Crédit visuel : Marie-Ève Duguay – Rédactrice en chef
Éditorial rédigé par le comité éditorial de La Rotonde
Aujourd’hui, nous célébrons la Journée internationale de la francophonie. Cet événement mondial a pour but de célébrer la langue française et les cultures qui l’accompagnent dans toute leur diversité. Ainsi, dans le cadre de ce 20 mars 2023, nous nous livrons, à La Rotonde, à une réflexion sur la place de la francophonie au pays, et plus particulièrement dans la province ontarienne.
C’est au lendemain de la Révolution tranquille des années 1960, alors que le Québec cherchait à se défaire des minorités francophones du pays, qu’est née l’identité franco-ontarienne. Avec l’apparition d’institutions « par et pour » les francophones de l’Ontario, les Franco-Ontarien.ne.s ont su se tailler une place sur le grand plan identitaire du pays.
Si l’identité franco-ontarienne se manifestait surtout par la langue, par la culture, par la région, par la littérature et par le sens contestataire de ceux et celles qui s’y rattachaient, ce n’est plus nécessairement le cas aujourd’hui. De fait, la notion d’identité franco-ontarienne a naturellement évolué au fil des ans, et sa définition actuelle ne correspond plus à son premier sens.
Vers une redéfinition de la francophonie ontarienne
La conception du fait français en Ontario et au Canada en général est en plein changement. Avec la baisse de l’utilisation du français à la maison, les tendances exogames qui augmentent et la prédominance de l’anglais dans la société ontarienne, les référents franco-ontariens se perdent. L’identité franco-ontarienne n’est plus ce qu’elle était au moment de son émergence.
Pour tenter de pallier la baisse de la population francophone au Canada, le gouvernement fédéral encourage l’immigration d’individus parlant le français et vivant en français. Plusieurs francophones de l’Ontario sont cependant toujours de l’avis que l’identité franco-ontarienne est liée à une identité blanche, les Franco-Ontarien.ne.s dits « de souche » étant considéré.e.s comme les seul.e.s « vrai.e.s » franco-ontarien.ne.s. Dans ce cas-ci- l’immigration ne serait pas la solution à adopter pour faire revivre l’identité franco-ontarienne, puisque les immigrant.e.s francophones seraient, par définition, incapables d’être de véritables Franco-Ontarien.ne.s.
Il est temps que cette conception passe à l’oubliette. Aussi égoïste soit-il, et que nous le voulions ou pas, la survie des Franco-Ontarien.ne.s dépend maintenant des nouveaux groupes d’arrivant.e.s francophones.
Immigration, synonyme d’assimilation ?
Un problème se présente pourtant : comment assurer l’intégration de ces nouveaux.elles arrivant.e.s dans l’identité francophone de la province ? Pour pouvoir passer à une définition plus inclusive de l’identité franco-ontarienne, et donc pour que la communauté puisse survivre, il faut d’abord assurer l’intégration de ces nouveaux groupes…
Il est bien beau d’augmenter le taux de francophones en Ontario, mais s’ils.elles ne ressentent pas un sentiment d’appartenance à la communauté franco-ontarienne, et ne peuvent se faire servir dans la langue de leur choix, rien ne les empêche de passer à l’anglais. En effet, l’absence d’investissements dans les services francophones en Ontario n’aide aucunement à la durabilité du français dans la province…
La stratégie d’immigration qu’a adoptée le gouvernement canadien ne prend pas en compte plusieurs réalités. Souvent, lorsque les immigrant.e.s francophones arrivent au pays, ils.elles se heurtent à plusieurs obstacles qui les empêchent de rejoindre la communauté franco-ontarienne, dont le racisme, la difficulté de trouver des réseaux d’accueil et de soutien francophones dans leur région d’accueil, ainsi que la glottophobie.
Le futur est-il dans la diversité ?
Il y a donc un flagrant manque d’intégration des immigrant.e.s francophones de la part des Franco-Ontarien.ne.s originaires de la province. Avec l’arrivée de personnes issues de différentes régions du monde, nous sommes témoins d’une diversification des variétés d’accents francophones en Ontario. L’importance que nous accordons au fait de parler un français correct, voire « standard », est l’un des plus grands dangers vis-à-vis du fait français en Ontario. Plusieurs personnes nouvellement arrivées dans la région sont d’ailleurs victimes de discrimination en raison de leur accent…
D’après l’UNESCO, « célébrer la francophonie, c’est reconnaître le potentiel de la langue et de la culture à unir les peuples à créer des espaces de solidarité et de compréhension mutuelle, pour réfléchir ensemble à notre avenir commun ». Les Franco-Ontarien.ne.s perçoivent souvent les anglophones comme étant des menaces à leur survie, mais ne prennent pas en compte que la discrimination entre les francophones eux.elles-mêmes est tout autant dangereuse.
Le thème de la Journée internationale de la francophonie de cette année est « 321 millions de francophones, des milliards de contenus culturels ». Il est temps que la communauté franco-ontarienne embrasse cette diversité culturelle francophone.
Efforts notables
Il existe tout de même quelques associations qui tentent de changer les choses, et qui y arrivent fièrement. Prenons par exemple l’Association des communautés francophones d’Ottawa (ACFO), qui met sur place des activités et des ressources qui servent justement à inclure les nouveaux.elles immigrant.e.s francophones dans la capitale nationale.
C’est en reconnaissant la diversité qui continue d’émerger dans la communauté francophone ottavienne que des organismes comme l’ACFO arrivent à faire perdurer l’identité franco-ontarienne.
La diversité de la francophonie est ce qui la rend si riche. Il est possible de célébrer son identité francophone tout en célébrant celle des autres : c’est si nous faisons le contraire que nous allons disparaître.