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élections municipales
Opinions

Atteint d’apathie électorale, le municipal est pourtant primordial

Johan Savoy
11 octobre 2022

Crédit visuel : Nicholas Monette – Directeur artistique

Chronique rédigée par Johan Savoy – Co-rédacteur en chef

Les élections municipales ontariennes se dérouleront le 24 octobre prochain. Avec un taux de participation très faible, notamment à Ottawa, lors des deux dernières échéances, cette joute électorale est de loin la plus boudée par la population. Toutefois, si le spectacle est moins présent qu’au provincial ou au fédéral, l’importance, elle, est de mise.

Les élections municipales de la ville d’Ottawa avaient fait état, en 2014 et en 2018, d’un taux de participation très faible, celui-ci s’élevant respectivement à 39,9 % et  42,2 %. En comparaison avec la dernière élection fédérale (62 % de participation), il va sans dire que la course à la mairie ne déchaîne pas les passions dans la capitale nationale. Pourtant, élire un.e représentant.e de quartier et le.la dirigeant.e de la ville représente certainement la meilleure occasion de faire une différence sur son quotidien, ou du moins, d’en exprimer le souhait.

De la politique concrète

Si les politiques fédérales et provinciales peuvent parfois paraître, pour certain.e.s citoyen.ne.s, déconnectées de leur réalité quotidienne et des enjeux qui les animent, les décisions prises par la ville concernent l’ensemble de ses habitant.e.s. Selon Laura Shantz, candidate au poste de conseiller.ère municipale pour Ottawa-Vanier, chercheuse et professeure à temps partiel à l’Université d’Ottawa, « beaucoup d’enjeux de la vie quotidienne des citoyen.ne.s dépendent du municipal, mais ils.elles n’en comprennent pas l’importance ».

Comment ne pas se sentir concerné.e par l’encadrement des personnes itinérantes, par l’accessibilité des logements, par le coût des transports en commun, par les subventions versées aux initiatives communautaires ou encore par le traitement et l’acheminement des déchets ? Plus généralement, comment ne pas porter importance au choix de l’administration qui aura le plus d’impact sur notre quotidien pour les quatre prochaines années ?

Et quelle ville mieux placée qu’Ottawa pour illustrer cette nécessité de voter ? Par exemple, nombreux.ses sont les résident.e.s à s’être exaspéré.e.s, et à toujours le faire, des dysfonctionnements à répétition du train léger. Si la ville n’est bien évidemment pas la seule responsable de ce fiasco, la gestion du cas lors des dernières années, et la mise en place des moyens de substitutions, elles, relèvent de son autorité.

Souvenons-nous également de la prise en otage de la ville imposée par le Convoi de la « liberté » ; cas qui relevait, à l’origine, de l’autorité municipale et de son institution policière. Ces trois semaines de blocage effectuées par les manifestant.e.s avaient fini par transformer le quotidien des résident.e.s du centre-ville en enfer, et nous avaient même empêché, nous étudiant.e.s, de pouvoir fréquenter notre université. Toutes ces questions n’ont donc rien à voir avec les grands débats théoriques entourant la politique, mais impactent directement notre quotidien. Le choix de l’administration responsable de ces décisions est par conséquent de première importance.

Un système à revoir ?

Toutefois, un tel taux d’abstention ne peut pas uniquement être le résultat d’une indifférence citoyenne à l’égard des politiques locales. Si le discours général tend à affirmer que la population décroche de la politique à tous les niveaux, et surtout les jeunes, certains autres facteurs jouent également un rôle dans cette baisse de participation au fil du temps.

À commencer par le mode de scrutin. À l’image de ses grandes sœurs provinciale et fédérale, l’élection municipale repose sur un mode de scrutin uninominal à un tour, qui déclare élu.e.s les candidat.e.s ayant récolté le plus grand nombre de voix. Une nouvelle fois critiqué lors de la réélection du gouvernement Legault la semaine passée au Québec, celui-ci ne permet pas de traduire la volonté de la majorité de l’électorat et pose donc un problème de représentativité évident. Persuadé.e.s que leur vote ne servira probablement à rien dans le cas où leur choix ne se porterait pas sur les favori.te.s, certain.e.s électeur.ice.s préfèrent ainsi ne pas voter.

Autre problème majeur : le manque de visibilité. Au Canada, la grande majorité des candidat.e.s aux élections municipales ne se présentent pas sous les couleurs des partis politiques et ne bénéficient donc pas de plateformes électorales financées par ceux-ci. Comme l’indique Shantz, la couverture médiatique de l’événement est également bien moindre qu’aux élections fédérales et provinciales : « Il y a [eu] moins de reportages au sujet des enjeux municipaux dans les dernières années ». Ainsi, si les panneaux plantés le long des rues permettent de mettre des visages sur des noms, il est assez difficile de se faire une image précise des candidatures et des enjeux qu’elles défendent.

Concernant la ville d’Ottawa, la chercheuse dénonce par ailleurs l’administration Watson, qui, selon elle, a découragé beaucoup de citoyen.ne.s qui s’impliquaient dans la vie de la ville, et qui sont arrivé.e.s à la conclusion que leurs voix ne comptaient pas. « Si les idées ne viennent pas de Watson, ils.elles ne reçoivent rien », déplore-t-elle. « Après avoir subi quatre ans de ça, il y a beaucoup de gens qui ne s’intéressent plus [à la politique municipale] et ce sera un grand défi pour la prochaine administration de remonter la confiance dans la ville [et ainsi] augmenter la participation civique », déclare-t-elle.

Participation citoyenne et participation électorale

Face à la situation, certain.e.s font le choix de tout simplement ignorer les élections et de s’éloigner de toute participation civique, quelle qu’elle soit. D’autres, en revanche, s’orientent vers une participation citoyenne distincte du processus électoral et participent à la vie publique en rejoignant, par exemple, des associations de quartier.

Si la vie communautaire se veut absolument essentielle à la santé de la ville, en permettant notamment de faire vivre des institutions telles que la Banque alimentaire ou les associations francophones, le vote permet quant à lui d’introniser une administration potentiellement sensible aux appels des habitant.e.s. En ce sens, participation citoyenne et participation électorale ne sont pas nécessairement rivales quand vient le moment de s’impliquer dans la vie publique.

Shantz affirme que les campagnes des candidat.e.s doivent s’assurer d’impliquer davantage de citoyen.ne.s et pas seulement ceux et celles qui le sont déjà. « Il faut qu’on pense à ce qu’on devrait faire pour engager les personnes à faible revenu, les jeunes et les gens qui ne trouvent pas qu’il y a un rôle pour elles et eux dans notre ville », appuie-t-elle. S’il est indéniable que les candidat.e.s, et encore plus les futur.e.s élu.e.s, ont pour devoir de restaurer une certaine confiance dans les institutions et d’assurer une meilleure inclusivité, les citoyen.ne.s, quant à eux.elles, ont celui de s’informer et de prendre conscience que l’élection municipale est peut-être celle qui les concernent le plus.



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