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Itinérance
Éditorial

Réclamons le droit à la vie

Rédaction
20 novembre 2023

Crédit visuel : Nisrine Abou Abdellah — Directrice artistique

Éditorial rédigé par le comité de rédaction de La Rotonde

Tous.tes les Canadien.ne.s ont les mêmes droits, mais certain.e.s en ont plus que d’autres. Cette contradiction peut sembler absurde dans un pays démocratique comme le Canada où la Charte et l’État providence garantiraient notre sécurité. Pourtant, nous ne devrions pas attendre les moments de crise pour réaliser que nos droits ne sont pas inaliénables. Pour arrêter les engrenages de l’itinérance, des changements radicaux sont à l’ordre du jour.

Dans notre société, en particulier à Ottawa, nous nous sommes égaré.e.s du chemin de la solidarité pour embrasser l’individualisme, oubliant ainsi le véritable sens du mot « communauté ». Les gouvernements ne devraient pas se défaire de leurs responsabilités en obligeant les organismes à but non lucratif à combler le vide, en mettant sur pied plus de programmes à court terme pour masquer les problèmes systémiques ou en laissant les intervenant.e.s en santé souffrir d’un manque de main-d’œuvre chronique.

À l’heure actuelle, certains de nos droits fondamentaux ne sont pas reconnus par la loi suprême de notre pays. En étant signataire de la Déclaration universelle des droits de la personne, le Canada a néanmoins convenu que : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires… ». Bien qu’il y ait eu quelques progrès sur le plan juridique, il est peu probable que l’on puisse réaliser des avancées significatives sur le plan de l’itinérance sans soutien démocratique pour ces droits sociaux.

Réclamons le droit au logement

Ottawa n’était pas toujours le lieu de mendicité désespérée, de crises de santé mentale et d’overdoses. L’itinérance a émergé comme « problème social » dans les années 80 en raison des mesures d’austérité gouvernementales et le transfert de la responsabilité pour la construction de logements abordables du fédéral au provincial. Nous conservons néanmoins cette mentalité néolibérale que l’individu plutôt que la communauté est pleinement responsable de son bien-être.

Le fait que l’itinérance peut être situationnelle, cyclique ou chronique signale que les gens peuvent facilement glisser vers le sans-abrisme sans pour autant avoir les moyens de s’en sortir de manière permanente. Le cycle de l’itinérance est bien connu et notoirement difficile à surmonter, surtout avec un manque d’accès à des logements abordables. Et non, les campements ne comptent pas, M. Sutcliffe, surtout lorsque l’hiver est à l’horizon. Une trêve hivernale est d’ailleurs nécessaire.

Or, la construction de nouveaux logements n’est pas une évidence, là où elle se heurte à des restrictions en matière de lois de zonage et de questions liées aux taxes foncières. Le gouvernement fédéral peut et doit menacer de couper le financement aux provinces qui n’utilisent pas leur pouvoir sur les municipalités pour modifier cette réglementation excessive. La Commission ontarienne des droits de la personne plaide également pour la mise en place d’une stratégie nationale en matière de logement et à l’intégration des « droits relatifs au logement dans les stratégies globales et coordonnées de réduction de la pauvreté ».

Nous sommes tous.tes conscient.e.s que le problème a été déplacé à tort vers les étudiant.e.s internationaux.ales. Et pourtant, cette population est elle-même confrontée au manque de logements abordables, et parfois l’inévitable dilemme entre payer son loyer ou ses épiceries. Avec les frais de scolarité excessifs imposés aux étudiant.e.s de l’Université d’Ottawa (l’U d’O), il ne faut pas s’étonner que certain.e.s participent à des conférences pour pouvoir se nourrir. L’U d’O, et surtout la province, ne pourraient-elles pas garantir le logement, voire la scolarité, comme c’est le cas dans d’autres pays occidentaux ?

Réclamons le droit à la santé

Si le phénomène de l’itinérance peut toucher des individus issus de tous les niveaux d’éducation et de statuts socioéconomiques, le bafouement systémique des droits chez certains groupes marginalisés ne peut être négligé. Alors qu’à Toronto, plus d’un tiers des jeunes sans-abri disait appartenir à la communauté 2ELGBTQI+, environ un tiers de la population itinérante à Ottawa s’identifie comme autochtone en octobre 2021. Ceux.celles-ci ont alors été confronté.e.s à un système qui n’est pas en mesure de répondre à leurs besoins en matière de soins physiques, mentaux, socioculturels ou spirituels.

C’est surtout le cas en ce qui concerne le défi majeur de notre temps : la crise des opioïdes. Il est impossible d’échapper aux effets dévastateurs qu’elle a eus sur notre communauté, notamment sur l’intensification de l’itinérance. En raison de la stigmatisation et de la critique sociale concernant les troubles liés à la consommation d’opioïdes et les possibilités de traitement, les politiques et programmes sont non systématiques, partiels, réactifs ou absents. Une étude récente en Ontario révèle une surreprésentation des personnes en situation d’itinérance parmi les décès liés aux opioïdes, soulignant le besoin urgent d’investir dans des ressources communautaires et de renforcer l’accessibilité des services de santé mentale.

Au sein de la population itinérante, les taux de maladies mentales atteignent jusqu’à 50 %, alors que l’accès limité à des services de santé mentale ne fait qu’aggraver leurs défis. Le manque de ressources mène à un environnement toxique pour les travailleur.euse.s sociaux.ales qui sont sous-payé.e.s : le mouvement continu du personnel est alors inévitable. Les gouvernements ont une obligation morale d’investir dans ce domaine afin de garantir des services fiables et adaptés.

Si cela semble coûteux ou non mérité, rappelons-nous que les personnes en situation d’itinérance sont vous et nous. Une fois que nous aurons réalisé que nous pouvons tous.tes nous retrouver dans de telles circonstances, que ce problème est communautaire, la compassion radicale devient la réponse naturelle. Cela veut aussi dire que nous devons voter en ce sens et tenir nos gouvernements responsables, ainsi que déconstruire nos propres préjugés.

Nos droits ne sont pas déraisonnables, ils garantissent le minimum vital pour survivre. Et pourtant, notre gouvernement municipal est prêt à dépenser 419 millions de dollars sur un projet de développement du parc Lansdowne, avec une promesse timide de construire des logements abordables, tout en ne voulant consacrer que 33,5 millions de dollars en 2024 à la lutte contre le sans-abrisme. Quel manque de compassion et décalage avec la réalité ! Il est temps de tenir nos gouvernements responsables et de s’opposer aux projets qui privilégient l’avarice au détriment des droits de nos concitoyen.ne.s.

Voici quelques ressources pour savoir mieux protéger et promouvoir les droits des personnes en situation d’itinérance :

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