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Éditorial

Quand le fédéralisme l’emporte sur la crise climatique

Rédaction
30 octobre 2023

Crédit visuel : Nisrine Abou Abdellah — Directrice Artistique

Éditorial rédigé par le comité de rédaction de La Rotonde

La Cour suprême du Canada (CSC) s’est prononcée le 13 octobre dernier sur la constitutionnalité de la Loi sur l’évaluation d’impact du gouvernement fédéral. Selon la Cour, la partie de la Loi qui touche aux projets désignés, soit ceux qui ne découlent pas directement de ses compétences, est inconstitutionnelle. Cette décision nous invite donc, à La Rotonde, à nous questionner sur ses conséquences. Quel est le futur de la protection de l’environnement au Canada?  

La Loi sur l’évaluation d’impact encadre tout le processus d’évaluation et d’approbation des projets d’infrastructures comme des pipelines, des barrages hydro-électriques, ou même des mines. Elle a pour but de permettre au gouvernement fédéral d’examiner les effets d’un projet donné sur les changements climatiques ainsi que sur certaines questions sociales, afin d’empêcher leur réalisation si les conséquences environnementales sont trop importantes.

En décidant qu’une partie de la Loi est inconstitutionnelle, la Cour annonce que les évaluations d’un projet doivent se limiter aux aspects qui relèvent des compétences d’un seul ordre de gouvernement. C’est une décision qui semble trancher en faveur d’un fédéralisme strict et qui favorise les provinces dans le débat des compétences. Si la Cour suprême cite la défense de l’environnement comme une priorité pour le Canada, son jugement semble pourtant indiquer le contraire.

Recentrer le débat

Selon plusieurs activistes et organisations, la décision de la Cour suprême est un recul pour la défense de l’environnement. Le Centre québécois du droit de l’environnement explique dans son communiqué que la partie de la Loi jugée inconstitutionnelle mine un aspect essentiel de la protection du climat. Les conséquences des projets sont multiples et cumulatives, et la décision permet une plus grande négligence de la part des gouvernements provinciaux en ce qui concerne les répercussions de leurs projets sur l’environnement.

Somme toute, la protection de l’environnement semble coincée dans un perpétuel combat entre les gouvernements provinciaux et le fédéral. La Loi sur l’évaluation d’impact n’est pas la première à être contestée. En 2021, la CSC donnait raison au gouvernement fédéral quant à sa Loi sur la taxe carbone. Dans le cadre de leurs contestations, les provinces ont fait valoir qu’Ottawa outrepasse ses compétences et souhaite imposer sa volonté plutôt que collaborer. Sans entrer ici dans un débat sur le fédéralisme et les compétences, on peut toutefois se demander si la protection de l’environnement ne demanderait pas une interprétation du fédéralisme plus large. Une vision qui permettrait de centrer le combat contre les changements climatiques au cœur des efforts des deux échelles de gouvernement.

Ces débats ne prennent pas en compte l’urgence de la crise climatique. En cinq ans, soit depuis que l’Alberta a contesté la Loi devant les tribunaux, nous avons fait face à une détérioration de l’environnement sans précédent. Les feux de forêt ont ravagé le pays et les changements climatiques ont eu des conséquences importantes sur la vie de tous.tes. Nous sommes dans une situation où le niveau de nos émissions approche un point de non-retour qui nécessite des actions rapides !

Dans sa décision, la Cour suprême maintient que sa décision n’empêche pas Ottawa de continuer à évaluer certains projets. Le gouvernement fédéral a d’ailleurs annoncé qu’il proposera bientôt une nouvelle loi qui prendra en compte les amendements suggérés par la Cour. Les conséquences de cette décision ne se limitent pas à la politisation du droit de l’environnement : elle nous invite à déterminer comment nous pouvons protéger notre pays hors des tribunaux.

Protéger la planète autrement

En amont de la décision de la Cour suprême, plusieurs groupes sont intervenus afin de défendre la Loi. Parmi ceux-ci, on retrouve plusieurs représentant.e.s des communautés autochtones qui ont mis de l’avant l’importance de respecter leur souveraineté ainsi que leurs voix dans la prise de décision quant aux projets. En effet, l’une des grandes composantes de la Loi est la place des communautés autochtones dans le processus d’évaluation des impacts sur l’environnement. Bien que la CSC ne se soit pas exprimée sur cet aspect, elle souligne tout de même l’importance d’agir de concert pour la protection de celui-ci. Cela ne peut pas se faire sans mettre au premier plan les considérations des communautés autochtones.

Il serait toutefois dangereux de penser que le combat pour le climat au Canada ne dépend que des décisions juridiques. En parallèle à la prise en compte accrue des voix des communautés autochtones, la reconnaissance du racisme environnemental s’avère aussi importante. Notamment, le projet de loi C-226 qui porte sur le racisme environnemental est à l’étude à la Chambre des Communes. Cette loi viendrait imposer une stratégie nationale afin de trouver des solutions face aux répercussions des risques environnementaux sur les populations marginalisées. On peut la retrouver au sein même d’un projet de loi. L’un des plus grands effets des décisions relatives au droit environnemental, surtout lorsqu’il ne s’agit pas d’une avancée, est l’effacement des voix de groupes minoritaires.

Cette décision nécessite donc une plus grande concentration sur le combat d’activistes et d’organisations dans le pays, comme le groupe de jeunes Ontarien.ne.s qui poursuivent le gouvernement de Doug Ford pour ses politiques environnementales. Ce sont ces groupes qui participent à la responsabilisation du Canada quant à ses promesses pour l’environnement. Comme on peut le voir dans des pays comme la France ou le Vietnam, ce sont des initiatives locales, qui réussissent à créer du changement.

Bien que nous puissions continuer à espérer que le domaine juridique apportera des succès quant à la lutte contre les changements climatiques, cette décision confirme qu’au Canada, ce sont les communautés qui protègent l’environnement avant tout !

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