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Arts et culture

L’intelligence artificielle au profit de l’art

Culture
26 février 2018

Par : Nonibeau Gagnon-Thibeault – Journaliste

Avec le temps, l’art s’est constamment adapté aux nouveaux médias que l’être humain se crée. Dimanche le 18 février dernier, des artistes et chercheurs se sont rassemblés au symposium Artificial Imagination, à l’intérieur de la Cour des Arts à Ottawa, pour discuter de l’immense potentiel artistique que représente l’intelligence artificielle. La Rotonde vous rapporte les grandes lignes de ce qui s’est dit lors du symposium.

Rendre son art plus accessible

La discussion a commencé en exposant une initiative entre l’École de foresterie de l’Université de la Colombie-Britannique et des peuples autochtones de la province qui consiste à enseigner aux autochtones comment utiliser une machine-outil à commande numérique (CN), un outil souvent utilisé en foresterie. Les intéressés ont assisté à une formation de quatre semaines qui leur a appris comment utiliser le CN pour répliquer les motifs qu’ils avaient originellement sculptés sur une porte en art autochtone.

Ainsi, au lieu de prendre 4 à 6 semaines pour sculpter à la main une porte et la vendre aux alentours de 20 000$, ils peuvent maîtriser le CN pour créer la sculpture en moins de 6 heures et la vendre pour 3 000$. Ainsi, il est moins long de créer une porte sculptée et rend l’art plus accessible à une clientèle moins fortunée.

Notre relation avec l’intelligence artificielle

Jackson 2Bears, un artiste mohawk centré sur les installations multimédias, a amené une réflexion philosophique concernant la façon dont on perçoit l’intelligence artificielle. « Je crois que l’on fait une erreur en pensant à la technologie comme quelque chose d’autre que nous-mêmes », juge 2Bears. Depuis Descartes, la pensée occidentale a une tendance à distinguer le corps et l’esprit, la machine et la conscience. La pratique du codage est entachée par cette vision culturelle, selon l’artiste albertain. « Les visions du monde sont incorporées dans la technologie, elles sont situées culturellement », explique-t-il.

2Bears insiste que l’on peut voir la technologie autrement. Dans son cas, il met de l’avant une vision cosmologique autochtone qui ne voit pas une distinction entre corps et esprit. Les masques de tradition autochtone, par exemple, sont perçus comme possédant un esprit. Dans une pratique liée aux nouvelles technologies, cette cosmologie se représente notamment via les casques qui créent une réalité virtuelle. Il y a, par exemple, un casque de réalité virtuelle qui nous fait voir un endroit autochtone sacré, dont l’accès est privilégié. Ceci permet alors de vivre une expérience spirituelle qui va au-delà de la pure information. « [Le casque] a, dans un certain sens, un esprit », estime 2Bears.

Au péril du corps humain ?

Devant les accomplissements surhumains que l’intelligence artificielle peut réaliser, est-ce qu’il y a encore de la place pour valoriser le corps humain, si ce n’est pas par nostalgie ou romantisme? C’est la question que s’est posé David Rokeby, un artiste torontois présent lors du symposium. Il a démontré qu’à l’aide d’un logiciel qui traduit en musique les mouvements du corps humain filmés par caméra, l’intelligence artificielle peut au contraire valoriser le corps humain au lieu de l’aliéner.

Le logiciel, créé par l’artiste en 1991, accompagne chaque déplacement de ses jambes, chaque extension des bras et même chaque mouvement de ses doigts par une mélodie. Au lieu de délaisser le corps, Rokeby a créé une intelligence artificielle qui lui permet d’avoir une expérience qui explore et met en valeur ses propres mouvements. Il explique que l’expérience lui « a donné un fort sentiment de relation avec son environnement ». Après une session avec son logiciel, il se promenait dans la rue et avait une tendance plus prononcée à associer les sons qu’il entendait aux choses qui l’entouraient, raconte Rokeby. La musique lui donnait une forte conscience de ses actions et mouvements. L’art, dans ce cas-ci, donne lieu à une expérience que l’on peut créer soi-même au lieu d’un traditionnel produit fini.

Amplificateur

L’intelligence artificielle peut trier une masse de données et les réarranger à une vitesse surhumaine. La programmeuse informatique Allison Parish met cette capacité à profit dans le domaine de la poésie. Elle utilise des logiciels qui assimilent des textes du domaine public et les réarrangent afin d’avoir un texte qui mise sur la similarité, autant phonétique que sémantique. La similarité est ce qui apporte le caractère poétique du texte, selon Parrish.

Ceci permet d’amplifier la méthode dadaïste de faire les poèmes, qui consistait notamment à découper à la main des mots des journaux, les mélanger et les réarranger à la main pour fabriquer un poème. Les logiciels amplifient ce travail et permettent d’admirer des poèmes « sans égo », explique Parrish.

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