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La crise du logement à Ottawa vue par Steve Pomeroy

Dawson Couture
1 août 2022

Crédit visuel : Robbie Palmer – Unsplash

Entrevue réalisée par Dawson Couture – Journaliste

Alors que les étudiant.e.s se préparent à retourner sur le campus, plusieurs redoutent l’idée de devoir faire face à l’augmentation des loyers. Afin d’expliquer la réalité de cette crise du logement sévissant dans la capitale nationale, La Rotonde s’est entretenue avec Steve Pomeroy, directeur de Focus Consulting Inc. et chercheur principal au Centre de recherche et de formation sur le milieu urbain (CRFMU) de l’Université Carleton.

La Rotonde (LR) : Comment expliquez-vous cette crise d’abordabilité des loyers à Ottawa et notamment chez les étudiant.e.s ? 

Steve Pomeroy (SP) : Lorsqu’il y a plus de gens qui viennent chercher un logement et que les nouveaux logements prennent des années à se faire construire, les taux d’inoccupation diminuent et, par conséquent, les prix des loyers augmentent. Cela exerce des pressions à court terme sur le marché, comme nous l’avons constaté entre 2016 et 2019. 

En 2020, la pandémie a forcé le pays à fermer le robinet sur l’immigration et les étudiant.e.s internation.aux.ales. Au total, Ottawa compte environ 70 000 logements à loyer, dont environ la moitié sont normalement occupés par des étudiant.e.s. La pandémie a enlevé beaucoup de pression sur le marché avec le manque d’étudiant.e.s internation.aux.ales et nous avons effectivement vu une légère augmentation des taux d’inoccupation dans les enquêtes d’octobre 2020 et 2021. Maintenant que nous avons rouvert les frontières, nous nous attendons à voir un renouveau de ce type de demande en ville en septembre.

LR : Comment nos gouvernements peuvent-ils rendre les loyers plus abordables pour les étudiant.e.s ?

SP : Je pense que le gouvernement pourrait jouer un rôle important étant donné l’ampleur de l’impact des étudiant.e.s sur les marchés locatifs et le fait qu’ils.elles ont souvent besoin d’appui financier. À Ottawa, il y a deux fois plus de ménages gagnant moins de 30 000 dollars par an que de logements locatifs. Il est clair qu’il y a un décalage et une pénurie absolue de logements à loyer modéré. Cette situation est aggravée par le concept de financiarisation, qui fait que de grandes sociétés de capitaux, et même de petit.e.s particulier.ère.s, viennent acheter des propriétés locatives existantes et augmentent le loyer à leur guise lorsque celles-ci sont libérées. Non seulement nous ne construisons pas de logements abordables, mais nous en perdons avec les promoteur.rice.s qui transforment des propriétés, à la base abordables, pour faire du profit. 

Il existe un réel incitatif à explorer l’expansion significative du développement de logements pour étudiant.e.s construits sur mesure dans le cadre d’un modèle du secteur privé, avec un financement et des incitations favorables du gouvernement. Ce type de logement peut être très lucratif pour les promoteur.rice.s. Sur l’avenue Champlain, par exemple, quatre étudiant.e.s peuvent profiter d’une salle de bain et d’une chambre privée tout en partageant le coin cuisine pour environ 700 à 900 dollars par mois. Ce type de projet aurait un effet de déplacement sur la demande globale de produits bas de gamme.

LR : Le gouvernement Ford a annoncé le mois dernier que les augmentations de loyer pour 2023 seraient plafonnées à 2,5 % pour les locataires actuel.le.s. S’agit-il d’un pas dans la bonne direction ? 

SP : En apparence, il semble que le gouvernement ait essayé d’être juste, l’inflation étant aussi élevée qu’elle l’est. En réalité, le gouvernement conservateur était limité par la législation mise en place par son prédécesseur. Même si elle a déclaré qu’une ligne directrice annuelle devrait être basée sur une formule, l’administration Wynne a institué un pourcentage maximum d’augmentation des loyers de 2,5 %. Ainsi, même si le gouvernement ontarien aime dire qu’il a été gentil avec les locataires, il n’a pas eu le choix.

En ce qui concerne l’effet sur le marché au cours des deux années précédant la pandémie, nous avons vu les loyers augmenter respectivement de 5 et 8 %, alors que la ligne directrice était d’environ 2,1 %. Cela s’explique par le fait que les 18 à 20 % des logements qui changent de locataires chaque année vivent sous un régime du décontrôle de la vacance, où le.la propriétaire peut augmenter le loyer au prix qu’il.elle désire. Ces loyers augmentaient alors de 20 %. On se retrouvait donc avec 20 % des logements qui augmentaient de 20 % et 80 % des logements qui augmentaient de 2 %, pour une moyenne d’environ 8 %. C’est vraiment l’effet de rotation qui a un impact beaucoup plus important sur l’inflation des loyers globaux, plutôt que la directive du gouvernement.

LR : Quels conseils donneriez-vous aux étudiant.e.s qui envisagent de quitter la maison à Ottawa cette année ?

SP : Restez à la maison et étudiez en ligne ! Je suis facétieux, même si cela pourrait certainement fonctionner. C’est un défi, car il n’y a pas beaucoup de logements à loyer modéré. Environ 21 % des achats de l’année dernière ont été effectués par des investisseur.se.s. Il s’agit souvent d’investisseur.se.s spéculatif.ve.s, qui préfèrent louer leurs logements et les revendre pour réaliser un gain. Beaucoup d’entre eux.elles demandent plus de 2000 dollars par mois. Pour un couple d’étudiant.e.s, 1000 dollars par mois, c’est un gros coup.

Je ne vois pas beaucoup de points positifs en termes de baisse des loyers au cours des prochaines années. Le marché va être difficile, à moins que nous ne parvenions à convaincre certain.e.s promoteur.rice.s de commencer rapidement à construire un grand nombre de logements étudiant.e.s. Ce ne sera pas à bon marché, mais cela pourrait ajouter quelques options pour ces dernier.ère.s.

 

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