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Éditorial

Illusions et gentrification : le cas d’Ottawa

Rédaction
23 janvier 2023

Crédit visuel : Pexels

 Éditorial rédigé par le comité éditorial de La Rotonde

Le printemps prochain marquera la fin d’une époque : le McDonald’s du centre-ville d’Ottawa, situé au 99 rue Rideau, fermera ses portes pour de bon. L’annonce de la fermeture de cette institution réjouie certain.e.s résident.e.s de la ville et en choque autant d’autres : cette nouvelle élucide cependant aux yeux de tou.te.s un plus grand débat sur la gentrification de la capitale nationale. 

Il convient d’abord d’expliquer le concept de gentrification – ou d’embourgeoisement – avant de se lancer dans le vif du sujet. Le processus de gentrification vise les espaces dits « populaires » et désigne les transformations sociales et matérielles que ces derniers subissent dans le but de diminuer leur pauvreté et de mousser leur économie.

La région d’Ottawa-Vanier n’est que trop familière avec ce processus. De fait, la fermeture du McDonald’s sur Rideau s’ajoute à de nombreuses autres manifestations de la gentrification de la ville. Le projet de construction d’un refuge de l’Armée du Salut dans Vanier, qui a été proposé il y a quelques années déjà, ou la fermeture de la rue Wellington, sont d’autres exemples de gentrification à Ottawa qui suscitent de grands questionnements.

Ottawa-Vanier en transformation 

L’initiative du projet de l’Armée du Salut a reçu le feu vert du comité de l’urbanisme de la Ville d’Ottawa, mais le débat concernant son existence et sa raison d’être bat effectivement de plein fouet depuis quelques jours.

En ayant pour but de construire un refuge pour personnes sans domicile fixe (SDF) dans le centre de Vanier, les meneur.se.s de l’initiative cherchent, en gros, à « nettoyer » le centre-ville d’Ottawa et à se débarrasser de ses « déchets ». Vous l’aurez compris, les « déchets » font ici référence aux personnes sans-abris, aux utilisateur.ice.s de drogues, aux personnes marginalisées… Nous y reviendrons.

 Ce n’est que du même avec la clôture du McDonald’s. La fermeture de cet établissement de restauration rapide, qui est surtout connu dans les médias pour les activités criminelles qui y ont lieu, s’inscrit en plein cœur au projet de « nettoyage » que semble avoir adopté la Ville.

Solutions possibles ?  

À première vue, ces projets ne semblent pas être complètement négatifs. La fermeture du McDonald’s de Rideau, celle de la rue Wellington ainsi que la construction d’un refuge pour personnes SDF ont tout de même un apport positif important. Les personnes responsables de ces fermetures et de ces projets affirment en effet que la ville verra, entre autres, une baisse de criminalité et qu’elle sera plus alléchante pour les touristes et les piéton.ne.s.

 Il est peut-être vrai que ces projets pourront effectivement rendre la ville plus sécuritaire. Nous pourrons probablement assister, avec la fermeture du McDonald’s, à une baisse d’utilisation de drogues – du moins, l’utilisation de drogues sera moins visible au public. Nous verrons également la création de plus d’espaces propices à la marche avec la fermeture officielle de la rue Wellington, qui est fermée depuis le Convoi de la liberté pour des raisons de sécurité. Idéalement, le refuge répondrait à certaines demandes des personnes en situation d’addiction ou d’itinérance.

Mais, la question se pose : ces initiatives ne sont-elles que des « pansements » aux problèmes réels ? Il semblerait que oui, étant donné que ces « solutions » ne bénéficient qu’au public général, et non aux personnes dans le besoin.

À la croisée des chemins

Nous nous retrouvons donc devant un dilemme qui nous force à faire face aux conséquences négatives qui découleront de ces projets et fermetures. Malgré les quelques points positifs qui s’y rattachent, il reste que ces initiatives n’aideront pas, à elles seules, les personnes dans le besoin à s’en sortir.

C’est d’ailleurs ce qu’affirment les membres du groupe S.O.S Vanier, qui s’opposent vocalement à la construction du refuge. D’après eux.elles, il ne semble pas y avoir de plan logique derrière ce projet de construction. À quoi bon construire un autre refuge et rajouter des services dans Vanier, alors qu’il en existe déjà et qu’aucune avancée n’a été faite ? Mathieu Fleury, ancien conseiller municipal de Rideau-Vanier, mentionne d’ailleurs que plusieurs services pour personnes dans le besoin sont déjà offerts dans Vanier et que le projet de construction du refuge ne fait que les dédoubler. Dans un monde idéal – ou utopique ? –, il faudrait plutôt éparpiller ces services et explorer plus sérieusement la question des logements abordables, de sorte à éviter les problèmes auxquels nous nous confrontons déjà.

En refusant d’écouter les critiques et la parole des personnes SDF elles-mêmes, dont les avis face à la construction du refuge sont plutôt mitigés, les responsables du projet et ceux.celles qui l’endossent rendent leurs intentions claires : d’après eux.elles, l’embellissement du centre-ville semble être plus important que la qualité de vie de ces citoyen.ne.s.

 Encore une fois, c’est aussi le cas de la fermeture du McDonald’s de la rue Rideau. Cette « solution » ne mettra pas fin à la criminalité : les activités criminelles qui y ont lieu reprendront ailleurs une fois que l’établissement fermera ses portes. La fermeture était longtemps due, certes, mais le simple fait de déplacer le problème n’est pas une solution durable. Il s’agit plutôt d’une maigre tentative de se débarrasser des personnes marginalisées et en situation d’itinérance qui « menacent » le centre-ville.

Une chose est claire : ces initiatives de gentrification ne règleront pas le problème, elles ne feront que le diffuser.

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