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Éditorial

Itinérance à Ottawa : détourner le regard ou aider son prochain

Rédaction
3 juillet 2023

Crédit visuel : Archives

Éditorial rédigé par le comité éditorial de La Rotonde

Le crime, la violence et l’itinérance sont en hausse à Ottawa, ou du moins c’est ce que l’on ressent. En se promenant dans le marché By et en traversant la rue Rideau, la rue Elgin, la rue Bank, à Centretown, ou encore à Vanier, la situation des personnes itinérantes semble plus précaire et préoccupante que jamais. Le prix de notre sécurité semble pourtant être étroitement lié à leur insécurité. 

Nous ne pouvons pas nous empêcher de constater l’ironie du système dans lequel on se retrouve lorsque l’on lève la tête et que l’on observe les gratte-ciels qui surplombent la ville, tout en abritant de plus en plus de personnes itinérantes dans les crevasses des bâtiments. La crise de l’itinérance, la crise des opioïdes, la crise de l’accessibilité, la crise de la santé mentale, la crise du logement…. Pour un système qui se dit stable, l’alarme retentit souvent et bruyamment !

Il y a à peine une semaine, la Ville d’Ottawa a approuvé un plan de 2 millions de dollars pour s’attaquer à la crise des sans-abris. Le plan suit l’annonce plus tôt cette année qu’Ottawa recevrait moins d’un million de dollars du gouvernement provincial pour combattre l’itinérance. Pendant que les deux niveaux de gouvernement se disputent au sujet de la discipline fiscale, les projets de ces derniers n’abordent aucunement les problèmes systémiques qui causent la précarité des citoyen.ne.s.

À première vue

Que l’on soit nouveau à Ottawa ou Ottavien.ne de naissance, il est impossible de ne pas constater que la situation des personnes sans-abris est inacceptable. Plusieurs étudiant.e.s internationaux.les sont angoissé par une réalité qu’ils.elles jugent ne pas en théorie exister dans un pays « développé et riche » comme le Canada. Pour la population étudiante plus généralement, les insécurités auxquelles font face leurs concitoyen.ne.s perpétuent un sentiment d’insécurité généralisée qui influence le quotidien des étudiant.e.s. 

Selon les derniers recensements, le taux d’itinérance continue à s’accroître année après année. De 2021 à 2022, l’itinérance chronique, une situation dans laquelle les personnes n’ont pas occupé de logement depuis une longue période, a augmenté de 15 % chez les hommes adultes seuls et 23 % chez les femmes adultes seules. La jeunesse a été particulièrement touchée ; selon l’Alliance to End Homelessness Ottawa, 20 % des individus itinérants en 2023 sont des jeunes. 

De la même manière, le taux de criminalité a augmenté de manière significative au centre-ville. Les statistiques montrent une augmentation de 18 % des crimes signalés à Ottawa en 2022, et une augmentation de 6 % des crimes violents. Depuis le début de l’année 2023, il y a d’ailleurs eu plus d’une fusillade par semaine dans la capitale nationale, soit 30 % de plus que l’année dernière. 

C’est presque instinctif d’associer les deux séries de statistiques ensemble afin d’expliquer l’insécurité que nous ressentons dans les quartiers d’Ottawa. Mais, si nous percevons tous les problèmes comme étant des clous, le marteau va toujours nous paraître comme étant la seule et meilleure solution. Le gouvernement de Sutcliffe nous offre la police comme protection tangible sans pour autant s’attaquer aux racines du problème. 

Décriminalisation et réhabilitation

Le budget de la police a bénéficié d’une augmentation au mois de mars, et ce, avec très peu de consultations publiques. Dans le meilleur des cas, la présence policière offre des « solutions pansements » aux inquiétudes physiques des citoyen.ne.s. Dans le pire des cas, elle ne fait qu’exacerber les crises existantes et renforcer l’état de vulnérabilité des populations itinérantes. 

En réalité, les problèmes de santé mentale sont souvent à l’origine de l’itinérance. Les personnes sans-abris sont souvent expulsées de chez elles, incapables de prendre soin d’elles-mêmes, dépendantes ou des victimes d’abus. Il nous semble donc évident que les ressources de la Ville et des intervenant.e.s dans le domaine doivent être redirigées vers le système de santé et réhabilitation. 

En ce qui concerne la consommation de drogues, en quoi cela a-t-il un sens de punir des personnes dépendantes ? Les addictions sont réelles et il est temps de se concentrer sur la décriminalisation des drogues dures ou de travailler sur la création de traitements accessibles à la population. Dorénavant, les consommateur.ice.s pourraient être convoqué.e.s par un panel de dissuasion, plutôt qu’un tribunal, afin de décider de fermer leur dossier, imposer des travaux communautaires ou une amende, ou recommander des traitements. Suivons l’exemple de la Colombie-Britannique

Où sont les logements abordables ?

Si en 2022, 11,000 personnes cherchaient un logement abordable à Ottawa en 2022, on peut en conclure que la crise du logement n’a aucune pitié. Les refuges, censés être des logements temporaires pour les personnes itinérantes, débordent actuellement. En guise de solutions permanentes et significatives, la Ville utilise des centres communautaires, des hôtels et des résidences étudiantes…. Quelle est la prochaine étape ? Réduire la taille des lits ?

Pour maintenir la confiance des plus hauts échelons de la société, nos politicien.ne.s se fient toujours à des solutions fondées sur le marché, quelles que soient leurs lacunes. L’itinérance est sans doute à l’extrémité du marché du logement dysfonctionnel au Canada, que nous avons laissé en grande partie dans le domaine du marché privé, créant un énorme fossé entre ceux qui peuvent se payer un logement et ceux qui tombent aux marges du système. 

Dans les pays qui s’occupent du bien-être de tou.te.s leurs citoyen.ne.s, le logement est garanti aux citoyen.ne.s peu importe leur situation. Ces dernier.ère.s ont besoin d’un lieu de vie décent et sûr avant de pouvoir commencer le long chemin pour stabiliser leur vie, améliorer leur santé, réduire les comportements nuisibles et augmenter leurs revenus. Comme nous le rappelle Nelson Mandela : « Une nation ne doit pas être jugée selon la manière dont elle traite ses citoyens les plus éminents, mais ses citoyens les plus faibles. »

Et donc, pourquoi ne pas penser à faire du bénévolat pour remédier aux lacunes du système en place ? Des organismes comme les Bergers de l’Espoir, l’armée du Salut et The Ottawa Mission ont constamment besoin de bénévoles pour préparer et servir de la nourriture. Nous ne pouvons pas de notre bord critiquer la gestion gouvernementale des crises sans pour autant mettre de l’effort individuel pour soutenir les personnes en besoin.

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