Inscrire un terme

Retour
Actualités

L’égalité des langues officielles du Canada : une ambition idéaliste ?

Hai Huong Le Vu
19 mars 2024

Crédit visuel : Jürgen Hoth — Photographe

Article rédigé par Hai Huong Le Vu — Journaliste

Le 7 mars dernier, le Centre de recherche sur les francophonies canadiennes (CRCCF) a animé une table ronde intitulée « Langues officielles du Canada : le français à la recherche de l’égalité réelle ». Cette rencontre a réuni des expert.e.s en histoire, en droit et en politique au pavillon Simard de l’Université d’Ottawa (U d’O).

La conférence a débuté par un résumé donné par Chris Casimiro, avocat chez Juristes Power, de l’histoire da la Loi qui est venue modifier la Loi sur les langues officielles (C-13). Ce dernier a souligné qu’en 1969, le français et l’anglais étaient reconnus juridiquement comme les langues officielles du Canada par la Loi sur les langues officielles (LLO). Il a poursuivi avec la réforme de 1988 visant à protéger et promouvoir l’anglais et le français dans les contextes minoritaires.

La loi C-13 et ses avancées

À la suite de l’arrivée au pouvoir de Justin Trudeau, son gouvernement a présenté le projet de loi C-13, qui comportait au moins 200 amendements déposés par divers intervenant.e.s, a informé Casimiro. D’après lui, celui-ci visait à actualiser davantage la LLO dans le but d’atteindre l’égalité « réelle » entre les langues.

Isabelle Hardy, avocate pour le Commissariat aux langues officielles, a discuté de la partie VII de la LLO modernisée. Depuis son adoption, les institutions nationales ne peuvent plus prendre de décisions, élaborer de programmes ou de politiques sans tenir compte des minorités linguistiques et évaluer leurs conséquences sur elles, a-t-elle présenté.

Hardy a renchéri en mettant en évidence l’engagement fédéral vis-à-vis de l’éducation en français dans les provinces. Elle a notamment mentionné l’article 41(3) de la LLO modernisée et l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Selon elle, ces engagements démontrent que le gouvernement souhaite le continuum d’apprentissage en français pour les élèves issu.e.s de minorités linguistiques, du préscolaire jusqu’à l’enseignement supérieur.

Francophonie invisible aux anglophones

Stéphanie Chouinard, professeure en science politique à l’Université Queen’s, a révélé que son département comparait des curriculums d’histoire et de sciences sociales dans les établissements franco-ontariens et anglo-ontariens. Pour la professeure, l’Ontario est en route de recréer les Deux solitudes. Les jeunes anglophones ne connaissent pas le Règlement 17, alors que les écoles francophones informent leurs élèves de ce qu’il s’agit, a-t-elle développé.

Valérie Lapointe-Gagnon, professeure agrégée d’histoire de l’Université de l’Alberta, a raconté son expérience avec ses étudiant.e.s en immersion française. Elle a décrit que ces derniers ne pouvaient pas cacher leur étonnement en apprenant le passé des populations franco-canadiennes. Elle a affirmé qu’ils.elles se sont interrogé.e.s sur la raison pour laquelle on ne leur a jamais enseigné cela.

Afin d’assurer la vitalité des minorités dans le milieu scolaire, Casimiro a affirmé que le gouvernement trudeauiste envoie « beaucoup » de fonds aux provinces pour subventionner l’éducation dans la langue minoritaire.

La mise en œuvre de la LLO, une faiblesse administrative

L’avocate au Commissariat aux langues officielles a développé qu’il existe généralement des obstacles à la mise en œuvre des engagements cherchant l’équilibre de l’anglais et du français par les dirigeant.e.s nationaux.ales. Elle a déclaré qu’ils.elles sont « limités au niveau de ce que les institutions fédérales peuvent imposer aux autres juridictions ».

La professeure de science politique a reconnu que la loi C-13 dispose de mesures positives, guidant le secteur public à se battre contre les inégalités linguistiques. Chouinard a été d’avis que la LLO ne possède pas les détails adéquats pour instruire les établissements canadiens à répondre aux besoins des populations minoritaires.

Elle a poursuivi avec l’exemple du mandat de la promotion de l’apprentissage de l’anglais et le français. « L’agence spatiale canadienne [par exemple], qui publie un pamphlet dans les deux langues officielles, va pouvoir nous dire : “On a rempli cette obligation” », a-t-elle expliqué. Elle a conclu que le gouvernement fédéral devrait être vigilant pour que la société canadienne puisse se diriger vers un état linguistiquement égalitaire.

Alors, l’égalité est-elle possible ?

Simon Quirion, étudiant à la maîtrise en histoire, a été présent à cette conférence. Selon lui, la société canadienne ne connaîtra pas l’égalité « absolue » des deux langues. L’étudiant a supposé que l’immigration empêche l’obtention de ce rêve, car il a constaté que les arrivant.e.s ont tendance à apprendre l’anglais, qui est plus « connu » et plus « facile » à étudier que le français.

Également présent à l’évènement, Michel Bock, directeur par intérim du CRCCF, a soutenu qu’« il serait sans doute illusoire de penser qu’on pourra arriver à un rapport de force parfaitement égalitaire entre le français et l’anglais au Canada ». Néanmoins, il a insisté sur le fait que le gouvernement canadien pourrait réduire l’écart de puissance entre les deux langues.

Le 26 mars prochain, le CRCCF prévoit d’organiser à nouveau une table ronde nommée « Préservation et valorisation du patrimoine francophone oral ». Cet évènement aura lieu au bâtiment de la Faculté des sciences sociales de l’U d’O.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire