Crédit visuel : Dereck Bassa – Photographe
Article rédigé par Dawson Couture – Journaliste
Depuis les années 70, le recyclage a été présenté comme l’une des solutions principales à l’accumulation de déchets et aux changements climatiques. Cependant, depuis, la production de déchets continue à croître au Canada, année après année. En tant que résident.e de la Ville d’Ottawa et membre de la communauté uottavienne, il est souvent difficile de déterminer l’impact de son triage de déchets d’une perspective plus globale.
Au mois de novembre dernier, le Bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario a révélé que la province épuisera ses espaces d’enfouissement d’ici 11 à 14 années. Bien qu’elle ait souligné la contribution importante des citoyen.n.e.s dans son rapport, Bonnie Lysyk, la vérificatrice générale, affirme que c’est avant tout le secteur industriel, commercial et institutionnel (ICI) qui produit et jette la majorité des déchets dans la province. D’après Lysyk, la responsabilité pour la réduction d’ordures se porte ainsi de plus en plus sur les gouvernements municipaux et les institutions.
Quel bilan sur le campus et dans la ville ?
L’Université d’Ottawa (U d’O) a accepté de relever le défi de réduire son apport de déchets, et ce, avec grand succès. RecycloManie est une compétition entre universités et collèges aux États-Unis et au Canada visant à sensibiliser les populations étudiantes au recyclage et à la réduction de leur appart de déchets. Depuis que l’Université a rejoint le concours il y a plus d’une décennie, elle a remporté dix fois le titre de championne canadienne. Selon Justine Lemoine, coordinatrice de recyclage à l’U d’O, le succès de l’institution peut être attribué « à nos formidables systèmes de recyclage, ainsi que notre panoplie d’options pour apporter de la nourriture ».
L’U d’O offre, en tout, 20 programmes liés au recyclage. Le magasin La Gratuiterie a rouvert ses portes le 1er mars, et le projet C’est Réglé a pu distribuer jusqu’à maintenant plus de 2 600 produits menstruels recyclables, d’après Lemoine. Ces initiatives ont contribué à un taux de réacheminement de déchets (la quantité de déchets détournés des sites d’enfouissement) qui, selon elle, augmente annuellement et dépasse aujourd’hui 60 %. « C’est un très bon signe », affirme-t-elle.
La pandémie a posé de nombreux défis, tant pour l’U d’O que pour la Ville d’Ottawa. Sur le campus, Lemoine et son équipe ont pu faire face à la nouvelle situation sanitaire en mettant en place un programme de recyclage pour les équipements de protection personnels. Shelley McDonald, directrice des Services de la gestion des déchets solides à la Ville d’Ottawa, avance que son équipe a constaté une hausse de 11,5 % de la quantité de matières recyclables en zone résidentielle lors de la pandémie. Elle annonce que la Ville prévoit réaliser une analyse des tendances du recyclage « afin de mieux déterminer si ce que nous constatons aujourd’hui est le signe de tendances à long terme ».
Trouver un système de recyclage efficace
L’essentiel pour un programme de recyclage efficace, selon Lemoine, est la sensibilisation. Elle mentionne notamment que l’accès aux stations de tri, la facilité de lire les affiches, la variété d’options ainsi que l’implication des étudiant.e.s aux initiatives sur le campus ont rapproché le Bureau du développement durable de son objectif d’obtenir un campus sans déchets d’ici l’année 2050.
Lemoine suggère ainsi à la Ville d’améliorer sa communication avec le.la citoyen.n.e moyen.n.e pour sensibiliser et promouvoir davantage l’habitude de recycler. La Ville devrait aussi, selon elle, établir des programmes de compostage dans les édifices à plusieurs unités, afin d’améliorer le taux de réacheminement de déchets.
Lysyk souligne toutefois que la clé pour atteindre les objectifs de la province et éviter la pénurie imminente de décharges est d’améliorer la gestion des déchets spécifiquement dans le secteur ICI. Dans son rapport, elle interpelle la province à évaluer les frais d’enfouissement et à considérer l’interdiction d’enfouissement comme une solution potentielle.
Recyclage et éco-responsabilité
Lemoine constate que l’U d’O est sur la bonne voie. Elle souligne que le Bureau du développement durable évalue chaque année les types de déchets qui peuvent être réduits, ce qui lui permet de mettre en place des initiatives pour les réduire, en partenariat avec des groupes indépendants sur le campus. Le poste de Lemoine est d’ailleurs consacré pleinement au recyclage et à la réduction des déchets sur le campus.
La coordinatrice admet tout de même qu’il y a une marge d’amélioration. Elle mentionne que les produits vendus sur le campus, les contenants « à emporter » et le recyclage dans les résidences sont tous des domaines où il existe toujours des lacunes. Comme c’est le cas pour plusieurs autres entreprises, Lemoine confirme que les décisions du Bureau sont contraintes par sa capacité de démontrer un épargnant d’argent à long terme.
Ce souci du coût est l’une des motivations derrière le nouveau Règlement sur la boîte bleue, déposé par le gouvernement de l’Ontario l’an dernier. Dans le cadre de ce projet, censé prendre effet le 1er juillet 2023, McDonald confirme que le programme de recyclage des boîtes bleues passera d’une responsabilité partagée avec les municipalités à un cadre de responsabilité individuelle des producteur.ice.s. Ces dernier.ère.s seront dès lors entièrement responsables de la collecte et de la gestion des produits destinés aux boîtes bleues, insiste-t-elle. Le règlement élargit également la liste des matières recueillies dans les boîtes bleues, ainsi que la liste des établissements et des espaces concernés.
Selon l’audit, ce régime ne sera toutefois pas étendu à la majorité du secteur ICI en Ontario, à quelques exceptions près, alors même que celui-ci produit 60 à 70 % des déchets totaux à Ottawa. La vérificatrice générale ajoute que la quantité accrue de déchets réacheminés du secteur ICI grâce à cette initiative sera « relativement faible ».