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Ne pas bien parler sa propre langue ?

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19 octobre 2019

Crédit visuel : Andrey Gosse – directeur artistique 

Par Maeve Burbridge – Cheffe du pupitre Actualités

Être francophone en milieu minoritaire : les étudiant.e.s francophones de l’Université d’Ottawa (U d’O) vivent les défis et connaissent les enjeux qui viennent avec ce statut. Pour éclairer les réalités complexes des expériences vécues par les francophones en milieu minoritaires, le professeur et sociologue de l’U d’O, Christian Bergeron, mène une étude sur le parcours linguistique de ces populations.

L’imposition du français comme langue parlée et écrite s’est faite dans plusieurs régions du monde, à plusieurs moments différents de l’histoire. Ce phénomène a donné naissance à une multitude de dialectes français différemment parlés dans toutes ces régions.

Dans plusieurs de ces régions, le français est parlé minoritairement. L’analyse de Bergeron porte sur le parcours linguistique des individus qui sont francophones dans ces milieu où le français n’est pas la langue principale. L’étude se penche particulièrement sur les locuteurs du français en Bretagne, en Provence, à La Réunion et en Ontario.

Discrimination linguistique, toujours d’actualité

En ce qui concerne l’Ontario, Bergeron met l’accent sur le phénomène de la discrimination linguistique.

Les propos de la journaliste et animatrice québécoise Denise Bombardier à l’émission Tout le monde en parle, le 6 octobre dernier, rappellent que la discrimination linguistique est toujours d’actualité au Canada. 

Les propos de Bombardier ont fait réagir, notamment parce que la journaliste a déploré la qualité de la langue française parlée au Canada, en dehors du Québec. En parlant de l’Ontario en particulier, Bombardier estimait que le français allait périr au sein de la province, en raison de sa qualité jugée comme inférieure et de son statut minoritaire. Pour Bergeron, les propos de Bombardier représentent une discrimination.

Bergeron explique que nombre de francophones canadien.ne.s hors Québec sont victimes de la sorte de discrimination linguistique que décrivait Bombardier, sans pour autant s’en rendre compte.

Les Franco-ontarien.ne.s se font souvent rappeler que leur accent, leur intonation, leur façon de s’exprimer et leurs expressions sont différentes ou inférieures indique Bergeron. D’après lui, « le fait de se faire constamment rappeler sa différence, c’est une forme de discrimination même si ce n’est souvent pas perçu comme tel ». Le fait de mépriser un type de parler français serait de la discrimination linguistique entre francophones.

Vaut-il mieux se taire ?

Ce genre de discrimination, bien que souvent considérée subtile et inoffensive, peut avoir des conséquences sur une communauté. C’est ce qui cause l’insécurité linguistique, c’est-à-dire la préoccupation selon laquelle une personne ressent que son parler est de qualité inférieure à celui de son entourage.

« J’ai un accent du nord de l’Ontario parce que je viens je Sudbury », explique Émilie Pinard, étudiante de l’U d’O en kinésiologie. « En venant à Ottawa, il y a définitivement des gens qui m’ont fait sentir que je ne parlais pas bien ma propre langue […]. J’ai juste un accent différent. Il y a des gens qui pensent que leur façon de parler est la seule bonne façon », explique la Franco-Ontarienne.

Colin Jolineau, étudiant à l’U d’O en sciences de la santé, affirme également avoir été victime de discrimination linguistique. « J’ai vécu de l’insécurité linguistique, ici à Ottawa », partage Jolineau. « Quand je suis arrivé, j’avais tout de suite l’impression que je parlais un français très rural comparé aux autres. J’en avais un peu honte », relate l’étudiant.

Selon Bergeron, l’insécurité linguistique peut mener à deux conclusions. D’une part, une personne victime de ce genre de discrimination peut vouloir se taire à force de se sentir humilié par ses différences. D’après Bergeron, ça peut aboutir vers un « décrochage culturel » total. C’est-à-dire l’abandon de la langue et de la culture. D’autre part, une personne victime de discrimination linguistique peut s’efforcer à assimiler la version de la langue parlée par son entourage. 

Bergeron souligne qu’il existe une différence entre le fait de commettre des fautes en parlant le français à l’oral, et le fait de parler un dialecte du français qui s’éloigne des normes régionales. 

Conséquences de la discrimination

Les discriminations basées sur le dialecte peuvent nuire à la qualité de vie de ceux qui en sont victimes, selon Bergeron. « Ça fait mal de se faire dire qu’on n’est pas assez francophone, ou pas vraiment francophone », affirme-t-il. Ça contribuerait à un sentiment d’aliénation culturelle quand un individu a grandi dans une culture francophone, mais qu’ensuite il se fait dire qu’il ne parle pas assez bien pour faire partie de cette culture-là.

Bergeron explique aussi que les personnes qui parlent un dialecte du français qui s’éloignent des normes risquent de ne pas être pris autant au sérieux qu’ils le souhaiterait. Par exemple, si une personne est jugée comme ayant un français différent ou moins soutenu que la norme, elle aura un désavantage vis-à-vis l’obtention d’emplois.

Appel à la participation

L’étude de Bergeron continuera à explorer les problématiques auxquelles font face les francophones en milieu minoritaire dans le but de fournir un portrait plus détaillé du parcours linguistique des francophones canadien.ne.s en milieux minoritaires.

Le sociologue est toujours à la recherche de participant.e.s qui ont au moins 18 ans, qui parlent le français, qui sont étudiant.e.s et qui habitent en Ontario ou à Gatineau. Ceux et celles intéressé.e.s peuvent rejoindre le professeur par voie de courriel à l’adresse; cber9@uottawa.ca.

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