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Possible ou impossible ? Telle est la question à la COP 28

Nisrine Nail
13 décembre 2023

Crédit visuel : Nisrine Abou Abdellah — Directrice artistique 

Article rédigé par Nisrine Nail — Cheffe du pupitre Actualités

La 28e édition de la Conférence des parties (COP) de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques s’est tenue aux Émirats arabes unis (EAU) à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre. Un des objectifs principaux de cette conférence est celui d’accélérer la transition des énergies fossiles à des sources d’énergie propre et renouvelable. Jusqu’à présent, près de 118 pays ont signé un accord pour tripler la capacité des énergies renouvelables.

Lynda Hubert Ta, professeure adjointe à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa (U d’O), indique que les entreprises du secteur des énergies fossiles seront « particulièrement » interpellées. Elle poursuit en se référant à un récent rapport de l’Agence internationale de l’énergie : « Si nous voulons atteindre l’objectif d’une hausse des températures limitée à 1,5 °C fixé à Paris en 2015, aucun nouveau champ pétrolier et gazier ne devrait être développé ».

Conflits d’intérêts et lobbyisme

La COP 28 a été désignée de conférence controversée, notamment en raison de son président, Sultan Ahmed Al-Jabar, à la tête d’une entreprise pétrolière, mais aussi ministre de l’Industrie et des Technologies avancées aux EAU. Hubert Ta est d’avis que les normes de conduite du Président de la COP sont « très peu développées ». Elle suggère de les étoffer afin d’éviter les conflits d’intérêts possibles. Leanne Keddie, professeure associée de comptabilité à la Sprott School of Business de l’Université Carleton, déplore la récente contestation d’Al-Jabar sur la nécessité d’éliminer progressivement les combustibles fossiles, qu’elle qualifie de « décourageante ».

Keddie souligne être préoccupée par le nombre croissant de lobbyistes de l’industrie des combustibles fossiles. « Si les industries pétrolières et gazières sont présentes pour trouver des solutions de transition, c’est bien, mais si l’objectif est de ralentir ce progrès, c’est problématique », signale la professeure associée. Alexandra Mallett, professeure associée en politique et administration publique à l’Université de Carleton, estime qu’il est important de s’assurer que ces questions de conflit d’intérêts soient traitées, mais nuance qu’il serait « une erreur » de les exclure compte tenu de leur pouvoir et de leur influence.

Thomas Burelli, professeur et codirecteur du Centre du droit de l’environnement et de la durabilité mondiale à la Faculté de droit de l’U d’O, renchérit qu’il faut comprendre les enjeux auxquels ils.elles [les lobbyistes] sont confronté.e.s et négocier avec eux.elles avant de mettre en place des réglementations, « car si elle n’est pas appliquée ou inapplicable, ça ne sert à rien ».

Position particulière du Canada 

Le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault a préconisé à la COP 28 une élimination progressive des combustibles fossiles sans aucune mesure d’atténuation, en employant des technologies de captage et de stockage du carbone au Canada. Keddie convient que le stockage du carbone peut être un moyen attrayant à court terme, mais ne réduit pas les émissions. Ces technologies, selon Burelli, ne suffiront pas et sont encore à développer. Mallett observe que « tout le monde était enthousiasmé par cette nouvelle technologie » lorsque les négociations sur le climat ont commencé, mais que 23 ans plus tard, il n’y a pas de progrès.

Burelli avance que le gouvernement fédéral « protège » son industrie des énergies fossiles. « Le Canada est un pays basé sur l’exploitation des ressources naturelles d’un point de vue économique. Je comprends dans une certaine mesure la position du gouvernement », atteste le codirecteur. Il remarque toutefois que le soutien du gouvernement envers de nouveaux projets d’exploitation pétrolière est incompréhensible alors qu’il se prépare à une transition.

Le professeur en droit ajoute que l’enchevêtrement des compétences provinciales et fédérales est « complexe ». Il observe que le palier fédéral négocie des accords internationaux, comme aux COPs, mais leur mise en œuvre dépend partiellement des provinces et des territoires. Selon Mallett, il est important que le Canada ait une approche « régionale variée » pour lutter contre les changements climatiques. « Étant donné que nous sommes une fédération, le défi consiste à naviguer prudemment, car si le fédéral frustre les provinces au point d’aller devant la Cour suprême, cela pose des problèmes. C’est aussi un gaspillage d’argent considérable pour les contribuables », avise la professeure associée en politique et administration publique.

COPs : une cause perdue ou un brin d’espoir ? 

Burelli énonce que des déclarations et des rapports à la COP 28 ont indiqué que la température mondiale dépassera 1,5 degré d’ici les sept prochaines années, ce qui est « catastrophique ». L’objectif des engagements de l’accord de Paris est alors perdu, atteste-t-il. Ce dernier exprime sa déception : « Imaginez qu’on triple nos efforts alors qu’on nous dit déjà que c’est très compliqué ».

Mallett rapporte qu’elle a remarqué des changements depuis le début des COPs, surtout aux niveaux local et régional. La professeure en politique et en administration publique insiste que ces conférences sont importantes, car elles provoquent des conversations et poussent des changements à grande échelle au sein de la société. Selon elle, les priorités de la COP 28 en matière d’inclusivité, surtout auprès des peuples autochtones, sont un changement majeur à souligner.

Après de nombreuses négociations, un accord a été unanimement adopté et signé par les 199 pays participants à la COP 28 le 13 décembre. Celui-ci vise à une « transition » hors de toutes les énergies fossiles dans le but d’atteindre la carboneutralité en 2050.

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