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Arts et culture

Rio ou l’art de vivre

Lucy Malaizé
29 février 2024

Crédit visuel : Nisrine Abou Abdellah — Directrice Artistique

Carnet de voyage rédigé par Lucy Malaizé — Cheffe du pupitre Sports et bien-être

« Rio est la seule grande ville de l’univers où le simple fait d’exister est un véritable bonheur », témoigne Blaise Cendrars, à la suite de ses missions de reportage au XXe siècle. J’accorde mes violons avec l’écrivain de L’Or, car découvrir le Brésil, et plus particulièrement Rio, a été un ravissement de chaque instant, nourri de fêtes et de flâneries. 

Partie d’Ottawa à six heures du matin le 13 février sous une température d’un degré, je suis arrivée au Brésil le lendemain avec pas moins de 25 degrés supplémentaires. À Sao Paulo, je réalise seulement les conséquences de ne pas parler un mot de portugais.

Je pense d’abord avoir payé une fortune pour un jus et un croissant, ignorant le taux de change des dollars canadiens vers les réaux brésiliens (1 CAD = 3,65 BRL). J’utilise Google Traduction pour comprendre les conseils conférés par ma voisine brésilienne dans l’avion et les instructions de mon chauffeur de taxi qui me fait descendre au beau milieu du trafic, à cause des bouchons.

À travers les vitres de mon bus, le paysage défile et le Brésil se dévoile. Entre verdure, scooters, habitations colorées, je sens immédiatement que je vais aimer ce pays. Grande amoureuse de Saigon au Vietnam, j’aime les villes qui ne dorment pas, où les scooters défilent jour et nuit, où la « street food » est partout et où les gens se baladent en sandales. En plus de remplir ces critères, il m’apparaît bientôt un autre aspect de Rio : la quasi-omniprésence de la musique et de la danse.

Fêter la nuit

À Rio, je vis une soirée rocambolesque à Pedra do Sal, où je découvre le bonheur de danser sur de la musique « live », jusqu’à ne plus sentir ses jambes, au gré de caïpirinhas qui coûtent l’équivalent de deux dollars. Faire la fête à Rio est un art à part entière et la joie de vivre des Cariocas — habitant.e.s de Rio — est communicative.

À peine remise de cette soirée, c’est l’heure pour moi de découvrir un évènement dont je n’osais que rêver : le fameux Carnaval de Rio. Institution relativement récente née de la rencontre de la culture africaine et portugaise, le Carnaval se déroule sur une semaine en février et s’achève le samedi 17 par la Parade des champions. Cet occasion met à l’honneur les six écoles de samba finalistes du Carnaval, avec près de 200 000 spectateur.rice.s chaque année. Dans le Sambadrome, lieu culte de Rio, je regrette de n’avoir que deux yeux pour accueillir l’opulence de toutes les prestations. Bien heureuse de ne pas avoir préparé ce voyage pour un sou, je pars assister à ce défilé ne sachant absolument pas à quoi m’attendre, et ce à quoi j’assiste me laisse sans voix, dès les premières secondes.

Dans l’allée du Sambadrome défilent des chars plus grandioses les uns que les autres. Les danseur.euse.s, dans des costumes époustouflants, encadrent ou surmontent ces installations, sans jamais arrêter leurs mouvements. Serpents, lions, déesses de la terre et du soleil, faune, flore, astronomie ; tous les thèmes, couleurs, textures, motifs imaginables sont présents. Sous un fond musical qui retentit pendant plus de dix heures, les spectateur.rice.s dansent dans les gradins en symbiose avec les performeur.euse.s.

Mes jambes me lâchent et la fatigue me gagne au moment du lever du soleil et de l’apparition de l’école gagnante, mais je tiens bon, motivée par des grands-mères brésiliennes que je vois continuer à danser, malgré l’attente interminable. Je me félicite d’avoir tenu bon, tant ce spectacle est un évènement à vivre au moins une fois dans sa vie.

Flâner le jour

En sortant de cet enchantement, à la lumière du jour, la réalité me rattrape cependant. La pauvreté est présente à Rio et les disparités sociales, bien qu’à mon sens, moins violentes que dans d’autres pays, se font ressentir en dépit de l’immense défoulement collectif qu’incarne la semaine du carnaval.

Après son chapeau à paillettes de vie nocturne, je découvre Rio sous son chapelet de quartiers aux identités bien distinctes. Où que je sois, j’aperçois au loin la silhouette rassurante du Corcovado, qui semble veiller sur cette ville si bouillonnante, d’un œil pourtant serein.

Sur un scooter en direction de la plage de Flamingo, la sensation de liberté l’emporte sur la peur de me faire percuter tandis que mon conducteur slalome avec élégance dans le trafic continu de Rio. Sur la plage, je déguste une Feijoada en compagnie du Corcovado qui me fait dos et du Mont du Pain de sucre face à moi. Je croise le chemin d’une tortue dans la mer et je m’endors le soir, la tête pleine de rêves.

Après une escapade de deux jours à Ilha Grande, île paradisiaque à quelques kilomètres de Rio qui mériterait un autre carnet de voyage, je dois faire mes au revoir à cette ville fabuleuse. Derniers paos de queijo, derniers pieds dans l’eau, dernières caïpirinhas, dernières piqûres de moustique et derniers instants de déambulation dans la Cidade Maravilhosa où j’ai oublié la sensation de froid.

Dans le bus en direction de Sao Paulo, première étape de mon long périple de retour jusqu’à Ottawa, j’essaye de digérer ce que j’ai vu de ce pays en une dizaine de jours. En plus de la certitude de vouloir y retourner, le Brésil m’a confortée dans ce que j’aimais vivre, ressentir et partager avec les autres.

Rio est une ville qui pulse, danse, chante et célèbre le jour comme la nuit, le bonheur d’être en vie.

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