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Capacitisme
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Mois de sensibilisation à l’emploi des personnes ayant une incapacité

Mabinty Toure
26 octobre 2022

Crédit visuel : Nicholas Monette – Directeur artistique

Article rédigé par Mabinty Toure – Journaliste 

Octobre est le Mois de la sensibilisation à l’emploi des personnes en situation de handicap au Canada. Selon une campagne promotionnelle publiée sur le site Web du gouvernement du Canada, 645 000 Canadien.ne.s handicapé.e.s étant capables de travailler dans un environnement inclusif n’ont actuellement pas d’emploi. Certain.e.s professionnel.le.s déplorent les mythes et discriminations empêchant l’inclusion des travailleur.se.s en situation de handicap dans le milieu professionnel.

Stéphane Branly est directeur général de l’Association québécoise pour l’équité et l’inclusion au postsecondaire (AQEIPS). Pour lui, le Canada doit considérer la main-d’œuvre handicapée désireuse de participer à la vie active du pays. « Il y a une main-d’œuvre interne qui n’est pas prise en compte », affirme-t-il.

Démystifier l’emploi des personnes handicapées

L’un des problèmes provient de l’opinion de la société sur les personnes en situation de handicap, selon Paul Gilbert, vice-président de l’Association des professionnel.le.s en situation de handicap du Canada. Les personnes handicapées seraient ainsi soumises à des attentes irréalistes, comme être plus compétentes que les autres dans leurs positions professionnelles.

Branly décrit les difficultés qu’il a rencontrées en tant que travailleur tétraplégique tentant d’acquérir un mandat pour son entreprise, avant de travailler pour l’AQEIPS. « Lorsque je me présentais avec mon bâton buccal, la personne qui était devant moi n’avait pas l’air prête à m’en octroyer un », rapporte-t-il. Malgré le fait qu’il était parfaitement qualifié, il ajoute qu’il lui a fallu trouver une personne suffisamment ouverte d’esprit pour arriver à ses fins. 

Sarah-Maude Camiré, étudiante en développement international et mondialisation à l’Université d’Ottawa, entame son troisième stage coop. Elle mentionne les difficultés d’avoir un handicap « invisible », dues au fait que les gens le mettent souvent en doute ou le banalisent : « quand je dis que je suis fatiguée, certaines personnes me disent de dormir plus. Mais moi, j’ai déjà essayé et ça ne marche pas. Tout simplement parce que le problème ne vient pas de là ».

Un rapport du Groupe de travail spécial sur les possibilités d’emploi des personnes handicapées publié sur le site du gouvernement du Canada révèle les mythes présents sur l’emploi des personnes ayant une incapacité. L’un d’entre eux mentionne que les travailleur.se.s handicapé.e.s n’auraient pas un bon rendement et demanderaient plus de supervision. Gilbert mentionne que la situation est d’autant plus compliquée du fait que « les opinions et les attitudes répandues chez les collègues et les superviseurs partent de l’idée que leurs performances seront inférieures à la moyenne ».

Un accès à l’emploi difficile  

L’accès à l’emploi pour les personnes handicapées au Canada demeure difficile. « [Elles] restent sous-employées et occupent souvent des emplois précaires », assure Gilbert. Il estime qu’il pourrait falloir 100 candidatures posées par un.e travailleur.se visiblement handicapé.e pour obtenir une ou deux entrevues. Le vice-président expose le fait que la plupart des employeur.se.s ne sont pas disposé.e.s à accommoder les employé.e.s handicapé.e.s, malgré l’obligation d’adaptation prévue par la loi.

Selon Branley, pour faire face à ce problème, le gouvernement devrait davantage informer sur l’existence de subventions pour les employeur.se.s inclusif.ve.s. Gilbert, en revanche, avertit que les subventions peuvent avoir des effets pervers, car certaines entreprises proposeraient des stages aux diplômé.e.s universitaires handicapé.e.s uniquement dans le but d’obtenir des fonds, et non pour leurs qualifications.

Si les étudiant.e.s en situation de handicap peuvent hésiter à divulguer leur situation par crainte de perdre leur emploi, le directeur général de l’AQEIPS les encourage tout de même à s’autodéclarer, surtout quand leurs incapacités sont non visibles  : « on est capables de tout. Ce dont on a besoin, ce sont des accommodations ». 

Gilbert souligne que la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies n’a pas encore été mise en œuvre dans les lois nationales. Branley rappelle toutefois que selon la Charte canadienne des droits et libertés, les établissements d’enseignement postsecondaire ont l’obligation de fournir des accommodations raisonnables. 

« Capacitisme académique »

D’après Gilbert, le capacitisme académique est un obstacle persistant et largement négligé. Il déclare que « créer des politiques pour accroître l’inclusion n’est pas la même chose que de créer une culture d’organisation qui accroît l’inclusion ».

Malgré un diagnostic récent de trouble du déficit de l’attention, Camiré peste contre les services de l’Université en matière d’accommodations. Selon elle, le processus n’est pas accessibles pour les étudiant.e.s. « J’ai vu les 6 pages de questionnaires à remplir, et cela m’a découragé », confie-t-elle.

Le milieu universitaire met en scène plusieurs inégalités, notamment entre les services que proposent les différents établissements et ceux du gouvernement fédéral, affirme Branley. Pour lui, il faudrait adopté un modèle qui permette à tou.te.s les étudiant.e.s de bénéficier d’accommodements sur une base égalitaire. 

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