Crédit visuel : Chloë Baril-Chassé (photographe), David Beauchemin et Julien Hébert (graphisme)

Entrevue réalisée par Jessica Malutama — Journaliste

À la fin du mois d’octobre dernier, les artistes Klô Pelgag, Joseph Mihalcean et Samuel Gougoux, ont lancé sur la toile un opus inopiné composé de quatre titres intitulé Sieste sur l’oreille droite. Dans un entretien avec La Rotonde, le trio d’ami.e.s est revenu sur le contexte collaboratif de liberté dont a émané la création du microalbum.

La Rotonde (LR) : Qu’est-ce qui a motivé votre désir de collaboration ?

Joseph Mihalcean (JM) : Je travaillais déjà avec Samuel parce qu’il réalise mon prochain album. J’ai croisé Klô dans un restaurant et je suis un fan de ce qu’elle fait, ce n’est pas un secret. *rires* Je suis allée la voir à sa table, puis je lui ai demandé si elle aimerait qu’on fasse de la musique ensemble, et elle a dit oui.

Klô Pelgag (KP) : Pour faire vite, j’avais un peu oublié cette conversation avec Joseph. *rires* Il m’a envoyé par courriel la composition à la guitare du titre « Kiwi », la quatrième chanson du mini album. Je ne savais pas trop ce qu’il voulait que je fasse avec le morceau, mais j’avais envie d’y ajouter des choses. Je dirais que l’embryon du projet a été le plaisir de procéder ainsi et à distance. Joseph et moi, on avait envie d’inviter d’autres personnes dans le processus. Un jour, on a croisé Samuel dans un café et je l’ai trouvé sympathique. Il s’est ajouté au projet par la suite.

LR : Comment s’est déroulé le processus de création ?

JM : C’était un processus épistolaire qui s’est fait en trois temps et dans cet ordre : moi qui envoie une chanson à la guitare, Klô qui réagit de manière substantielle avec l’aspect texte et mélodie, puis Samuel qui rattrape le tout en venant y ajouter sa touche.

À chaque fois que je recevais quelque chose de leur part, j’avais l’impression de déballer un cadeau, parce que je ne voyais pas la musique évoluer en temps réel. C’était le résultat d’un premier jet artistique et j’ai adoré cette façon de travailler.

LR : Beaucoup d’éléments s’enchevêtrent et cohabitent sur le plan sonore. Qu’est-ce qui est venu alimenter vos choix ?

Samuel Gougoux (SG) : Je pense que ta question porte sur les choix des timbres, les éléments électroniques et rythmiques. Les pièces que je recevais fonctionnaient déjà du point de vue de la composition avant même que j’intervienne. Mon travail était avant tout intuitif, interprétatif et il consistait à mettre en évidence les intentions de compositions que je décelais dans les premiers jets.

LR : Les chansons sont un peu comme des sortes de tableaux poétiques, distincts et intimes qui forment un tout uni. Qu’est-ce qui a guidé l’écriture des chansons et les thèmes abordés ?

KP : Je te dirais que c’était différent pour chaque chanson. L’écriture des paroles de chansons est un projet particulier pour moi. Des fois, il peut être difficile d’écrire un texte qui coule et qui provient d’un seul geste. Je préfère quand cela sort vite et naturellement. Pour ce projet, les textes et la mélodie sont venus en même temps et ils se nourrissaient mutuellement.

Crédit visuel : Chloë Baril-Chassé (photographe)

LR : Pensez vous que votre musique permettra à ceux.celles qui l’écoutent ainsi qu’à vous mêmes d’être transporté ailleurs (lieu réel ou fictif) ?

JM : C’est drôle parce que nous discutions de la chose aujourd’hui. Je pense que l’un des défis associés au fait de faire de la musique en 2023-2024, c’est qu’on ne sait pas qui l’écoutera et comment ils.elles l’apprécieront. En règle générale, il plane toujours cette interrogation lorsqu’on lance un disque parce qu’on n’a pas beaucoup de retours sur ce que l’on fait. Ce qui était rafraîchissant avec ce projet, c’est que je ne me suis pas posé de question et j’ai pu suivre mon instinct.

SG : Pour moi, il m’est difficile de me détacher du fait que cette musique est le produit de notre action collective. Quand je l’écoute, je suis ramené à notre collaboration et aux décisions qu’on a prises. Il y a une appréciation nostalgique associée à tout cela.

LR : Qu’est-ce que vous aimeriez transmettre avec Sieste sur l’oreille droite ?

KP : Cela m’a fait du bien de sortir un projet simple à l’écart du cadre habituel. Je trouve que notre industrie est très ancrée dans l’intellectualisation de la musique que l’on réalise. Beaucoup de gens la traitent comme un produit. Cette vision un peu lourde tend à effacer le sens premier qui nous pousse à faire ce que l’on fait. Je pense que ce qu’on aimerait transmettre avec ce mini album, c’est la spontanéité dans la musique, le fait d’explorer de nouvelles façons de faire et l’idée d’aller à la rencontre des autres à travers la création. Peut-être aussi de sortir de ma zone de confort.

LR : Rapidement, pouvez-vous me nommer une œuvre qui vous a marquée et qui est venue nourrir la création du mini album ?

KP : La toile mythique de Monet, « Le Déjeuner sur l’herbe ». *rires*

JM : La chanson « The Anchor Song » de Björk est venue inspirer « Kiwi ». J’imaginais le même contexte d’espacement mélodique sans tempo assis, mais avec la voix de Klô.

SG : Ce n’était pas une source d’inspiration, mais le son de cymbale présent dans « Déjeuner sur l’herbe » me rappelle l’atmosphère douce de l’un des premiers albums de Beach House que j’écoutais beaucoup étant plus jeune.

LR : Avez-vous un conseil à donner aux étudiant.e.s qui souhaitent faire carrière en musique ?

SG : Pour moi, la plus belle chose que l’on puisse faire en tant que musicien.ne, c’est de créer de la musique que l’on aimerait découvrir par hasard et cela implique de la faire sans compromis. Avoir confiance en soi et apprendre à faire confiance aux gens avec qui on travaille est important. Je le souhaite à tout le monde parce que c’est tellement riche.