Inscrire un terme

Retour
Éditorial

L’éléphant qui ne veut pas quitter la pièce

Web-Rotonde
12 septembre 2016

Par Frédérique Mazerolle 

Une jeune femme sur 5 en Amérique du Nord sera victime d’une forme de violence sexuelle durant son parcours universitaire. Alors que celle-ci tient à compléter des études pour devenir avocate, infirmière ou encore enseignante, elle devra se rabaisser au statut de victime. Voilà le constat nord-américain de la culture du viol dans les institutions post-secondaires.

En mars 2013, Michaëlle Jean, grande femme de la francophonie d’ici et d’ailleurs et ancienne chancelière de l’Université d’Ottawa, déclarait, lors d’une conférence de presse que, ce que l’on appelle aujourd’hui culture du viol, était « bien courante dans les universités canadiennes ».

Et l’Université d’Ottawa ne déroge pas à la règle. Bien des scandales de nature sexuelle ont eu lieu au court de ces dernières années, que ce soit avec la suspension de l’équipe de hockey masculine ou encore le cas d’Anne-Marie Roy, ancienne présidente de la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FÉUO)*. De l’Université de la Colombie-Britannique jusqu’à l’Université Dalhousie, les scandales ne cessent de se multiplier dans les dernières années.

Parlons des vraies affaires

Alors que les propos de l’illustre chancelière étaient à l’époque plutôt anecdotiques, celle-ci a tout de même pointé du doigt un problème de pensée fondamentalement problématique : la culture du viol existe; et elle existe bel et bien au Canada. Le maple washing, ça fonctionne seulement lorsqu’on compare le Premier ministre, Justin Trudeau, aux autres leaders de ce monde.

Pour autant que je sache, Brock Turner, l’étudiant de l’Université Stanford accusé d’avoir violé une jeune femme alors que celle-ci était inconsciente lors d’une fête et qui a seulement passé trois mois en prison après avoir été reconnu coupable, pourrait être un étudiant à l’Université d’Ottawa. Si c’était le cas, sa peine serait plus longue en sol canadien, espérons-le.

Certes, il a bien sûr eu des avancées depuis ce discours de l’ancienne gouverneure-général. Début 2016, un projet de loi a été adopté par le province de l’Ontario, obligeant toutes les universités canadiennes à se doter d’une politique claire, nette et précise quant aux mesures à prendre pour prévenir et régler les problèmes en lien avec le viol, l’harcèlement et la violence sexuelle. Et, depuis juin, l’Université d’Ottawa se dit fière d’avoir adopté sa propre politique, soit le Règlement sur la prévention de la violence sexuelle.

Du côté de la politique étudiante, la FÉUO reste fervente activiste contre la violence sexuelle. À titre d’exemple, les guides encadrant la Semaine 101 doivent suivre certaines mesures de sécurité ainsi qu’une formation obligatoire sur la violence sexuelle. De dire que non c’est non, ça devrait être aussi simple que 1+1 fait 2, n’est-ce pas?

Inaction policière et cie.
Là n’est pas le problème. Le problème, c’est quand 1+1+1 fait 2. C’est quand un intervenant de taille ne collabore pas aussi étroitement que demandé quand il est question de la sécurité des étudiant.e.s sur les campus et aux alentours.
Et c’est exactement ce qui semble s’être passé dernièrement avec le Service de police de la ville d’Ottawa (SPO).

Prenons le cas de la Côte-de-Sable. Ce quartier, qui abrite une importante communauté étudiante, est idéal pour ceux et celles qui détestent le froid, qui préfèrent éviter le transport en commun comme si c’était la peste et qui ne veulent avoir qu’à rouler hors du lit quand ils ont cours à 8h30. Par contre, il est beaucoup moins idyllique pour ceux et celles qui veulent vivre leurs vies estudiantines en sécurité et qui ne veulent pas devenir victimes d’agressions sexuels, semblerait-t-il.

Les forces policières, comme l’entend la coutume, sont garantes de la sécurité de tous. Pourtant, il semblerait que la sécurité des étudiant.e.s résidant dans un quartier résidentiel où rode des présumés prédateurs sexuelles ne soit pas une priorité.

Sans vouloir parler au nom des étudiant.e.s ayant été victimes d’harcèlement ou de de ces failles de sécurité, la SPO, semble-t-il, n’a pas tenu à protéger la communauté de la Côte-de-Sable.

Ce genre de situation prouve, encore une fois, que la guerre contre la normalisation de la culture du viol et la violence sexuelle est loin d’être gagnée et qu’il faut continuer à se battre pour contrer celle-ci.

Parce que les politiques institutionnelles ne valent rien si elles ne sont pas prises au sérieux par tous et toutes.

Parce que certains étudiants chantent toujours des chants de nature sexuelle durant la Semaine 101, même si ceux-ci sont bannis pour des raisons évidentes.

Parce que nous devons encore guetter la prochaine attaque pour passer à la prochaine étape.

*Anne-Marie Roy a été présidente de la FÉUO de 2013 à 2015. Des commentaires de nature sexuelle à son égard, tirés d’une conversation Facebook entre cinq étudiants de l’U d’O, dont quatre étaient des membres élus au sein de la politique étudiante, ont été divulgués sur un blogue anonyme. Patrick Marquis, alors vice-président aux affaires sociales de la Fédération étudiante, a donné sa démission suite à l’affaire.

Inscrivez-vous à La Rotonde gratuitement !

S'inscrire