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Éditorial

Pourquoi ne participent-ils pas?

Web-Rotonde
24 mars 2014

Crédit : Nicholas DuBois– Par Ghassen Athmni –

En couvrant différents évènements, conférences, réunions ouvertes de groupes de travail, etc., cette semaine ou durant l’année, nous n’avons pu que constater la faiblesse effarante mais nullement étonnante de la participation étudiante. À défaut d’empirer, la situation ne semble pas être sur la voie de l’amélioration. Plusieurs questions se posent instantanément devant ce constat : que devons-nous faire pour y remédier? À qui ou à quoi est-ce la faute? Quel rôle est dévolu aux institutions universitaires et syndicales? Il serait difficile de répondre à toutes ces interrogations le temps d’un article, sans une véritable étude du fond de la question. Notre propos sera plutôt d’essayer d’approfondir la question à la lumière de ce que nous avons publié auparavant et qui s’inscrit dans la même perspective.

La condition étudiante

Le statut étudiant n’est en lui-même pas une bénédiction. Les étudiants sont, au meilleur des cas, perçus à travers l’entonnoir (ou la hacheuse) qu’ils doivent traverser pour atteindre leurs futures occupations. Dans d’autres cas, ils sont stigmatisés parce qu’ils ne produisent pas ce dont on pense avoir besoin dans l’immédiat (en tant qu’étudiants). Les politiciens les accusent, explicitement ou implicitement, selon les obédiences, comme toutes les autres catégories qui ne sont pas constamment mobilisées et dédiées à l’effort de production, de dépenser trop d’argent proportionnellement à ce qu’ils produisent.
Il en découle que les étudiants eux-mêmes, à raison à bien des égards, cherchent à se défaire de cette étiquette. On n’est pas uniquement étudiant de toute façon, on est bien plus. Simplement, on peut être étudiant à différents degrés et de différentes manières. Il n’est pas farfelu de penser qu’une bonne proportion des effectifs de l’Université d’Ottawa ou d’autres universités vit l’expérience étudiante comme elle est perçue, à travers un entonnoir qui détourne des autres facettes possibles de cette expérience. Dès lors, on peut bien présenter les meilleurs exercices et aborder la question avec les meilleures intentions, rien n’y fera, il faut commencer par repenser la condition étudiante. Tant qu’on ne réalise pas la valeur d’une matière proposée dans une conférence ou d’une lutte menée pour une question commune, ce sera insuffisant (il est également important de reconnaitre que les conférences et les luttes doivent nécessairement être elles aussi repensées).
Ceux qui fréquentent les établissements postsecondaires ont également souvent du mal à retrouver ce qui les anime dans ce qu’on leur propose sur les campus. Il serait peut-être intéressant d’élargir l’éventail de l’initiative à ce niveau en leur donnant plus de possibilités de concevoir et d’organiser des évènements autres que ce à quoi nous sommes habitués.

Le rapport aux études

La marchandisation du savoir et la conformation de l’université au modèle entrepreneurial forcent aussi l’instauration de limites à l’expérience étudiante et sa conformation aux principes des échanges commerciaux. Le fait même de devoir payer des montants aussi importants, imposé par le modèle entrepreneurial de l’autofinancement, resserre l’étau sur les velléités de se défaire de la perception de l’université comme une préparation au marché du travail.
Le problème c’est qu’on s’attend à ce que plus d’étudiants soient plus volontaires et qu’ils essayent de participer délibérément à des activités ou encore à des luttes qui ne sont pas incluses dans le rapport marchand voire lui sont contradictoires. Si on paye pour des études, qu’on mobilise les moyens de sa famille ou qu’on s’endette à n’en plus finir, ce n’est pas pour perdre son temps dans des conférences ou dans des groupes de travail. Le caractère obligatoire de ce rapport en amplifie les méfaits. Quand on est obligés d’acheter un service pour accéder à des droits, on ne perd pas son temps dans les à-côtés, ce qui compte c’est d’obtenir l’accès en question. De même, quand il s’agit de jeter un regard sur les activités des syndicats et des associations sur le campus, il est facile de remarquer qu’il y a plus d’engouement pour ce qui promeut un certain hédonisme dans une reproduction du reflex consumériste. Si les étudiants payent un certain montant à leur association ou à leur fédération, ils n’ont que très peu d’égard aux activités de débat concernant telle ou telle question, comparativement à ce qu’on peut constater quand il s’agit de festoyer selon certains standards. C’est essentiellement parce que s’impliquer et vouloir s’instruire sans but pécuniaire font défaut à ce rapport que les étudiants ne s’y retrouvent plus et peinent à en saisir l’intérêt.

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