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Sports et bien-être

Le dopage dans les sports interuniversitaires

Actualités
12 novembre 2012

– Par Léa Papineau-Robichaud –

illustration Maxime Charlebois

La drogue et le dopage sont des réalités dans le monde du sport. Encore tout récemment, un scandale a éclaté au grand jour : le système de dopage de Lance Armstrong. Ce fléau touche-t-il le Sport interuniversitaire canadien (SIC)? La Rotonde s’est penchée sur la question.

Il y a deux ans, huit joueurs de l’équipe de football de l’Université Waterloo ont été accusés de dopage par le SIC. La police de Kingston avait trouvé des milliers de capsules de stéroïdes anabolisants dans le garde-robe de Nathan Zettler, ancien receveur de Waterloo. Ce dernier, ainsi que son coéquipier Brandon Krukowski, avaient été accusés de trafic de stupéfiants. L’analyse des échantillons d’urine d’un autre joueur des Warriors de Waterloo, Matt Socholotiuk, a révélé la présence de stéroïdes, mais aussi d’hGH, une hormone de croissance qui stimule la production de cellules cartilagineuses et de l’ossature. Ce type de dopage est qualifié par plusieurs spécialistes de sophistiqué, car l’hGH est difficile à déceler lors de tests antidopage, puisque l’être humain produit cette substance naturellement.

Le président du Centre canadien pour l’éthique dans le sport (CCES) a qualifié cet évènement d’« un des plus importants problèmes de dopage de l’histoire du Canada ». Suite à ce scandale, l’Université de Waterloo avait annulé tous les matchs de la saison de football 2010.

Des lacunes dans le programme antidopage?

Le programme antidopage du SIC a été mis sur pied avec le soutien du CCES et c’est le Programme canadien antidopage (PCA) qui réalise les tests chaque année auprès d’environ un athlète sur 25 parmi toutes les équipes de sport interuniversitaire du pays. Depuis le scandale de Waterloo, le programme a été remis en question et certaines modifications y ont été apportées. « Avant, c’était assez prévisible à quel moment les tests antidopage allaient être faits, mais, maintenant, on fait plus de tests inopinés. On teste les athlètes hors-saison, l’été et durant la saison aussi », explique le gérant des communications et des relations médias du SIC, Michel Bélanger.

« Selon moi, le SIC fait son possible pour limiter tous cas de dopage. On a pu voir dans les dernières années que certains athlètes de football ont été pris lors d’un test », affirme le défenseur de l’équipe de hockey masculin de l’U d’O, David Foucher. « Je sais que ça coûte de l’argent, mais je pense qu’ils devraient mettre plus d’emphase là-dessus pour empêcher le dopage. Oui, ils ont surpris des gars de Waterloo, mais il y en a d’autres ailleurs, c’est sûr », croit le receveur de l’équipe de football des Gee-Gees, Simon Le Marquand. Même son de cloche chez M. Bélanger : « On aimerait faire plus de tests, c’est malheureux à dire, mais on est rendu là : le problème, c’est l’argent. Chaque test coûte en moyenne 800 $. »

Certains doutent de l’efficacité des tests pratiqués sur seulement 4 % des athlètes du SIC pour contrer le dopage. D’ailleurs, tous les sportifs interrogés ont avoué n’avoir vu qu’une seule fois des coéquipiers se faire tester, lors de leurs nombreuses années avec le Double-G. « Le CCES est l’organisme tiers indépendant qui coordonne tous les éléments de dépistage des drogues pour le SIC. Ce sont donc eux qui déterminent le nombre de tests qui sera fait, quand, où, etc. », explique le directeur des opérations et du développement du SIC, Tom Huisman. « Sport Canada remet de l’argent au CCES et ce sont eux qui le répartissent dans les différentes organisations de sports au Canada », ajoute M. Bélanger.

Malgré tout, l’organisation attrape toujours quelques tricheurs chaque année. Selon un tableau publié en mai dernier par le SIC, 75 athlètes ont testé positif depuis 1990. Soixante-treize d’entre eux étaient des hommes et, parmi eux, 64 étaient des joueurs de football. Les substances détectées le plus souvent sont les stéroïdes (31 fois) et la marijuana (15 fois).

De plus, depuis le printemps 2011, la Ligue canadienne de football donne un coup de pouce au SIC. Elle teste tous les joueurs qui participent à son camp d’entraînement. « Il y a environ 45 joueurs de la SIC qui y participent, donc ça fait 45 joueurs de plus de testés. Avant, on testait environ une centaine de joueurs de football par année et maintenant il y en a presque 150 qui sont testés », affirme le gérant des communications de la SIC.

La prévention avant tout

« Suite aux événements de Waterloo, le SIC et ses membres ont entrepris plusieurs initiatives de sensibilisation et d’éducation pour prévenir les incidents futurs de dopage », explique M. Huisman. « Des mesures plus strictes ou des pénalités plus sévères ne sont pas en mesure d’être incorporées parce que celles-ci sont spécifiquement dictées par le PCA. »

Tous les athlètes de l’Université d’Ottawa doivent d’ailleurs faire une formation avant de pouvoir commencer à jouer. Une heure de formation est faite via internet et une autre heure a lieu auprès du Service des sports. Le sujet du dopage et de la drogue est bien sûr abordé dans cette formation. « Je pense que c’est une façon de créer des athlètes responsables. Par exemple, moi, je prends des protéines, comme plusieurs, mais il faut savoir si elles sont légales et faire attention », dit l’attaquante de l’équipe de hockey féminin, Dominique Lefebvre. « Je pense qu’on fait un bon travail à l’Université pour encourager les athlètes à être clean. Après, ces athlètes-là vont aller dans le professionnel avec cette culture-là. »

Vu le manque d’argent, la prévention reste un des seuls moyens pour tenter de réduire le nombre de cas de dopage dans le sport interuniversitaire. « Il faut mettre dans la tête des étudiants que, oui, les produits dopants améliorent leurs performances, mais que c’est aussi une question de santé », lance M. Bélanger.

Trop de pression?

Le cheminement que les athlètes prennent pour un jour atteindre le niveau professionnel est parsemé d’embuches (blessures, contre-performances, etc.) Ces situations difficiles peuvent parfois mener à une forte tentation de consommer des produits illégaux. « Une fois, je m’étais blessé au genou au Cégep et je m’en venais ici [avec les Gee-Gees]. Les gens me disaient, en niaisant, de prendre quelque chose, parce que je n’étais plus avec l’équipe du Cégep et que, avec les Gee-Gees, j’étais une recrue et ils ne testent pas les recrues », explique Le Marquand. Le receveur affirme, tout comme Foucher, ne jamais avoir eu envie de prendre des substances illégales pour améliorer ses performances : « Cela ne m’est jamais passé par la tête, car on travaille tous très fort pour atteindre les hauts sommets de notre sport et il n’est pas question de ruiner les efforts mis pendant toutes ces années. »

La pression à laquelle les athlètes font face joue toutefois un rôle important dans l’utilisation de drogue : « Toute la pression que les athlètes supportent durant leur carrière peut parfois les porter à vouloir plus que ce qu’ils sont capables de faire », croit David Foucher. Même si la SIC, conjointement avec le CCES, met sur pied des mesures pour empêcher le dopage, les athlètes trouveront toujours un moyen de contourner ces mesures pour pallier la pression.

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