Crédit visuel : Marie-Ève Duguay – Rédactrice en chef
Article rédigé par Marina Touré — Cheffe du pupitre Actualités
Depuis maintenant près de trois ans, le personnel infirmier vit une situation de pénurie, qui a été exacerbée par les décisions prises par le gouvernement fédéral. Cela a été confirmé récemment par les notes du rapport de transition de la nouvelle ministre de la Santé, Sylvia Jones. Face à ces révélations, comment peut-on s’assurer que le personnel infirmier soit protégé ? Quelles sont les solutions à la pénurie ?
La pandémie de la COVID-19 a créé une situation sans précédent pour le système de santé canadien et ontarien en particulier. Le personnel de santé, et notamment le personnel infirmier, est particulièrement concerné. En effet, le personnel soignant est souvent la personne-ressource pour les patient.e.s, que ce soit dans les hôpitaux ou dans les soins palliatifs, informe Kim McMillan, professeure adjointe à l’École des sciences infirmières de l’Université d’Ottawa (U d’O). Cependant, la loi 124 a limité l’augmentation de leur salaire à 1 % une fois tous les 3 ans, poursuit-elle. Cette décision avait pour but d’aider la rétention du personnel infirmier, mais pour les sources qui se sont entretenues avec La Rotonde, cela a créé l’effet contraire.
Impact de la loi 124
Pour McMillan, la loi 124 est « démoralisante » pour le personnel infirmier. La professeure, qui mène une recherche sur leurs conditions de vie, constate que la loi 124 a contribué à accroître l’écart entre les professions en Ontario dominées par des femmes et celles dominées par des hommes. Il s’agit donc pour elle d’une preuve que le gouvernement fédéral n’a pas à cœur les intérêts du personnel infirmier.
Cette pensée est aussi partagée par Melody Freeland, une étudiante en 4e année dans le programme des sciences infirmières de l’U d’O. Elle témoigne avoir été aux premières loges des conditions de vie déplorables que vit le personnel soignant dans son travail. Pour elle, la loi 124 est venue ajouter une autre charge, ce qui, avec la pandémie et la pénurie déjà existante, rend la situation du personnel infirmier d’autant plus complexe.
Freeland poursuit sur la situation de la pénurie, et explique qu’une grande partie du personnel infirmier quitte les hôpitaux pour aller travailler dans d’autres provinces ou pays qui offrent de meilleures conditions d’emploi et de vie. Le problème de rétention est un problème que McMillan qualifie de « chronique ». Elle explique que cela a toujours été un problème, mais que récemment cette déclaration est encore plus vraie. En effet, les membres du personnel soignant sont nombreux.ses à manifester contre les conditions préjudiciables qu’ils.elles vivent. « Lorsque ces demandes ne sont pas satisfaites, les infirmier.e.s ont tous les droits d’aller chercher une autre position qui satisfont leurs demandes » confie McMillan.
Exaspération collective
En plus de la problématique autour des conditions de travail, Freeland et McMillan discutent des graves problèmes de santé mentale, notamment le burnout, ou épuisement professionnel, que vit le personnel infirmier. Et cela sans que le gouvernement semble vouloir apporter une aide adéquate, témoignent-elles toutes les deux. Elles expliquent qu’il est normal que le personnel infirmier tente de trouver de meilleures conditions ailleurs. Il faut donc se concentrer sur la création d’un environnement sain pour les protéger.
Pour McMillan, il faut « réparer et recruter » afin de répondre à la situation de pénurie. Il est important de mettre en place plus de solutions pour améliorer la santé mentale en ciblant les environnements où se concentre la majorité du personnel infirmier. « Il faut créer un environnement dans lequel le personnel infirmier veut travailler », poursuit-elle. C’est pour Freeland ce que le gouvernement fédéral semble ne pas comprendre. Elle se dit frustrée que les décisions soient prises par des politicien.ne.s qui n’ont jamais fait partie du personnel infirmier. Il faut donc, à son avis, continuer de défendre les intérêts du personnel infirmier afin de faire changer les choses autant que possible.
Le premier pas à prendre pour résoudre la situation serait tout d’abord de renverser la loi 124 pour véritablement changer les choses, déclare McMillan. Il faut, selon elle, se concentrer du point de vue provincial sur le stress post-traumatique causé par les situations que vit le personnel soignant et investir plus dans les ressources offertes pour leur santé mentale. Freeland fait écho à ses propos : « travailler 12 heures n’est pas le problème, c’est plutôt les menaces et les manipulations pour pousser les infirmières à travailler pour 14, 15, 16 heures ». Il est donc important pour Freeland et McMillan de très vite changer les choses afin d’éviter que la situation ne soit plus réversible, d’autant plus qu’offrir au personnel infirmier de meilleures conditions de travail permettra également de mieux protéger les patient.e.s.