il.

Ce dernier ajoute que les élu.e.s femmes ou issues des minorités visibles se heurtent à davantage d’obstacles dans un monde où ils.elles sont minoritaires. « Plusieurs personnes ne sont pas les bienvenues dans ce club. Les sociétés occidentales ont toujours été patriarcales. La plupart des politiciens sont des hommes blancs, d’un âge avancé. […] Quiconque [n’appartient pas à ces catégories sociales dominantes et qui] tente d’entrer dans cette sphère n’aura généralement pas la vie facile », énonce El Kadri.

Stéphanie Plante, conseillère municipale du quartier Rideau-Vanier, a partagé recevoir des remarques déplacées de la part de citoyen.ne.s depuis ses débuts en politique : « Je n’ai pas reçu des menaces de mort comme madame Bélisle […] [mais] je recevais des courriels du type : “Tu es venue cogner à ma porte aujourd’hui et j’ai beaucoup aimé ta jupe. Tu devrais porter ceci. Tes cheveux sont blonds, mais ils devraient plutôt être bruns” ». Plante, qui ne s’étonne pas que ses expériences soient partagées par d’autres élues de la classe politique municipale, caractérise le milieu de « sexiste ».

Selon El Kadri, plusieurs femmes déçues de leur expérience se détournent de la vie politique parce qu’elles ne désirent pas travailler dans « ces environnements toxiques ». Il affirme qu’en intégrant la fonction publique, elles espéraient être soutenues du fait d’avoir été élues et qu’elles pourraient se consacrer à leur travail. « Lorsqu’elles constatent qu’elles sont intimidées par des groupes de pression ou d’autres conseiller.ère.s, elles vous diront qu’elles ne pensaient pas que la politique était aussi nuisible », déplore le professeur de l’École de Telfer à l’U d’O.

« Heureusement, je suis dans ma quarantaine donc ces choses m’inquiètent moins […], mais je trouve que devoir gérer ces situations, c’est du boulot en plus qui prend du temps et de l’énergie », exprime Plante.

Augurer mieux de l’avenir

La FQM appelle à ce qu’un changement systémique voit le jour pour pallier aux enjeux soulevés par son récent bilan. Elle invite aussi le gouvernement du Québec à mettre en place une campagne de civisme adressée à la population et à l’échelle provinciale. Plante pense qu’il serait utile d’informer le public ontarien du rôle des élu.e.s municipaux.ales. Ainsi, les citoyen.ne.s pourraient les approcher lorsqu’ils.elles auront des requêtes ayant trait à leurs champs de compétence respectifs et non à d’autres paliers gouvernementaux, précise-t-elle.

El Kadri, qui décrit la politique municipale comme « celle qui est la plus près des gens », dénonce la précarité de certain.e.s élu.e.s et le manque de financement au palier municipal. Selon lui, les fonctionnaires municipaux.ales « rendent un service essentiel, mais ingrat », car ils.elles ne sont pas assez rétribué.e.s pour leur travail.

« Plus de 75 % des services offerts aux citoyens à Ottawa le sont par la municipalité. Les politiciens municipaux sont des personnes très importantes qui sont liées à leurs communautés locales. Ils sont au service de leur propre communauté et ils devraient être protégés par ces dernières », juge El Kadri. Le professeur à temps partiel admet que la vie politique n’est pas faite pour tous.tes, mais souhaite que plus de femmes se lancent en politique municipale. Il espère qu’elles ne se laisseront pas intimider par le récent départ de Bélisle.

La prochaine élection municipale partielle à Gatineau se déroulera le 9 juin 2024. Elle élira le ou la 23e maire ou mairesse de Gatineau pour le reste du mandat 2021-2025.

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