L’Université d’Ottawa réitère son adhérence à la liberté académique
Crédit visuel : Nicholas Monette – Directeur artistique
Article rédigé par Nonibeau Gagnon-Thibeault – Journaliste
Le Sénat de l’Université d’Ottawa (U d’O) réaffirme l’importance et la nécessité de protéger la liberté d’expression de tou.te.s les membres de la communauté universitaire. Dans un énoncé adopté à l’unanimité le 19 septembre dernier, il précise dénoncer les propos haineux ou à caractère raciste et discriminatoire. Du même pas, l’U d’O annonce qu’elle établira un comité permanent sur la mise en œuvre de la liberté académique et de la liberté d’expression.
L’énoncé émis par le Sénat de l’U d’O souligne qu’il ne remet pas en question la nature ou l’étendue de la liberté académique telle que protégée par les conventions collectives des professeur.e.s. La provost et vice-rectrice aux affaires académiques, Jill Scott, souligne qu’aucun mot, concept, idée, œuvre ou image n’est à priori exclu des activités d’enseignement et de recherche. L’énoncé déclare toutefois qu’en aucune circonstance une personne ne peut se réfugier derrière la liberté d’expression ou la liberté académique pour tenir des propos haineux ou à caractère raciste et discriminatoire.
Statu quo sur la liberté d’expression
« Rien de nouveau sous le soleil », constate Jean-Pierre Couture, professeur en science politique à l’U d’O. Selon lui, cet énoncé ne change rien concrètement aux politiques de l’Université sur la liberté d’expression.
Même son de cloche chez Philippe Frowd, également professeur en études politiques à l’U d’O. « Cela officialise la position de l’Université. […] C’est le produit d’une réflexion interne, mais cela n’avance pas grand-chose », nuance Frowd. Cet énoncé tente selon lui de réconcilier deux positions contradictoires sur la liberté d’expression.
L’Association des professeur.e.s de l’Université d’Ottawa (APUO) « n’a pas de commentaire en ce moment » sur l’énoncé, rapporte Nicole Desnoyers, agente de communication, de la mobilisation et de la recherche par intérim. Le président du Syndicat étudiant de l’Université d’Ottawa (SÉUO), Armaan Singh, a quant à lui répondu à la demande d’entrevue de La Rotonde, sans toutefois s’y présenter.
Une stabilité pour les professeur.e.s ?
Prenant en exemple l’affaire Lieutenant-Duval, Frowd croit que l’énoncé n’avance pas notre compréhension de ce que l’U d’O ferait si un tel événement était amené à se reproduire. Rappelons que l’U d’O a mis sur pied le Comité sur la liberté académique suite à cette affaire. L’adoption d’un tel énoncé faisait partie des recommandations du rapport de ce Comité.
Pierre Anctil, professeur en Histoire de l’U d’O à la retraite, est en désaccord : il juge plutôt que l’énoncé est un point important de référence dans la vie universitaire. Anctil avait critiqué les communications de l’U d’O lors de l’affaire Lieutenant-Duval dans le livre Libertés Malmenées. Il y déplore le manque de principes clairs de la part de l’U d’O et l’usage de « représailles arbitraires ». Dorénavant, les professeur.e.s « dépendront moins des humeurs de la haute administration pour avoir des consignes claires », estime Anctil.
L’énoncé laisse une porte ouverte pour revoir sa gestion de la liberté d’expression. La déclaration se termine en reconnaissant que les principes applicables en matière de liberté d’expression sont appelés à évoluer et que « nous devons demeurer ouverts à les remettre en question de façon respectueuse ».
Reconnaissant que les sensibilités et les droits fondamentaux évoluent, Anctil souhaite cependant que l’U d’O applique des principes, plutôt que de faire du cas par cas. « On ne veut pas une évolution de semaine en semaine ou de mois en mois », avertit le professeur à la retraite.
Un comité permanent pour guider les facultés
L’U d’O a également annoncé qu’elle mettra sur pied le comité permanent sur la mise en œuvre de la liberté académique et de la liberté d’expression. Scott explique que le comité aura trois rôles. Il aura un rôle consultatif dans l’élaboration de programmes de formation sur la liberté académique, conseillera les facultés sur la mise en œuvre de la liberté académique et fera de la reddition de compte en faisant le bilan des plaintes à l’Université.
Ce comité n’aura donc pas le pouvoir de sanctionner ou de recevoir des plaintes individuelles concernant la liberté académique ou d’expression. Anctil perçoit ce comité d’un bon œil, car cela permettra selon lui à la communauté universitaire de dialoguer sur ces libertés. « Il faut que les instances interprètent et réfléchissent », affirme-t-il. Le professeur d’histoire rappelle que les tribunaux relatifs à la Charte canadienne des droits et libertés décident ultimement de l’application de la liberté d’expression, et non l’U d’O.