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Éditorial

Lutter pour la parité, ce n’est pas qu’une fois dans l’année

Rédaction
8 mars 2021

Crédit visuel : Valérie Soares – Photographe 

Éditorial rédigé par Caroline Fabre – Rédactrice en chef

Qu’elle soit connue sous le nom de la journée de la femme, des femmes, ou encore des droits des femmes ; le 8 mars célèbre les accomplissements au féminin à travers le monde. Chaque année, les mêmes promesses sont faites, mais très peu de choses changent.

Dans la première partie du 20ème siècle, des milliers de femmes manifestent pour l’égalité des sexes, le droit de vote, et de meilleures conditions de travail. C’est en 1910 que Clara Zetkin propose, lors d’une conférence internationale des femmes travailleuses à Copenhague, la création d’une « Journée internationale des femmes ».

S’établit alors « un jour où les femmes sont reconnues pour leurs réalisations, sans égard aux divisions, qu’elles soient nationales, ethniques, linguistiques, culturelles, économiques ou politiques. C’est une occasion de faire le point sur les luttes et les réalisations passées, et surtout, de préparer l’avenir et les opportunités qui attendent les futures générations de femmes », définit l’Organisation des Nations unies (ONU), qui reconnaîtra officiellement cette célébration dès 1977. Et des luttes léguées aux futures générations de femmes, il y en a un paquet.

Journée spéciale

Si l’initiative d’avoir une journée des droits des femmes est tout à fait louable, ne constitues-tu pas elle-même une preuve de la banalisation du sexisme au sein des sociétés actuelles ? Il est triste de constater la nécessitée de célébrer les femmes et leurs droits en leur consacrant une journée complète quand il n’existe pas de journée internationale des droits des hommes. Car s’il y a bel et bien une journée internationale des droits de l’Homme, le 10 décembre, aussi appelée Journée internationale des droits de la personne, elle célèbre en fait l’adoption, en 1948, de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. À quoi bon rappeler aux femmes à quel point elles sont fortes, merveilleuses, et qu’elles doivent continuer à se battre si c’est pour que chaque année les mêmes revendications soient émises, preuves que la situation n’évolue que très peu, et ce, malgré les avancées dans les autres domaines ?

La célébration des femmes et de leurs droits ne doit pas avoir lieu une seule fois chaque année ; c’est un combat qu’il convient de mener tous les jours contre le sexisme, et que certaines payent de leur vie. Terminé le slack­ti­visme ; les mentalités doivent changer.

Inégalités banalisées

Les sociétés actuelles sont définies et gouvernées par les hommes ; les femmes occupent une place minoritaire, et subissent, au quotidien, des discriminations basées sur leur genre. Il suffit de constater qu’il est, encore bien trop souvent aujourd’hui, nécessaire de faire un choix entre être mère et vouloir faire carrière en raison de nombreuses pressions sociales.

Selon une étude en relations industrielles et en sociologie de l’Université de Montréal, les femmes seraient plus enclines à développer un épuisement professionnel, ou encore des symptômes de détresse psychologique et de dépression. Malgré cela, elles gagnaient en moyenne 13,3 % de moins par heure que les hommes en 2018, soit 4,13 dollars, partageait Statistique Canada en octobre 2019.

Les femmes sont également plus enclines à subir des violences sexistes, des agressions sexuelles, du harcèlement psychologique et même à être victimes de féminicides. Un rapport de l’ONU partage que « depuis l’apparition de la COVID-19, les données et les rapports […] montrent que tous les types de violence contre les femmes et les filles, et surtout la violence domestique, se sont accrus. » Les plus touchées par ces inégalités systémiques sont d’ailleurs les femmes racisées ; le combat pour les droits des femmes, c’est une affaire de droits humains, et c’est l’affaire de tou.te.s.

Il existe une véritable invisibilisation des exploits féminins, à tel point qu’une page Wikipédia baptisée « une femme » a été créée pour les célébrer. Façon ironique de faire remarquer cette infériorisation, vous en conviendrez.

Sexisme universitaire

À l’occasion de la journée des droits des femmes, le recteur et vice-chancelier de l’Université d’Ottawa (U d’O) Jacques Frémont a tenu à remercier « les femmes de notre communauté universitaire qui sont une source d’inspiration pour les futures générations de leaders, chercheuses et actrices de changement » sur Twitter. Si le message semble engagé contre le sexisme et les disparités au premier abord, rappelons que le journal The Globe and Mail a publié un article classant l’U d’O parmi les dix pires universités ontariennes concernant les inégalités liées au genre des employé.e.s.

Sur 1223 employé.e.s, seules 499 étaient des femmes en automne 2020. Il est bien beau de publier un article célébrant les femmes chaque année à l’occasion du 8 mars, mais n’est-ce pas simplement une façade inclusive ? Montrer les exploits des femmes de l’Université est un bel effort, mais il conviendrait plutôt d’offrir une mise au point sur les conditions des professeures, et des plans actifs pour mettre fin aux difficultés et inégalités qu’elles rencontrent au quotidien. Y a-t-il moyen de mettre en place un nouveau comité ? 

Si le recteur a tenté de justifier ces chiffres, il convient cependant de se poser la question de la présence des femmes dans le milieu universitaire. L’apparition de la pandémie et la migration en ligne auraient pu laisser penser que le sexisme ordinaire se serait amoindri, donnant enfin aux femmes le droit à un environnement de travail plus sain… mais non.

S’il est souvent subtil, le sexisme à l’encontre des professeures dans l’enseignement supérieur est bien présent dans le monde virtuel. Pourtant, il est tellement ancré dans les mentalités, qu’il est souvent difficile de s’en apercevoir. Un article du New York Times souligne que les interruptions multiples, le manque d’attention de la part des participant.e.s, et les jugements basés sur leur apparence sont des réalités que subissent encore de nombreuses professeures aujourd’hui. Entre mansplaining et autres commentaires désobligeant.e.s, la lutte est bien loin d’être terminée.

Célébrons les femmes, dans toutes leurs formes, dans toutes religions, dans toutes leurs différences, et dans toutes leurs ressemblances. En attendant, pour celles qui se sont battu pour une société plus égalitaire, et qui continuent de le faire au quotidien, merci.

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