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Pilule et égalité des sexes ; il est grand temps d’en parler

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10 mars 2021

Crédit visuel : Valérie Soares – Photographe

Chronique rédigée par Miléna Frachebois – Cheffe du pupitre Actualités

À l’occasion du 8 mars, les droits des femmes sont célébrés dans le monde entier. Entre innombrables portraits d’exploits féminins, et messages d’encouragements pour continuer à lutter, de tels discours tendent presque à nous faire croire en une société plus égalitaire et inclusive. Pourtant, cela a fait grincer des dents bien plus d’une féministe : il suffit de se pencher sur l’accès à la contraception pour comprendre que des principes sexistes règnent encore la vie des femmes aujourd’hui. 

La contraception, qui désigne tous les moyens qui permettent de contrôler la reproduction et les naissances, a toujours existé, explique Jade Sullivan, coordonnatrice au Centre de ressources des fxmmes (CRF) de l’Université d’Ottawa. Une variété de méthodes existe, et le choix d’adopter l’une d’entre elle dépend de divers facteurs.

Mikayla O’Neill, également coordonnatrice au CRF, partage que la pilule contraceptive a, dès son apparition, contribué à la cause féministe. Elle a permis à de nombreuses femmes de militer pour le contrôle de leur corps et de la reproduction. Mais à quel point sont-elles désormais maîtresses de leurs corps, et surtout, à quel prix ?

Émancipation limitée

Si cette avancée « miraculeuse » a permis la libération sexuelle des femmes dans une certaine mesure, les contraceptifs féminins restent problématiques. Ils réduisent peut-être certains risques potentiels liés aux relations sexuelles, comme la grossesse non désirée, mais responsabilisent davantage les femmes, puisque la majorité des contraceptions disponibles actuellement les concernent. Comme l’expliquent O’Neill et Sullivan, certaines contraceptions ne sont pas disponibles partout ni pour tout le monde, car elles sont coûteuses, et un avis médical est souvent nécessaire pour obtenir une prescription. 

Cette responsabilité, couplée aux fardeaux qui l’accompagnent, peuvent être extrêmement pesants. La pilule doit-être prise quotidiennement, et il faut se rendre chez un professionnel pour se faire poser un stérilet ou un implant. De plus, les contraceptifs sont souvent liés à de nombreux effets secondaires, comme la prise de poids, la dépression, l’anxiété, ou encore les changements de libido. La charge est financière, mais également mentale et physique.

Sexisme soutenu 

La femme est, dans une majeure partie des cas, celle qui assume le poids de la contraception. Ce phénomène pourrait être lié à une offre de contraception féminine plus grande et plus commune que chez les hommes. Mais pour Sullivan, cela soulève un plus grand problème. Pourquoi limiter l’accès à un ovule et ne pas limiter la production du sperme ? En fait, où en est la contraception masculine ?

Le projet de pilule contraceptive masculine est né dans les années 2010, mais n’a pas encore abouti. Dans les phases de développement d’essais cliniques de 2016, d’importants effets secondaires ont été remarqués. Parmi eux, troubles de l’humeur, acné, douleurs… Les mêmes que ceux que les femmes subissent tous les jours. Depuis l’observation de tels résultats chez les hommes, les deux coordinatrices du CRF soulignent que le nombre de recherches sur le sujet a drastiquement chuté, notamment à cause d’un manque de financement.  

Elle explique ce manque d’intérêt pour la pilule masculine comme conséquence d’un phénomène courant de notre société. Selon elle, il est  vu comme anormal et atypique que les corps masculins soient régulés, contrôlés, et soumis à des obligations, surtout si d’autres méthodes existent déjà. O’Neill la rejoint en appuyant que la reproduction est souvent abordée comme une problématique essentiellement féminine.

Lutter à notre échelle

Il existe selon moi divers moyens assez simples de faire face, ensemble, aux nombreux problèmes liés à ces inégalités. Pourquoi ne pas partager la charge que constitue la prise de contraception entre les partenaires ? Dans le cas de la pilule, l’autre peut mettre un rappel sur son téléphone au moment de la prendre, et aller la chercher en pharmacie au besoin.

Je crois que pour n’importe quelle contraception, les partis engagés dans la relation doivent participer financièrement. Qu’il s’agisse d’un préservatif, d’une pilule, ou d’un stérilet, la pression financière ne devrait pas reposer sur les épaules d’une seule personne.

S’il existe quelques services qui proposent la livraison discrète et gratuite de préservatifs, il est aberrant de constater que la contraception ne soit pas gratuite ou du moins remboursée par le régime santé. Cela montre bien que liberté sexuelle n’est pas fondamentale dans notre société actuelle ; elle a un prix. 

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