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Éditorial

Un petit pas pour la mairie, un grand pas pour la francophonie ?

Rédaction
31 octobre 2022

Crédit visuel : Nicholas Monette – Directeur artistique 

Éditorial rédigé par le comité de rédaction de La Rotonde

Le verdict est rendu : après plusieurs semaines de campagne électorale, Mark Sutcliffe a été déclaré nouveau maire de la ville d’Ottawa le 24 octobre dernier. Avec plus de 51 % des voix – ce qui représente plus de 160 000 habitant.e.s – l’ancien journaliste et entrepreneur a remporté les élections contre Catherine McKenney (37 % des votes), Bob Chiarelli (5 % des votes) et 11 autres canditat.e.s.

Si la course a été serrée lors des jours précédant la soirée des élections, c’est vers la toute fin de la campagne que Sutcliffe a pu se mettre en avant face à McKenney. Il n’est pas surprenant que Sutcliffe, en tant que centriste soutenu par plusieurs conservateur.ice.s et par une grande partie de la francophonie, soit devenu le successeur de Jim Watson.

Watson 2.0

Un successeur en bonne et due forme, puisque la plateforme de Sutcliffe se rapproche drôlement de celle de Watson, qui a œuvré pendant plus de 13 ans en tant que maire d’Ottawa et dont le mandat a surtout été marqué par l’échec retentissant du train léger.

Si McKenney proposait une vraie rupture quant aux politiques municipales – iel avait effectivement une vision progressiste pour le futur de la ville – Sutcliffe, quant à lui, semble plutôt viser pour le maintien du statu quo. Alors que McKenney proposait, entre autres, de rendre les transports en commun et les logements plus accessibles et plus abordables, de créer un réseau de pistes cyclables à travers la ville et de bâtir une ville plus verte, les promesses de Sutcliffe concernent surtout les intérêts privés, visent à continuer l’expansion du train léger et à renforcer le financement de la police. Watson, sors de ce corps !

Le maintien du statu quo comme le propose Sutcliffe n’est pas une mauvaise chose en soi. Mais, pour qu’Ottawa devienne, comme le voudrait Sutcliffe, un leader en matière d’environnement et de sécurité, ce n’est peut-être pas en continuant le projet de Watson que nous allons y arriver. Il est bien beau de planter des arbres, d’installer plus de bornes de recharge pour véhicules électriques et plus de caméras de sécurité, mais est-ce vraiment suffisant ?

De fait, selon certain.e.s, ses projets en matière de sécurité et de financement de la police risquent de créer plus de mal que de bien. Vous n’aurez, pour le constater, qu’à demander aux personnes marginalisées qui en payeront le prix…

Statu quo pro-franco

Ce qui distingue vraiment Sutcliffe des autres candidat.e.s, et ce qui, selon nous, compense presque – mais pas tout à fait – son manque d’innovation et ses politiques douteuses, c’est son engagement envers la francophonie. En étant le seul candidat qui parle l’anglais et le français et dont tous les communiqués lors de la campagne électorale étaient à la fois bilingues et écrits correctement, Sutcliffe s’est taillé une place importante au cœur de la communauté francophone de la ville. Les résultats des élections le démontrent bien. Il a d’ailleurs été endossé par plusieurs personnalités proéminentes de la francophonie ontarienne, dont Ronald Caza, figure de proue du mouvement S.O.S. Monfort.

Il convient d’ouvrir une parenthèse pour mentionner que le nouveau maire a effectivement déclaré en 2006 dans un article journalistique qu’il faudrait arrêter les subventions offertes au Festival franco-ontarien (FFO). Si cette citation est d’emblée choquante, nous devons admettre que c’est peut-être justement ce dont le FFO, qui est problématique en soi, aurait besoin. Le festival diminue effectivement en participation depuis quelques années… Peut-être que la politique de Sutcliffe lui permettrait de se réinventer en mettant sur scène des artistes locaux.ales, et ainsi de se repopulariser ? 

FFO mis à part, Sutcliffe reconnaît l’importance du bilinguisme dans la capitale nationale. Le nouveau maire convient que son niveau de français n’est pas parfait, mais admet qu’il se considère tout de même comme pleinement bilingue. Dans une entrevue radio chez UniqueFM, Sutcliffe a d’ailleurs partagé que la francophonie a « toujours été importante pour [lui] », sa mère étant francophone et sa famille bilingue. Ainsi, Sutcliffe s’est engagé à « améliorer les services en français et les programmes récréatifs pour les francophones ».

Son plan d’action pour la francophonie à Ottawa, qui s’intitule « Hello, Bonjour », semble prometteur. En plus de proposer des étapes concrètes qui vont permettre à la francophonie ottavienne de prospérer, il affirme que « le bilinguisme à Ottawa est un pilier économique et culturel pour [la] ville et un élément fondamental de notre identité ». Déjà là, c’est mieux que McKenney, qui a refusé d’accorder des entrevues en français et dont la plateforme et les communiqués étaient entièrement en anglais.

Promesses vides ?

Mais, la question se pose : le nouveau maire tient-il réellement les intérêts de la population franco-ontarienne à cœur, ou était-ce simplement une stratégie électorale ?  Cela reste à voir.

Quels que soient les objectifs de ses propositions touchant la francophonie, le fait reste que si le nouveau maire arrive à remplir ses promesses électorales, Ottawa pourrait devenir une vraie force en matière de bilinguisme. Sutcliffe serait alors un véritable porte-parole pour les francophones et les francophiles de la région et un défenseur de nos droits linguistiques.

Il est clair que Sutcliffe n’est pas parfait. Mais, avec un peu de chance, il pourrait réellement faire une différence pour nous, francophones d’Ottawa. Il nous reste à espérer qu’il ne nous oubliera pas une fois son mandat bien enclenché, et que la francophonie ne sera pas délaissée par la nouvelle mairie.

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