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Marie-Pier Lajoie
Arts et culture

À la découverte de « Toi et soie » : entrevue avec Marie-Pier Lajoie

Daphnée-Maude Larose
16 octobre 2023

Crédit visuel : Nisrine Abou Abdellah — Directrice Artistique

Entrevue réalisée par Daphnée-Maude Larose — Journaliste

Les 18 et 19 octobre prochain, la pièce dramaturgique « Toi et soie » réalisée par l’artiste émergente Marie-Pier Lajoie sera présentée au Cabaret La Basoche d’Aylmer, dans le cadre du Projet 3e œil et organisé par l’Avant-Première. La Rotonde a discuté avec Marie-Pier de son œuvre, de son parcours artistique, ainsi que des défis qu’elle a rencontrés.

La Rotonde (LR) : Pourrais-tu nous parler de ton parcours académique ?

Marie-Pier Lajoie (M-PL) : J’ai fait un baccalauréat en communication profil rédaction à l’Université de Sherbrooke, il y a déjà quelques années. J’étais dans le programme co-op, alors j’ai pu faire plusieurs stages à ce moment-là. J’ai, entre autres, travaillé à l’Institut de pharmacologie de Sherbrooke, ce qui m’a amenée à découvrir le travail avec les gens. Le côté humain des communications est vraiment ce que j’aime le plus. J’ai aussi fait un baccalauréat en pratique théâtrale en jeu au nouveau conservatoire de l’Université d’Ottawa (l’U d’O). C’est davantage une formation en jeu, donc pour devenir comédienne. J’ai terminé cela en avril dernier.

J’étais encore à l’école quand j’ai envoyé ma demande de subvention pour ma pièce de théâtre, et dès que j’ai terminé mon deuxième baccalauréat, j’ai commencé à travailler sur ce projet intitulé « Toi et soie ».

LR : Décris-nous ton œuvre « Toi et soie ».

M-PL : C’est un projet de théâtre social autobiographique. En fait, mon grand-père fait de la démence, de l’Alzheimer. Ce projet fait partie de questionnements que j’avais moi-même. J’ai grandi dans une maison multigénérationnelle avec mes parents et mes grands-parents maternels. J’ai vu la dégénérescence de cette maladie. C’est de là qu’est venue ma volonté d’écrire au sujet de questionnements personnels que j’avais au début par rapport à la perversion de l’image des individus atteints. Dans certains cas, il y a un changement de la personnalité, donc de certains traits, qui peut faire en sorte que les victimes deviennent plus irritables, plus violentes.

J’avais beaucoup de difficulté avec le fait d’avoir côtoyé une personne toute ma vie et qui, peu à peu, quittait ce monde avec une image non représentative d’elle-même. Je crois que c’est une immense injustice de cette maladie. Tout cela m’a donné envie d’écrire sur ce sujet.

LR : Quel a été ton processus artistique ?

M-PL : Ma première version du texte était assez personnelle et basée sur ma propre relation avec mon grand-père. Ensuite, à force de parler avec des gens qui étaient aussi des proches aidant.e.s de victimes d’Alzheimer, je me suis dit qu’il y avait quelque chose de très commun à toutes ces personnes.

J’avais l’impression que c’était une histoire personnelle qui pouvait devenir collective, qui devait devenir collective. Cela m’a amenée à discuter avec des proches aidant.e.s, à récolter des témoignages par rapport à leurs vécus. J’ai rebâti mon texte en fonction de ces expériences partagées.

Il y avait quelque chose de beau au fait qu’à force d’en parler, même si l’expérience et les répercussions de la maladie n’étaient pas les mêmes, le ressenti des proches aidant.e.s était souvent très similaire. Il y avait beaucoup de sentiments de culpabilité, du fait de ne pas se sentir humain parfois, d’être tanné de vivre avec quelqu’un qui souffre d’Alzheimer.

Je voulais me concentrer sur ces proches aidant.e.s, parce que je trouvais que, souvent, on oubliait un petit peu de leur donner une voix, puisque ce n’est pas eux.elles qui sont malades. C’est vraiment de déstigmatiser toutes les émotions négatives qu’ils.elles peuvent vivre.

LR : Quels défis as-tu rencontrés lors de ce processus ?

M-PL : C’était une histoire si proche de moi. Au début, j’avais de la difficulté à travailler le texte, comparativement à d’autres textes que j’ai écrits, parce que j’avais tellement peur de le salir. Ce sont des gens qui comptent pour moi, c’était ma mémoire familiale. Je ne voulais pas vraiment creuser le sujet. Je voulais qu’il reste tout beau, même si ce n’est pas du tout pour ça que je l’écrivais.

J’ai fait lire des extraits à plusieurs personnes, et elles se sentaient soulagé.e.s. C’est quelque chose qui m’a vraiment encouragée à continuer, parce que ce que je voulais, c’était que les gens se sentent moins seuls.

Cela a été un défi de trouver la ligne entre ce qui m’appartient et ce qui ne m’appartient pas.

LR : Qu’est-ce que tu aimerais dire aux étudiant.e.s qui cherchent à percer dans le domaine du théâtre ?

M-PL : C’est vrai que ce n’est pas facile ! Parfois, ce n’est pas un métier aussi stable que les autres, mais c’est vraiment un beau métier, par contre. Puis, je pense qu’il faut vraiment le faire par passion. Il y a beaucoup à gagner, les gens de ce domaine ont tellement de choses à offrir.

Je crois que tous.tes les étudiant.e.s en théâtre ont quelque chose à dire ou à transmettre qui mérite d’être entendu et vu, alors je crois qu’il faut persévérer, y croire et le faire avec cœur.

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