Le pouvoir de guérison de la danse du cerceau avec Makhena Rankin-Guérin
Crédit visuel : Courtoisie – Michelle Valberg
Entrevue réalisée par Nouha Chaouati – Journaliste
Makhena Katerie Rankin-Guérin, danseuse de cerceau, raconte à La Rotonde son cheminement artistique. Passionnée par sa culture à la fois crie, algonquine et mohawk et de danse ancestrale, elle présente la danse du cerceau sous un angle où l’art et la médecine se rejoignent.
La Rotonde (LR) : Comment définissez-vous votre art ?
Makhena Rankin-Guérin (MRG) : C’est une danse médicinale : la danse du cerceau autochtone est une vieille danse traditionnelle qui utilise les cerceaux pour raconter une histoire. C’est en faisant différentes représentations avec mes cerceaux que je peux venir évoquer des émotions chez les spectateur.ice.s. Ce sont ces émotions qui agissent comme médecine pour le corps, la tête et l’esprit. Les émotions ont beaucoup de pouvoir sur le bien-être d’une personne.
LR : Quelles sont les raisons qui ont motivé votre transition de professionnelle de la santé à danseuse de cerceau ?
MRG : J’ai toujours eu une passion pour le bien-être et la santé. Voilà pourquoi je suis devenue professionnelle de la santé à un jeune âge. Au début de la pandémie, je travaillais dans une résidence pour personnes âgées. Puisque ma mère est immunosupprimée, elle avait peur que je ramène le virus du travail. Elle m’a demandé de soit arrêter de travailler, soit de me trouver un nouvel endroit où vivre. Je ne voulais pas laisser tomber les résident.e.s, donc j’ai demandé à ma patronne si je pouvais avoir une chambre à la résidence en échange de mes heures de bénévolat.
L’édifice au complet était en confinement, seulement le personnel pouvait entrer ou sortir. Les résident.e.s n’étaient pas capables de voir des gens de l’extérieur ni d’avoir du divertissement comme en prépandémie. Je me suis donc portée volontaire pour faire des prestations de danse pour eux.elles.
C’était l’été passé, depuis je ne travaille malheureusement plus là. J’ai dû arrêter parce que je devenais de plus en plus occupée avec ma danse et mon école. Présentement, je suis en train d’étudier pour devenir infirmière.
LR : Selon vous, quel rôle pourrait jouer la danse du cerceau, et l’art en général, dans le processus de guérison des peuples autochtones et de la réconciliation ?
MRG : Pendant le processus de guérison et de réconciliation, on entend beaucoup parler de l’historique négatif… Mais la culture autochtone est tellement plus que ça. C’est une culture de toute beauté, qui est très spirituelle et profonde.
L’art est l’une des manières de démontrer cette beauté et attirer l’attention de ceux.celles qui n’y porteraient pas vraiment attention autrement. C’est une façon de s’exprimer et de faire passer un message. C’est aussi une opportunité pour l’artiste d’avoir une plateforme pour partager quelque chose qui lui tient à cœur, comme le processus de vérité et de réconciliation.
LR : Quel avenir peut-on prévoir pour la danse de cerceau au sein du monde du spectacle ?
MRG : Dernièrement, je vois la danse du cerceau avoir une explosion de popularité. C’est une danse absolument magnifique qui a une place importante au sein de la culture autochtone. Elle a déjà beaucoup évolué au fil du temps. Jusqu’aux années 1950, on pouvait se faire mettre en prison pour la faire. Ici au Canada, la danse a pris beaucoup d’influences du style de danse « hooping », qui est un style de danse avec des cerceaux non autochtones.
Il est très important de respecter l’aspect traditionnel de la danse, mais en mélangeant ces deux styles, nous pouvons créer la danse du cerceau contemporaine. Un style où les danseur.euse.s ont plus de liberté dans les mouvements et dans les choix de chanson. Il est difficile de savoir à quoi ressemble le futur de la danse du cerceau, mais, compte tenu de son évolution dans le passé, je suis certaine qu’elle va continuer d’évoluer en respectant son aspect traditionnel.
LR : Quels sont vos aspirations artistiques et vos projets futurs ?
MRG : J’aimerais être capable de faire ma danse du cerceau à temps plein alors que je suis encore jeune et agile. Je vais donc continuer à me faire un réseau et à pratiquer pour devenir meilleure. J’aimerais un jour commencer à m’inscrire dans des compétitions.
Mon diplôme en sciences infirmières va m’être utile pour le restant de ma vie, mais je n’aurai pas un corps jeune pour toujours. Je vais profiter de mon agilité et de ma vitesse le plus que possible avant de m’embarquer à temps plein dans ma carrière d’infirmière.