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Éditorial

Vrai ou faux activisme ; combat contre l’hypocrisie sociale

Rédaction
22 février 2021

Crédit visuel : Nisrine Nail – Directrice artistique

Éditorial rédigé par Caroline Fabre – Rédactrice en chef

Avec l’avènement des technologies de l’information et de la communication, l’activisme s’est peu à peu transformé pour devenir un véritable combat numérique. Que ce soit #MoiAussi, #LaVieDesNoirsCompte, ou encore #LibérezlesOuighours, les médias jouent aujourd’hui un rôle incontestable dans notre société. Mais ce cybermilitantisme est-il la marque d’un véritable engagement ?

Internet est devenu, avec les années, un véritable outil de participation politique, mais aussi de lutte démocratique,  environnementale, économique ou encore sociale. Quoi de plus simple que de faire parler d’une cause en postant, en partageant une information, ou en signant des pétitions depuis chez soi. Rien de plus pratique que de fournir un minimum d’efforts pour participer à l’activisme, et ainsi se donner bonne conscience.

Faire la différence

Il convient d’abord de distinguer l’activisme en ligne du slacktivisme. Ce dernier, issu de la contraction entre les mots paresseux et activisme, implique de réaliser une bonne action, mais en s’impliquant en ligne de façon minime. Or, l’activisme ne se réduit pas seulement à aimer des statuts, des photos, ou des vidéos sur les différents réseaux sociaux ; il est question d’une lutte constante pour induire un changement. Et ce n’est pas parce que vous n’êtes pas concerné.e.s que vous ne pouvez pas lutter.

Terminées les mauvaises excuses, il ne devrait pas y avoir besoin qu’une tragédie soit amplement relayée sur les réseaux sociaux pour que les gens se mettent à lutter pour la justice. Cet activisme paresseux peut grandement s’apparenter à de l’activisme performatif, qui consiste à faussement militer pour accroître son capital social et se faire bien voir, plutôt que de véritablement soutenir une cause.

Culture de la superficialité 

Ce n’est un secret pour personne, et bien que les moeurs changent, rares sont celles et ceux qui osent s’afficher au naturel sur les réseaux sociaux. Il existe aujourd’hui une véritable course à l’acceptation sociale et à la validation d’autrui. 

Les nouvelles générations souffrent de la peur de rater quelque chose, aussi appelée FOMO, fear of missing out en anglais. Cette angoisse s’applique également au cas de l’activisme ; certain.e.s ressentent le besoin de se conformer aux autres pour avoir l’air d’être de bonnes personnes. Mais croient-ils.elles seulement en la cause ou est-ce la peur de subir des remarques, d’être traité de raciste, de sexiste, ou d’homophobe qui les force à rejoindre les mouvements ? Les cas de personnes ayant été insultées suite à leur absence de réaction lors des mouvements de protestation sont nombreux, leur absence de prise de position ayant été considérée comme un soutien aux oppresseur.e.s.

Désirent-ils.elles réellement changer les mentalités ? Il y a fort à parier que ce n’est pas le cas, et que ces personnes tentent seulement d’augmenter leur capital social ; il suffit de voir comme certain.e.s sont incapables de faire la différence entre le racisme systémique et le racisme systématique. Quand l’activisme est-il devenu une tendance que les gens suivent au grès des saisons ? 

Hypocrisie sociale

Il suffit de voir comme le décès de George Floyd le 25 mai dernier à Minnea­po­lis a amené à l’organisation de nombreuses mani­fes­ta­tions à travers le globe pour comprendre l’effet des différents réseaux sociaux. La mobilisation digitale qui en a suivi s’est rapidement transformée en véritable hypocrisie. 

Lancé par Jamila Thomas et Brianna Agyemang, deux femmes noires travaillant dans le marketing musical, le mouvement #BlackOutTuesday a vu le jour dans le but de sensibiliser contre le racisme, les violences policières et soutenir le mouvement #LaVieDesNoirsCompte. Si cette initiative partait d’une bonne intention, elle a cependant provoqué le blocage des ressources sur le mouvement et les événements qui avaient lieu en temps réels, au détriment des manifestant.e.s. Et quand vous résidez dans un pays où votre couleur de peau peut signer votre arrêt de mort, mieux vaut être informé.e.s en temps réel.

Si pas loin de 22 millions de photos noires avaient été publiées sur Instagram à cette occasion, la pétition réclamant que les agents impliqués dans la mort de Floyd soient licenciés et que des accusations soient portées avait récolté deux fois moins de signatures. Signer une pétition  pour que justice soit faite est-il si compliqué ? Ou ce manque d’action est-il plutôt lié à la couleur de peau de Floyd, qui lui a valu d’être assassiné par le racisme systémique encore bien trop présent dans notre société ? Dans un cas comme dans l’autre, le militantisme du clic est ici parfaitement illustré. 

L’industrie de la mode s’était elle aussi faite remarquer par son activisme performatif durant le #BlackOutTuesday. La marque Celine, qui avait notamment posté le fameux carré noir, avait déclaré soutenir le combat contre « toute forme de discrimination, d’oppression et de racisme. » Dommage que la marque ait été critiquée dans le passé par son manque de diversité, n’ayant fait appel qu’à un seul mannequin noir dans un défilé entre 2009 à 2013. Certes, sept ans séparent les deux périodes. Mais il est aberrant de constater qu’en 2020, elle brillait toujours par son absence de modèles noir.e.s durant les défilés ou les différentes campagnes. 

Pour être considéré.e comme un.e véritable allié.e, il est nécessaire de reconnaître ses propres privilèges, et de surmonter ses éventuels préjugés en s’éduquant, et en réfléchissant. Car avoir le choix de supporter une cause, c’est être privilégié.e. Certain.es se battent tous les jours pour être reconnu.e.s, respecté.e.s et avoir le simple droit d’exercer leurs croyances librement, et le payent même parfois au prix de leur vie.

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