Crédit visuel – Lucy Malaizé — Cheffe de la section Sports et bien-être
Chronique rédigée par Lucy Malaizé – Cheffe de la section Sports et bien-être
Quand j’avais 12 ans, mon héroïne fictive favorite était Hermione. Pour ma cousine, qui a cet âge aujourd’hui, c’est Annabeth, dans Percy Jackson, car « elle est courageuse, et prouve que les femmes ont les mêmes capacités que les hommes. » Pourtant, ces deux figures, aussi intelligentes et braves soient-elles, n’occupent que le second rôle, derrière l’élu masculin, soit Percy et Harry. Pourquoi les jeunes filles auraient-elles encore du mal à trouver des héroïnes qui occupent le rôle principal ? Des changements se profilent-ils à l’horizon ?
Ce phénomène, surnommé « Syndrome Trinity » en référence au personnage du film The Matrix, a été théorisé en 2014 par Tasha Robinson. La journaliste souhaitait désigner les figures féminines fictives brillantes qui sont réduites au rôle de seconde, d’amoureuse ou de meilleure amie d’un héros masculin, souvent moins compétent qu’elles. Reste à voir si cette réalité existe toujours dix ans plus tard, et ce qu’il en est lorsqu’elles occupent le premier rôle.
De Blanche Neige à Flam dans les films d’animation
Disney a fait évoluer ses héroïnes de l’archétype Blanche Neige, qui attend son prince charmant pour donner un sens à sa vie, à des personnalités plus affirmées et indépendantes tel que Tiana. Pour leur part, Vaiana, Raya ou encore l’avant-gardiste Mulan ont achevé l’émancipation à ce niveau, avec non seulement des tempéraments et des destins de leadeuse, mais surtout, des intrigues ne tournant et ne s’achevant pas par une histoire d’amour.
Au travers de personnages complexes, de réflexions introspectives et métaphysiques ainsi que d’apparences physiques non stéréotypées, les derniers films de Pixar poussent plus loin la réflexion sur la représentation des sexes. Dans Vice-Versa (Inside Out), Riley n’est pas une fille pour être une fille, ce n’est pas par cet unique prisme qu’elle se définit ; elle évolue et connaît des variations d’émotion propres à l’adolescence, auxquelles n’importe quel enfant pourrait s’identifier. Dans Élémentaire (Elemental), c’est Flam qui apprend à accepter la sensibilité émotionnelle de Flak, personnage aux attributs masculins. En outre, la pression de vouloir rendre ses parents fiers, la difficulté à trouver sa voie, la gestion des émotions, ne sont pas des quêtes fondamentalement genrées.
Alors que les films d’animation de Disney et de Pixar ont évolué doucement dans la représentation des genres, il importe de rappeler que pour différentes raisons, d’autres n’ont jamais connu ces dynamiques. Le film d’animation japonais Princesse Mononoké (1997), déjà bien loin des stéréotypes de la princesse de Disney, a été le premier succès mondial du Studio Ghibli. Tout comme Nausicaä de la vallée du vent en 1984, Chihiro en 2001, ou encore Arrietty en 2011, les personnages féminins mis en vedette par le studio japonais ont autant de quêtes que de personnalités propres. Aucune n’est réduite au fait d’être une « fille dans un monde d’hommes » ni ne se construit nécessairement en contraste avec un personnage masculin.
D’un archétype à un autre dans les films d’action ?
Comme beaucoup d’enfants de la génération des années 2000, j’ai baigné dans l’univers cinématographique de Marvel et de DC Comics. Les jeunes ont besoin de superhéros.ïnes pour les inspirer et bien souvent, les univers fictifs sont des échappatoires. Difficile, néanmoins, pour des petites filles de s’identifier à Captain America, Thor, Hulk et Wolverine. Il faudra attendre X-Men pour que les femmes fassent leur apparition au milieu des hommes.
À partir de 2019, un mouvement de féminisation est lancé. Les films Captain Marvel, Black Widow ou encore la minisérie She-Hulk sortent à la suite, tous co-réalisés par des femmes. Du côté de DC, après Batman, Superman et Spiderman, Wonder Woman fait une entrée fracassante, mais mitigée, en 2017 suivie par Harley Quinn dans Birds of Prey en 2020. Toutes deux, là encore, ont été portées à l’écran par des réalisatrices.
L’arrivée de ces femmes cinéastes à Hollywood était plus que souhaitable. En dépit de ce progrès, beaucoup de ces productions montrent une telle volonté des personnages féminins de rattraper le temps perdu à être invisibilisés, que le scénario peut paraître un peu simpliste, voire caricatural. Lorsqu’elle occupe le premier rôle, le nouvel archétype semble être la femme « badass » qui veut s’émanciper des hommes, au risque de n’être réduite qu’à cette recherche, sans parler de la sexualisation courante qui l’accompagne.
Pour ce qui est des autres films d’action grand public, le constat est encore plus amer. Un classement GQ sorti en juillet 2023 répertorie « Le top 100 des meilleurs films d’action de l’histoire ». Sur 100 films, deux ont pour personnage principal une femme, à savoir Kill Bill et Tigre et dragon (Crouching Tiger, Hidden Dragon). Sur ces mêmes 100, une petite poignée a pour personnage secondaire important et réfléchi, une femme.
Entre stagnation et progrès
Au sein des films d’action et de science-fiction, la représentation des femmes à travers les personnages principaux est encore très discutable. Doit-on blâmer la prédominance historique de réalisateurs dans ce domaine ou les dynamiques sociales qui guident encore les scénarios ? À l’image d’une génération qui se bat pour résorber les écarts genrés dans tous types de domaines, il est grand temps de doter nos petites sœurs de personnages principaux féminins aboutis, dans le cinéma d’action.
Si ce n’est Katniss dans Hunger Games ou Tris dans Divergente pour un public plus jeune, bien peu ont réussi à s’imposer en icônes crédibles de film d’action tout public sans être trop réduites à leur sexe. Dans Avatar et Dune, deux gros blockbusters de science-fiction des dernières années, Neytiri tout comme Chani sont définitivement « badass », intelligentes et complexes, mais finissent par n’être que les jolies compagnes de l’élu, qui est lui, sur le devant de la scène.
Dans Black Panther Wakanda Forever, ce sont les personnages féminins qui portent le film en brillant par leur personnalité et leurs compétences. Les figures féminines de la saga d’animation Spider Man : New Generation apportent un vent d’air frais en se distinguant par leur indépendance et leur diversité. Michelle Yeoh, qui interprétait à l’époque Yui Hsui Lien dans Tigre et dragon a fait son retour en tant que personnage principal de Tout, partout, tout à la fois (Everything, Everywhere, All at Once), un film d’action hautement récompensé mêlant plusieurs codes cinématographiques.
Loin des clichés habituels de leur domaine, ces trois films sortis des studios Hollywood mettent véritablement à l’honneur des personnages féminins. Annoncent-ils un nouveau souffle pour les héroïnes de cinéma d’action ?